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3 mai 2017 3 03 /05 /mai /2017 08:51

 

 

 

Par AdDen avocats • 14 août 2016

Réforme des procédures de participation du public aux décisions en matière d’environnement

Ordonnance n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement

 

En parallèle de la réforme de l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes1, et prise pour sa part sur le fondement du 3° du I de l’article 106 de la loi dite « Macron » du 6 août 20152, cette ordonnance comporte, selon le Rapport au Président de la République l’accompagnant, trois principaux champs de modification du droit actuel :

- création dans le livre Ier du code de l’environnement d’un chapitre préalable définissant les objectifs de la participation du public aux décisions ayant un impact sur l’environnement et les droits en résultant ;

- renforcement de la participation du public en amont du processus décisionnel, notamment par l’élargissement du champ des procédures de débat public et de concertation ;

- modernisation des procédures de participation en aval (enquête publique et participation du public en l’absence d’enquête ou de toute procédure particulière), notamment en généralisant la dématérialisation de celles-ci.

Précisons d’emblée qu’en vertu de son article 8, cette ordonnance entrera en vigueur à une date fixée par décret (non encore paru) et au plus tard le 1er janvier 2017. Ses dispositions ne seront par ailleurs applicables qu’aux décisions pour lesquelles une participation du public aura été engagée postérieurement à cette date.

 

1 Les principes de la participation du public

L’article 1er de l’ordonnance insère dans le code de l’environnement un « chapitre préliminaire » 3 intitulé « Principes et dispositions générales ».

Celui-ci comporte un unique article L. 120-1 qui énonce les objectifs de la participation du public (améliorer la qualité de la décision publique et contribuer à sa légitimité démocratique…) et les droits en résultant (demander la mise en œuvre d’une procédure de participation ; disposer de délais raisonnables pour formuler des observations et des propositions ; être informé de la manière dont il en a été tenu compte…), certains de ces droits devant être également respectés en cas de procédure de concertation organisée en application du code de l’urbanisme.

Selon le Rapport au Président de la République, il s’agit de préciser le contenu des droits octroyés au public par l’article 7 de la Charte constitutionnelle de l’environnement et le principe de participation défini par l’article L. 110 du code de l’environnement.

 

2 Le renforcement et l’élargissement de la participation du public en amont du processus décisionnel

L’essentiel de la réforme opérée ici par l’article 2 de l’ordonnance concerne tout autant l’architecture de la participation amont du public que ses modalités.

 

2.1 Les différentes procédures de participation en amont et leur articulation

En l’état actuel du droit (avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance) :

- En application du code de l’environnement, certains projets (autoroutes, lignes électriques…) peuvent donner lieu à une participation du public selon deux modalités (débat public et concertation). La Commission nationale du débat public (CNDP) est saisie de projets répondant à certains critères et seuils et elle décide alors si elle organise un débat public ou si, à défaut, elle recommande au maître d’ouvrage l’organisation d’une concertation, le cas échéant avec désignation d’un garant de celle-ci chargé de veiller à son bon déroulement4. Pour les projets entrant dans les mêmes catégories mais n’atteignant pas les seuils, le maître d’ouvrage ou la personne publique responsable du projet décide de saisir ou non la CNDP et, s’il ne la saisit pas, précise les modalités de la concertation qu’il s’engage à mener. La CNDP peut en outre être saisie par des parlementaires, une collectivité territoriale…5

- Parallèlement, en application du code de l’urbanisme, certains projets ou opérations font l’objet d’une concertation obligatoire (création d’une zone d’aménagement concerté, réalisation de certains investissements routiers…)6. De même, les projets de travaux ou d’aménagements soumis à permis de construire ou à permis d’aménager, ne donnant pas lieu à concertation obligatoire, peuvent faire l’objet d’une concertation similaire préalable à l’initiative de l’autorité compétente pour statuer sur la demande de permis ou, avec l’accord de celle-ci, à l’initiative du maître d’ouvrage7.

- Enfin, s’y ajoutent d’autres mécanismes de concertation spécifiques prévus par divers textes, tels que celui applicable au schéma d’ensemble du réseau de transport public du Grand Paris.

 

L’ordonnance du 3 août 2016 agit à trois niveaux pour élargir le champ de la participation amont du public en application du code de l’environnement :

- la participation (débat public et concertation) englobe désormais des plans et programmes et non plus seulement des projets ;

- la concertation préalable concerne également des projets, plans et programmes ne donnant pas lieu à saisine (automatique ou facultative) de la CNDP dès lors qu’ils sont néanmoins assujettis à une évaluation environnementale ;

- il est par ailleurs créé un droit d’initiative citoyenne permettant de saisir la CNDP ou, pour certains projets, de réclamer l’organisation d’une concertation préalable.

