Épluchons ensemble les raisons de l’augmentation de la facture EDF.
27 JANVIER 2019
Par Dominique Philos.
Comme la plupart des Français, je suis abonné à EDF pour la fourniture d’électricité.
Étant absent la moitié de l’année, ayant très peu de matériels électriques, toutes mes ampoules étant à basse consommation et mon chauffage étant classé dans la catégorie des renouvelables, ma consommation d’électricité annuelle est extrêmement réduite.
Explication de ma facture EDF
Or, après avoir reçu ma facture du 15 janvier 2019, j’ai constaté que le montant à payer avait fortement augmenté ; ce qui m’a amené à me poser quelques questions et à évoquer avec vous quelques points pour le moins étonnants à propos des pratiques d’EDF.
Les observations qui vont suivre concernent tout un chacun. Il vous appartient donc de les confronter à votre situation personnelle.
Le tarif qui m’est applicable est un tarif réglementé dit tarif bleu 3 Kva (kilovoltampère). Cela signifie qu’il est fixé par l’État.
- les factures sont assez complexes et apparaissent finalement difficiles à décrypter par le Français moyen surtout qu’elles mentionnent des taux de TVA différents en fonction des rubriques (les abonnements sont à 5,5 % et la consommation est à 20 %), avec des avances de facturation sur l’abonnement qui sont déduites ensuite (c’est pour se faire de la trésorerie) ;
- ces factures font apparaître toute une série de taxes dont on ne sait pas trop à quoi elles correspondent (contribution tarifaire d’acheminement CTA, Contribution au Service Public de l’Électricité CSPE, taxe sur la consommation finale d’électricité TCFE).
Premier constat : il existe une disproportion flagrante entre le montant de la consommation et le montant des taxes et abonnement.
- 13 euros pour la consommation,
- 61 euros pour les taxes et abonnements.
Ce qui m’a conduit à consulter mes factures précédentes et à constater que le prix mensuel de l’abonnement avait subi une augmentation exponentielle en passant de 3,55 euros HT par mois au 31 juillet 2017 à 6,22 euros HT au 1er août 2018.
En pourcentage, et vous m’excuserez du peu, l’augmentation est tout de même de 75 % ! Elle a pour l’instant échappé à la vigilance des Gilets jaunes car il est entendu que cette augmentation est subie par tous, dans les proportions de la puissance du compteur installé au domicile de chacun.
J’ai approfondi l’examen pour constater que nulle part n’apparaissait une explication quant à cette augmentation (que finalement le consommateur est sans doute censé ne pas voir) et quant aux causes de cette augmentation.
Augmenter l’abonnement de 75 % n’est pourtant pas anodin mais EDF n’a donc absolument rien à dire à ce sujet…
« Merci pour votre confiance ! »
Avantage ou inconvénient de disposer d’Internet, nous sommes régulièrement assaillis par des messages de nature publicitaire plus ou moins orientés et EDF fait partie de ces grandes entreprises qui ne peuvent pas s’empêcher de communiquer mais… seulement sur certains aspects soigneusement sélectionnés de leur politique commerciale et tarifaire.
J’ai donc reçu un message « vantant » le montant réduit du coût quotidien de l’électricité basé sur… la seule consommation ; ce qui ne prouve évidemment absolument rien et m’a amené à expédier en retour une réclamation au service approprié.
Ma réclamation a été rapidement prise en compte puisque j’ai fait l’objet d’un appel à partir du n°0970833333 et une charmante dame a essayé de m’expliquer ce que je devais comprendre, à savoir que :
- EDF n’est pas responsable de la pratique tarifaire puisque, s’agissant d’un tarif réglementé, il est fixé par l’État,
- les modifications tarifaires sont bien indiquées en page 3 de la facture.
Je me suis permis de pousser un peu plus la conversation. Il en ressort que :
- mon interlocutrice travaille pour une plateforme d’appels. Elle n’appartient absolument pas à EDF et n’en sait pas davantage que n’importe lequel d’entre nous. Elle n’est donc absolument pas compétente pour répondre à des questions techniques ; elle est juste là pour donner une apparence de prise en considération des revendications ou sollicitations de la clientèle dans le cadre de ce qu’on peut appeler « le désamorçage des crises ». C’est juste une technique de communication.
- elle a sollicité au préalable sa chef de service afin d’obtenir les explications nécessaires, c’est-à-dire essentiellement les éléments de langage à me communiquer et notamment qu’évidemment tout le monde subissait la même augmentation et qu’EDF n’y était pour rien.
- elle n’a pas été en mesure de m’informer sur les causes de l’augmentation de l’abonnement.
Je n’ai évidemment pas manqué de lui faire observer l’opacité de la facture et le silence flagrant autour de l’augmentation de l’abonnement et ses causes.
Il m’a été aussi nécessaire de rétablir la vérité à propos du tarif car, s’il est bien fixé par l’État, c’est seulement à la demande d’EDF car c’est bien entendu EDF qui sollicite les services de l’État pour obtenir une modification tarifaire.
