Plus de 10 000 tonnes de saumon fumé, c’est peu ou prou ce que les Français ont englouti durant les fêtes. Un appétit gargantuesque qui fait de nous les premiers de salmonidés en Europe, puisqu’on en avale – fumés, en pavés ou en sushis – au moins 10 000 tonnes par an. Rappelons que seule une part epsilonesque de ce saumon est pêchée en eau de mer, l’essentiel de ce que l’on déguste nous étant fourgué par les champions du saumon d’élevage que sont la Norvège (66 % de nos importations et l’Écosse, 23 %). Une denrée industrielle que nous payons chaque année un peu plus chère. C’est le paradoxe du saumon!
Alors que la production s’industrialise à tout berzingue avec des cages géantes offshore contenant jusqu’à 1 million de bestioles, le prix du salmonidé d’élevage flambe : + 47 % en cinq ans. Au Nasdaq Salmon Index, sa cotation au premier trimestre 2018 a ainsi un nouveau record en bondissant de 23 %! La faute à la Chine, dont les habitants raffolent tellement du saumon qu’ils sont prêts à supprimer ses droits de douane. Ajoutez-y le Chili, 2ème producteur mondial, qui a vu ses élevages attaqués par des micro-algues toxiques dopées par le réchauffement climatique. Sans oublier les satanés poux de mer.
A force d’être serrés comme des sardines dans les fermes aquacoles (jusqu’à 30 kilos de pescaille par mètre cube !), les pauvres bêtes, en l’occurrence des Lepeophtheirus salmonis sont infestées par ces parasites qui leur épluchent la peau en moins de deux. Pour tenter de les débarrasser de leur poux, les saumons sont régulièrement astreints à des bains antiparasitaires, et, comme cette trempette est un peu stressante, les fermiers ajoutent dans l’eau des gouttes d’anesthésiant avant de leur redonner un coup de fouet avec de la vitamine C. Est ensuite arrivé ce qui devait arriver : le Lepeophtheirus salmonis devient résistant aux produits anti-poux. Le saumon d’élevage a la santé d’autant plus fragile qu’on le fait grossir à vue d’œil à coup de granulés composés à 70 % d’ingrédients végétaux, dont du soja, et à 30 % de farine et d’huile de poisson parfois agrémentée d’huile de palme. Et, pour lui donner aussi bonne mine que son cousin sauvage, dont la chair rosit, au fur et à mesure qu’il ingurgite des crevettes pleines d’astaxanthine, on mélange à sa ration de l’astaxanthine de synthèse. Il existe même un nuancier avec 34 intensités différentes de teinte orange.
Pour nous faire voir l’année en rose saumon ?
Source : https://resistanceinventerre.wordpress.com/2019/01/17/lannee-du-saumon/