Il est inséré au début du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l’environnement, renommé « Participation du public à l’élaboration des plans, programmes et projets ayant une incidence sur l’environnement », un nouvel article L. 121-1-A énonçant que ses dispositions s’appliquent à la participation du public préalable au dépôt de la demande d’autorisation d’un projet ou pendant la phase d’élaboration d’un plan ou d’un programme, et énumérant les procédures de participation concernées :

- débat public et concertation préalable relevant de la compétence de la CNDP (qu’elle soit saisie automatiquement ou par l’une des personnes habilitées à la saisir)8 ;

- et, pour les projets, plans et programmes n’entrant pas dans le champ de la compétence de la CNDP mais assujettis à évaluation environnementale :
• concertation préalable mise en œuvre par le maître d’ouvrage ou la personne publique responsable du plan ou programme ;
• concertation préalable mise en œuvre à la demande de l’autorité compétente pour approuver le plan ou programme ou autoriser le projet ;
• concertation préalable décidée par le représentant de l’Etat à la suite du droit d’initiative ouvert au public lorsque le projet est en outre réalisé sous maîtrise d’ouvrage publique ou bénéficie d’aides publiques9.

Toutefois, les dispositions régissant le débat public et la concertation relevant de la CNDP ne sont pas applicables aux documents d’urbanisme et aux projets soumis à une concertation obligatoire au titre de l’article L. 103-2 du code de l’urbanisme ainsi qu’au schéma d’ensemble du réseau de transport public du Grand Paris. Et, inversement, les dispositions prévues à l’article L. 103-2 du code de l’urbanisme ne sont pas applicables aux projets relevant des règles régissant la CNDP10.

Sont de même exclus de la concertation préalable hors CNDP les projets et les documents d’urbanisme soumis à concertation obligatoire au titre de l’article L. 103-2 du code de l’urbanisme et les plans et programmes soumis à une procédure particulière (plan de prévention des risques technologiques, plan de gestion des risques d’inondation, schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux, plan d’action pour le milieu marin et schéma d’ensemble du réseau de transport public du Grand Paris)11.

Enfin, la mise en œuvre d’une procédure de participation du public en amont du processus décisionnel en application du code de l’environnement ne dispense pas de la mise en œuvre d’une procédure de participation en aval (notamment l’enquête publique) lorsque celle-ci est requise.

 

2.2 Les nouvelles modalités de la participation du public en amont

- Rôle, prérogatives et saisine de la CNDP : elle est également saisie des plans et programmes de niveau national faisant l’objet d’une évaluation environnementale12, bénéficie de nouvelles prérogatives (établissement d’une liste nationale de garants13, demande de réalisation d’expertises14, rôle de conciliation15) et peut désormais être saisie : pour les projets dont elle n’est pas automatiquement saisie, par 10 000 ressortissants majeurs de l’Union européenne résidant en France16 ; et pour les projets de réforme relatifs à une politique publique ayant un effet important sur l’environnement ou l’aménagement du territoire, par le gouvernement, 60 parlementaires ou 500 000 ressortissants de l’UE17.

 

- Succession plan / projet : lorsqu’un projet a fait l’objet d’un débat public lors de l’élaboration d’un plan ou d’un programme approuvé depuis moins de cinq ans et définissant le cadre dans lequel le projet pourrait être autorisé et mis en œuvre, ce projet est dispensé de débat public ou de concertation préalable, sauf décision motivée contraire de la CNDP18.Par ailleurs, la procédure de concertation préalable hors CNDP est précisée :

 

- Institution de modalités minimales : la durée de la concertation est comprise entre 15 jours et 3 mois avec information du public 15 jours avant par voie dématérialisée et par voie d’affiches ; le bilan de la concertation est rendu public et le maître d’ouvrage indique les mesures qu’il juge nécessaire de mettre en place pour répondre aux enseignements qu’il tire de la concertation19. Au-delà de ces modalités minimales, un garant peut par ailleurs être désigné et, entre autres missions, celui-ci en établira le bilan20.

