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17 mai 2017 3 17 /05 /mai /2017 12:50

 

 

 

14/05/2016 | 15h25

REUTERS/Dado Ruvic

REUTERS/Dado Ruvic

Sous le vernis séduisant des nouvelles technologies se cachent de graves menaces pour nos libertés individuelles. L’ouvrage de Blaise Mao, rédacteur du trimestriel “Usbek & Rika”, et du journaliste Thomas Saintourens met en perspective ces périls et nous incite à reprendre la main sur nos vies connectées.

 

Dernier jour d’août 2014, sur 4chan, un forum totalement anonymisé sur lequel se trouve le meilleur mais aussi (souvent) le pire d’Internet, près de 500 photos privées de célébrités nues, actrices, chanteuses et mannequins, sont publiées. Parmi elles, on retrouve entre autres Jennifer Lawrence, Kate Upton, ou encore Mary Elizabeth Winstead. Très rapidement, les clichés se disséminent sur Internet.

 

A la base : une action perpétrée par un ou plusieurs pirates informatiques. Ceux-ci ont exploité les failles du service iCloud, qui permet aux utilisateurs d’appareils Apple de sauvegarder leurs photos. Il ne s’agit ni plus ni moins d’une intrusion grave dans la vie privée, d’un vol, pur et simple, de moments intimes. Cette affaire, appelée rapidement celeb gate, aura quelques répercussions et provoquera une réflexion sur la protection de la vie privée des internautes. Pas certain cependant qu’elle ait porté ses fruits.

 

Cette affaire est l’un des nombreux exemples mentionnés dans Cyber-fragile : enquête sur les dangers de nos vies connectées, écrit par Blaise Mao, rédacteur du trimestriel Usbek & Rika, et Thomas Saintourens, journaliste. “Dans le monde réel, ce genre de photos auraient été mises dans un coffre-fort, fermé à clé”, explique Blaise Mao, “La vulnérabilité existe, que ce soit pour de simples citoyens lambda ou le président des USA. A des degrés divers certes, mais elle existe pour tous.

 

Dangers fantasmés et de périls potentiels

De nombreuses thématiques, de la protection de l’intimité sur les réseaux à la problématique de la surveillance généralisée mise en place par la NSA sont abordées. Le livre revient sur la chronologie du programme clandestin de surveillance PRISM, dénoncé par Edward Snowden en 2013, qui liait l’agence américaine à de nombreux géants de la technologie comme Google, Microsoft ou encore Apple. On y trouve aussi un historique du hacking et une description détaillée de ce qui est appelé Dark Web, source de dangers fantasmés et de périls potentiels.

 

L’ouvrage se veut très didactique. On retrouve ainsi de nombreuses explications très précises. Les pages fourmillent de détails pour comprendre les tenants et aboutissants des histoires qu’on leur rapporte. “la cyber criminalité, le piratage informatique, sont des sujets portés par des experts, des domaines extrêmement jargonneux, explique Blaise Mao. Ceux qui travaillent là-dedans sont des vendeurs de logiciel, des informaticiens. Un travail de pédagogie est donc nécessaire.

 

Et il est certain que des explications parfois longues et complètes sont nécessaires pour faire comprendre ce qu’est un ransomware ou une faille zero day (Le Monde y avait d’ailleurs consacré un article). Il y a d’ailleurs un lexique à la fin de l’ouvrage. On peut cependant regretter des passages peut-être un peu trop longs ou complexes pour un non-initié. C’est une des problématiques de ce sujet, reconnaît Blaise Mao. “On a essayé d’être pédagos, même si j’ai bien conscience que c’est parfois un peu technique“.

 

A bien des égards cependant, Cyber Fragiles est un livre nécessaire, qui permet de faire le point sur nos habitudes numériques, nos imprudences et fait prendre beaucoup de recul sur notre trop grande confiance envers les technologies. Il structure aussi un discours intéressant sur la vie démocratique et même diplomatique de ce nouveau monde en perpétuelle évolution.

 

Techno-critique ou techno-phobie ?

Il se dégage parfois à la lecture de l’ouvrage le sentiment que les auteurs versent dans une sorte d’attitude techno-critique, semblable, au moins dans l’intention, à celle d’Evgeny Morozov. L’auteur, d’origine biélorusse, a écrit deux livres particulièrement intéressants visant à démonter ce qu’il voit comme des mythes de l’internet et des technologies modernes. Son second ouvrage, To Save Everything, Click Here, qui aborde l’acharnement de la Silicon Valley à trouver des solutions à tout et n’importe quoi sous forme d’applications ou de gadgets, trouve une reconnaissance dans le livre de Blaise Mao et Thomas Saintourens. “Les discours un peu critiques sur le numérique sont quasi inaudibles ou alors ils sont carrément extrêmes” explique le rédacteur d’Uzbek & Rika. “Morozov a permis une techno-critique un peu plus respectable que celle que l’on peut observer traditionnellement.”

 

Blaise Mao refuse d’ailleurs d’être considéré comme “techno-phobique”. “Je veux bien recevoir l’étiquette de techno-critique, oui, dans le sens où je me dis qu’il faut qu’on se retrousse les manches et que l’on réfléchisse à ce que l’on fait.” Il appelle dans le livre à une maîtrise des technologies qui nous entourent ainsi qu’à une compréhension plus fine du système au centre duquel se trouve l’utilisateur. “Il s’agit évidemment de mieux comprendre ce que l’on fait, ce que l’on utilise, ce qui se passe lorsque l’on accepte des conditions générales d’utilisations, par exemple. Il faut sensibiliser les citoyens” explique-t-il. Parmi les solutions qu’il propose et qui pourraient selon lui aider : un suivi dans le cadre scolaire ou l’établissement d’une sorte de code de la route numérique.

 

Un analphabétisme des utilisateurs de nouvelles technologies

Il est fait mention dans le livre à plusieurs reprises d’une inaptitude, d’une inconséquence voire d’un analphabétisme numérique des utilisateurs de nouvelles technologies. L’auteur va même un peu plus loin en estimant que le citoyen est déresponsabilisé de sa relation avec les nouvelles technologies par les publicités des grandes entreprises des nouvelles technologiques.

Le cloud c’est physique, c’est des câbles, des serveurs, des ordinateurs” rappelle l’auteur, comme une évidence, à la manière d’Andrew Blum, journaliste auteur de Tubes, ouvrage insistant sur la matérialité d’internet. Pour Blaise Mao, il existe deux âges du numérique. “Le premier a commencé en 2007 [date de sortie du premier iPhone, ndlr] et j’espère qu’il se terminera rapidement. C’est celui du confort numérique de l’utilisateur, qui entretient un rapport presque magique avec la technologie.” Le deuxième sera selon-lui celui d’une prise de conscience des dangers qui nous menacent.

Pourquoi nous n’avons jamais été aussi vulnérables sur internet (livre)

Blaise Mao, Thomas Saintourens, Cyber Fragiles. Enquête sur les dangers de nos vies connectées, Tallandier, 2016.

 

 

 

Source : http://www.lesinrocks.com/2016/05/14/actualite/navons-jamais-ete-vulnerables-internet-11825960/

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