Prétendre donc qu’EDF n’y est pour rien constitue donc un véritable travestissement de la vérité aux termes duquel EDF se donne le beau rôle de l’innocent qui n’a rien demandé et n’est donc responsable de rien !
L’entretien s’est terminé cordialement et j’ai reçu sur ma boite mail le message suivant qui n’a pas manqué de me surprendre :
« Suite à notre dernier échange et à la réponse apportée, je clôture votre réclamation. Merci pour votre confiance. »
Conclusion qui s’impose : la non réponse à une question posée est considérée par EDF comme une réponse satisfaisante !?!
J’hésite entre la désinvolture et la provocation !
Épluchons ensemble les raisons de l’augmentation de la facture EDF
En ce qui concerne la page 3 de la facture, elle fait apparaître un certain nombre de rubriques et pour plus de renseignements le client est invité à consulter les sites :
- particulier.edf.fr/taxes
- particulier.edf.fr/facture
- particulier.edf.fr/prix
J’ai donc poussé la curiosité jusqu’à leur consultation ce qui m’a permis de constater que le seul qui soit digne d’intérêt est le troisième ; mais, pas de chance, il ne fournit même pas le tarif annuel pour ma puissance de compteur et ne comporte aucune explication sur l’augmentation tarifaire de l’abonnement. Nous sommes donc clairement dans la rétention d’informations et chacun évidemment en tirera les conclusions qu’il voudra…
Je vais donc apporter ma contribution au rétablissement de la vérité…
La vérité est que la consommation globale d’électricité française diminue et qu’EDF se trouve de surcroît contrainte, par l’administration et le gouvernement, d’engager des actions non rentables, notamment dans les énergies renouvelables (achat de courant éolien et photovoltaïque à perte), pour des raisons essentiellement politiques.
Par ailleurs, EDF s’est lancée, à l’international, dans des opérations industrielles de (très) grande envergure en prenant des risques considérables, notamment en Amérique (avec quelques gamelles mémorables). La dernière opération en date est le contrat dit Hinkley Point pour la fourniture de deux énormes réacteurs nucléaires EPR au Royaume Uni à des conditions contractuelles pour le moins hasardeuses et notamment un investissement entièrement pris en charge par EDF de 23,2 milliards d’euros !
Quand on sait qu’EDF est une société déjà surendettée (avec 34 milliards d’euros de dettes), il est permis de se demander s’il est pertinent de prendre de tels engagements alors que certains évoquent même une quasi faillite !?!
Il faut aussi compenser l’opération désastreuse de l’EPR de Flamanville avec des coûts qui ont littéralement explosé (multiplication par trois du coût initial à plus de 10 milliards d’euros si tout va bien) du fait d’une absence totale de maîtrise technologique (nombreux défauts gravissimes dont certains touchant à la cuve du réacteur) et contractuelle de l’opération industrielle qui a connu des dérives de coûts pour le moins étonnantes !
Il faut enfin digérer l’absorption imposée par l’État de la fraction centrales d’AREVA, le grand spécialiste de l’énergie nucléaire, après sa faillite spectaculaire en raison de ses aventures technologiques (EPR en Finlande) et minières ratées sous la direction de la flamboyante Anne Lauvergeon, ancienne sherpa de Mitterrand recasée dans l’industrie nucléaire sans pour autant disposer des compétences nécessaires.
On ne sera donc pas surpris d’apprendre que le consommateur français est, indirectement et à son insu, le garant et le banquier de toutes ces opérations extrêmement coûteuses et à la rentabilité plus qu’incertaine car la seule solution trouvée jusqu’ici par EDF, pour sauvegarder l’entreprise et reconstituer la trésorerie perdue ou manquante, a été de mettre à contribution le consommateur français et d’augmenter les tarifs pour compenser les pertes.
EDF jongle avec les milliards, joue au casino et c’est le consommateur français qui paie !
Ce n’est évidemment pas une méthode de gestion mais une méthode de prédation sur une clientèle que l’on doit bien considérer comme captive. D’ailleurs, La Poste, autre « fleuron » de l’État, fait exactement la même chose en augmentant sans cesse le prix du timbre pour compenser la diminution du trafic courrier (du fait d’Internet) ; ce qui n’est qu’une fuite en avant puisque plus le prix du timbre augmente et plus le nombre d’utilisateurs diminue !
Constat qui s’impose : EDF a de gros progrès à faire pour améliorer son service commercial et pour améliorer la clarté de ses tarifs. Il est par ailleurs présomptueux de sa part d’imaginer que le client ne voit rien !
En ce qui concerne le prix de l’électricité, il est probable qu’il faudra s’attendre, entre le développement des énergies renouvelables inefficaces et les pertes enregistrées sur les différentes opérations industrielles en cours, à une augmentation considérable des tarifs pour les prochaines années ; alors même que nous avons évité, pour l’instant du fait de la reculade temporaire du gouvernement, l’impact violent de la taxe carbone au titre de la transition énergétique.
Il y a manifestement encore de quoi énerver les Gilets jaunes !