 

initiative21 : elle peut être engagée à l’initiative du maître d’ouvrage du projet ou de la personne responsable du plan/programme (avec ou sans garant), mais elle peut également, s’agissant d’un projet, être imposée par l’autorité compétente (avec garant) pour autoriser celui-ci, par décision motivée intervenant dans un délai de 15 jours maximum après le dépôt de la demande d’autorisation (2 mois après la publication de la déclaration d’intention s’il y a lieu de procéder à une telle formalité) ; elle peut en outre, s’agissant des projets et des plans/programmes soumis à déclaration d’intention, être imposée par le préfet à l’initiative du public22 (sauf si une concertation préalable a été organisée à l’initiative du maître d’ouvrage respectant les modalités minimales désormais prévues et prévoyant en outre un garant) ;

 

- obligation de déclaration d’intention23 : elle concerne les projets réalisés sous maîtrise d’ouvrage publique dépassant un montant qui sera fixé par décret ou les projets privés bénéficiant de « subventions publiques à l’investissement accordées sous forme d’aide financière nette au maître d’ouvrage »24 dépassant ce montant ainsi que les plans/programmes ; elle doit comporter, notamment, des informations sur les motivations et raisons d’être du projet, le périmètre susceptible d’être affecté par celui-ci, un aperçu de ses incidences potentielles sur l’environnement ; elle est publiée sur internet. Notons que la décision de cas par cas imposant une évaluation environnementale / étude d’impact vaut déclaration d’intention si elle est publiée dans les conditions imposées pour cette dernière et accompagnée des modalités de concertation préalable envisagées.

 

- Droit d’initiative ouvert au public25 : lorsqu’une concertation préalable respectant les modalités minimales et comportant en outre un garant n’est pas déjà mise en œuvre à l’initiative du maître d’ouvrage ou de l’autorité compétente, et toujours lorsqu’est en cause un projet ou plan/programme assujetti à évaluation environnementale, un droit d’initiative est ouvert au public26 pour demander au représentant de l’Etat l’organisation d’une concertation. Le droit d’initiative s’exerce, au plus tard, dans le délai de deux mois suivant la publication de la déclaration d’intention d’un projet ou, pour les plans et programmes, de l’acte en prescrivant l’élaboration. Le représentant de l’Etat décide, dans le délai d’un mois à compter de la demande, de l’opportunité d’organiser une concertation préalable et en fixe la durée et l’échelle territoriale.

 

- Incidence du non-respect de ces règles : pour les plans et programmes et pour les projets soumis à déclaration d’intention, le respect des règles relatives à la déclaration d’intention, aux délais d’initiative du public et de réponse du représentant de l’Etat et aux modalités de la concertation conditionnent la recevabilité de la demande d’autorisation ou l’approbation du plan ou programme27. L’article L. 121-22 dispose toutefois que « l’illégalité pour vice de forme ou de procédure des décisions prises en application du présent chapitre ne peut être invoquée, par voie d’exception, après l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de leur prise d’effet, à l’encontre de la décision d’autorisation du projet ».

 

3 Les modifications de la participation du public en aval

S’agissant des procédures de participation réalisées « en aval » (de l’élaboration du projet ou du plan/programme), modifiées par l’article 3 de l’ordonnance, le nouvel article L. 123-1-A du code de l’environnement précise qu’elles ont lieu après le dépôt de la demande s’agissant des projets, et avant la phase finale de leur adoption ou approbation s’agissant des plans et programmes. Il énumère les procédures concernées :

- enquête publique ;

- participation du public par voie électronique en application de l’article L. 123-19 du code de l’environnement ;

- participation du public hors procédure particulière en application des articles L. 123-19-1 et suivants.

 

3.1 L’enquête publique

L’enquête publique est toujours conduite par le commissaire-enquêteur (lequel peut être le garant désigné lors de la concertation préalable s’il a la qualité requise28).

Elle est réalisée sous forme dématérialisée mais également sur support papier dans certains lieux29.

Sa durée minimale est de 30 jours pour les projets, plans et programmes faisant l’objet d’une évaluation environnementale et de 15 jours dans les autres cas.

Le recours à une enquête publique unique est facilité puisqu’il est possible de passer outre le désaccord des autorités compétentes pour organiser les différentes enquêtes en demandant au préfet, s’il est compétent pour prendre l’une des décisions d’autorisation ou d’approbation envisagées, d’ouvrir et d’organiser l’enquête unique30.

En outre, il peut désormais être procédé à une enquête unique concernant plusieurs projets, plans ou programmes, si les enquêtes relatives à ces derniers peuvent être organisées simultanément et que l’organisation d’une enquête unique contribue à améliorer l’information et la participation du public31.

