24 octobre 2013
L’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA en anglais) est montrée du doigt depuis de nombreuses années pour ses liens étroits avec les milieux industriels et scientifiques qu’elle est censée réguler. Un enjeu de taille lorsque l’on sait que l’EFSA est notamment chargée de se pencher sur l’autorisation des OGM au niveau européen. Sous la pression, l’agence avait annoncé une série de mesures visant à renforcer l’indépendance des experts. Une nouvelle étude du Corporate Europe Observatory (CEO) vient mettre à bas ces prétentions : au moins 59% des experts actuels de l’EFSA sont encore en situation de conflits d’intérêts.
L’EFSA avait renouvelé, en juin 2012, 80% de ses experts (huit panels sur dix). A cette occasion, elle avait déclaré avoir refusé 85 candidatures d’experts, jugés trop proches de l’industrie [1]. Les chercheurs du Corporate Europe Observatory ont épluché les déclarations des 209 experts de l’agence et constaté, avec une certaine surprise, que les liens étroits avec l’industrie restaient la norme au sein de l’Agence. 122 de ces 209 experts déclarent au moins une relation significative avec les intérêts commerciaux qu’ils sont par ailleurs chargés de réguler.
Huit présidents de panels sur dix et quatorze vice-présidents sur vingt-et-un sont concernés. La palme revient au panel « produits diététiques, nutrition et allergies », avec dix-sept experts sur vingt déclarant pas moins de 113 conflits d’intérêt au total. Le Corporate Europe Observatory souligne qu’il ne s’agit là que d’estimations minimales, car basées sur les déclarations officielles transmises à l’EFSA, sans aucune vérification d’éventuelles situations de conflits d’intérêt non déclarées.
Lire le rapport et sa présentation (en anglais) sur le site du Corporate Europe Observatory [2].
De son côté, l’EFSA a répondu qu’il était difficile de trouver des scientifiques sans aucun lien avec l’industrie. Pour l’agence européenne, le fait qu’une recherche soit financée par une entreprise ne constitue pas ipso facto un conflit d’intérêt si cette recherche ne porte pas exactement sur le domaine de compétence du panel auquel participe l’expert. Et de souligner que la plupart des gouvernements européens, même parmi les critiques les plus virulents de l’EFSA (dont la France), encouragent activement leurs chercheurs publics à collaborer avec le privé...
[1] Dans le système de l’EFSA, il revient aux experts de faire acte de candidature, et ils ne sont pas rémunérés pour leurs services - ce qui constitue selon le CEO l’une des principales sources des problèmes de conflits d’intérêts.
[2] En français, voir le compte-rendu du Monde (édition abonnés).