Des remorques sont déchargées des wagons sur une ligne de ferroutage. (photo AFP)
Publié le 20/09/2013 à 06h00 | Mise à jour : 20/09/2013 à 11h04
Par Benoît Martin avec J.-Y. Ihuel
À partir de 2016, la nouvelle autoroute ferroviaire qui reliera l'Europe du Nord à l'Espagne aura son terminus à Tarnos
Une autoroute ferroviaire de Calais jusqu’à Tarnos, un corridor de fret qui reliera le nord de l’Europe à la péninsule ibérique d’ici 2016. Voilà le projet d’envergure que le ministre des Transports, Frédéric Cuvellier, et la SNCF ont remis sur les rails, mercredi, avec le soutien des six Régions traversées. « Il s’agit de relancer le fret ferroviaire et d’offrir aux industriels une alternative à la route performante », a souligné le ministre. Objectif de cette autoroute ferroviaire : reporter de la route vers le rail plus de 85 000 poids lourds par an.
Hier soir, en Conseil municipal, le maire de Tarnos, Jean-Marc Lespade, a dévoilé les grandes lignes du projet. Le terminal ferroviaire devrait prendre place sur un terrain de 10 hectares proche de l’entreprise Setrada, sur l’avenue du 1er Mai. L’enquête publique pourrait commencer en mars 2014 et les travaux à l’été, pour une mise en service en janvier 2016.
Convoi d’un kilomètre
« Tout ce qui permet de transférer le transport de marchandises de la route vers le rail, le fret maritime ou le fret fluvial est positif, se réjouit le président de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI), André Garreta, fervent partisan du report modal. Afin d’optimiser cette infrastructure, il faudra veiller à la connecter au port de Bayonne, déjà 5e port de commerce français en termes de fret ferroviaire ».
En début d’exploitation, deux allers-retours quotidiens permettront le transfert de 80 camions dans un sens et autant dans l’autre. Ce n’est qu’en 2021 que quatre allers-retours pourront s’enchaîner, sur des trains de plus d’un kilomètre de long, soit 250 camions dans un sens et 250 dans l’autre.
Avec 14 allers-retours hebdomadaires et 160 000 tonnes de marchandises transportées entre l’Espagne, l’Italie, le nord de l’Europe, le Centre européen de fret (CEF) de Mouguerre espère que ce projet viendra « en complément de ses activités et pas en concurrence ». « Nous utilisons des caisses mobiles sur châssis, tandis que la future autoroute ferroviaire transportera des remorques complètes de camions avec leurs essieux », précise Michel Vovard, le directeur du CEF.
Circulation chargée
Pour François-Xavier Mintegui, directeur de Mintegui Logistique, première entreprise installée sur le site du CEF en 1988, il y a peu de risque de concurrence : « Cela concernera principalement le transfert des marchandises du Royaume-Uni et des pays du Nord vers l’Espagne ».
« Par contre, je me fais du souci pour le trafic routier autour de Bayonne et jusqu’à Hendaye. Déjà que c’est bloqué ! », souligne le dirigeant d’entreprise. Car une fois arrivés au terminal de Tarnos, les 85 000 poids lourds annuels reprendront la route.
Hier soir, Jean-Marc Lespade a évoqué « un accroissement des conflits d’usages sur la zone de Turbomeca » qui accueille déjà plusieurs milliers de véhicules de salariés par jour. Autre point noir en perspective, le passage des camions via la nouvelle bretelle de la RD 85, censée aussi desservir la future zone commerciale d’Ondres…
La Cour des comptes perplexe
« La diminution des pollutions, la réduction des nuisances sonores, la décongestion du trafic » mises en avant par le gouvernement semblent donc réservées aux habitants de l’axe de circulation, en amont de Tarnos. Heureux, donc, les automobilistes qui empruntent l’A 63 entre Bordeaux et Bayonne. Ils devraient voir 7 % de poids lourds en moins, selon les estimations du ministre.
Mais encore faut-il que cette autoroute ferroviaire soit empruntée. « Tout dépendra des horaires, de la vitesse, du cadencement, des conditions de chargement et de déchargement. Seul un service de qualité peut convaincre les professionnels », assure André Garreta.
Pour Pierre Recarte, vice-président du Collectif des associations de défense de l’environnement (Cade), il est impossible d’être convaincu par ce projet. « Gaspillage de place, manque de souplesse, coût trop élevé, travaux d’aménagement trop lourds… Ce n’est pas l’avenir du report modal », critique-t-il, « Rapport de la Cour des comptes 2012 » en main, qui regrette que les autoroutes ferroviaires existantes entre Chambéry et Turin et le Luxembourg et Perpignan ne soient toujours pas rentables. Et Pierre Recarte de conclure : « Oui au transport combiné de conteneurs par voie maritime et ferrée, non à l’autoroute ferroviaire ! »
Source : http://www.sudouest.fr/2013/09/20/une-autoroute-ferroviaire-du-nord-jusqu-a-tarnos-1174047-3566.php