 

3.2 La participation du public pour les plans, programmes et projets non soumis à enquête publique

Cette procédure – modernisée – correspond à l’actuelle procédure de mise à disposition du public destinée à assurer la correcte transposition du droit de l’Union et fait désormais l’objet de l’article L. 123-19 du code de l’environnement (et des dispositions des articles L. 123-19-1 et suivants auxquels celui-ci renvoie).

Elle s’applique lorsqu’est en cause un projet ou un plan ou programme soumis à évaluation environnementale mais pour lequel une enquête publique n’est pas requise (création d’une ZAC, projet de travaux soumis à permis de construire ou d’aménager pour lequel une évaluation environnementale a été requise au cas par cas…)32.

Notons toutefois que c’est désormais cette procédure qui doit également être organisée pendant l’instruction de la demande de permis de construire ou d’aménager d’un projet qui a été précédé de la réalisation d’une concertation préalable facultative en application de l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme33.

La durée minimale de cette participation du public est de 30 jours. Le dossier mis à disposition du public contient les mêmes éléments que le dossier d’enquête publique. La différence essentielle tient donc à l’absence d’intervention d’un commissaire enquêteur.

 

3.3 La participation du public hors procédures particulières

Cette participation du public – dont les modalités sont modifiées à la marge – correspond pour sa part aux actuelles hypothèses de mise à disposition destinées à assurer le respect du principe de participation du public prévue par la Charte constitutionnelle de l’environnement lorsqu’aucune procédure spécifique n’est applicable.

Les actuels articles L. 120-1 à L. 120-3 du code de l’environnement sont déplacés et renumérotés L. 123-19-1 à L. 123-19-734.

 

 

Ordonnance n° 2016-1058 du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes, complétée par le décret n° 2016-1110 du 11 août 2016 relatif à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes. []

 

  1. Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. []
  2. Il est précisé que ce chapitre préliminaire est inséré avant le chapitre 1er (sans autres précisions). Il faut comprendre qu’il est plus précisément inséré avant le chapitre 1er du titre II du livre Ier dudit code. []
  3. Actuels art. L. 121-8-I et L. 121-9 du code de l’environnement. []
  4. Actuel art. L. 121-8 II c. env. []
  5. Art. L. 103-2 C. urb. []
  6. Art. L. 300-2 C. urb. []
  7. Art. L. 121-8 C. env. []
  8. Art. L. 121-17 renvoyant à l’art. L. 121-15-1 C. env. []
  9. Art. L. 121-8 V C. env. []
  10. Art. L. 121-15-1 C. env. []
  11. Art. L. 121-8 IV C. env. []
  12. Art. L. 121-1-1 C. env. []
  13. Art. L. 121-1 C. env. []
  14. Art. L. 121-2 C. env. []
  15. Art. L. 121-8 II C. env. []
  16. Art. L. 121-10 C. env. []
  17. Art. L. 121-9 C. env. []
  18. Art. L. 121-16 C. env. []
  19. Art. L. 121-16-1 C. env. []
  20. Art. L. 121-17 C. env. []
  21. Voir ci-après. []
  22. Art. L. 121-17 et L. 121-18 C. env. []
  23. Le Rapport au Président de la République précise que : « Lorsqu’une collectivité finance directement une partie du projet (accès, réseaux…), ces aides sont prises en compte. En revanche, les autres formes d’aides d’Etat, comme par exemple les tarifs de rachat, les aides fiscales, les avances remboursables, les prêts, ne le sont pas ». []
  24. Art. L. 121-17 III, et L. 121-19. []
  25. Le « public » désigne : un pourcentage de ressortissants majeurs de l’Union européenne résidant dans le périmètre de la déclaration d’intention, les assemblées délibérantes des collectivités territoriales ou des EPCI, les associations agréées au niveau nationales ou deux associations ou une fédération d’associations agréées dans la région ou le département. []
  26. Art. L. 121-20 C. env. []
  27. Art. L. 123-4 C. env. []
  28. Art. L. 123-10 s’agissant de l’avis, L. 123-12 s’agissant du dossier d’enquête, L. 123-13 s’agissant des observations du public. []
  29. Art. L. 123-6 C. env. []
  30. Art. L. 123-6 C. env. []
  31. Art. L. 123-19 C. env.]
  32. Article 7 de l’ordonnance modifiant l’article L. 300-2 C. urb. []
  33. Article 2 de l’ordonnance. Mais c’est son article 3 qui les modifie. []

 

 

 

Source : http://www.adden-leblog.com/?p=8187

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