Communiqué de presse
Lundi 10 juin 2013
En novembre dernier, le chef du gouvernement a confié à Philippe Martin, député du Gers, une mission parlementaire, pour analyser la situation de la gestion de l'eau en agriculture. Le Premier ministre vient d’en recevoir les conclusions : tout un programme… Il ne s’agit là, ni plus ni moins, que d’un affaiblissement des règles de la gestion quantitative en agriculture, qui se situe dans le prolongement du plan Sarkozy de 2011.
Dans sa lettre de mission, le premier Ministre constate que « …des retenues ont été créées, permettant de stocker l’eau pour les usages économiques… Pour autant les problèmes de déficit structurel n’ont toujours pas été résolus : presqu’un tiers du territoire national est considéré comme étant en déficit quantitatif… ».
Pas de remise en cause d’un modèle agricole dépassé
Le rapport confirme les grandes règles de la gestion quantitative mais ne remet pas en cause la course poursuite, entre la construction de retenues financées sur fonds publics par les agences de l’eau, et les revendications sans limites des irrigants qui ne sont qu’une petite minorité d’agriculteurs.
Pour François-Marie Pellerin, ingénieur-géologue et président de la Coordination pour la défense du Marais Poitevin : « ce rapport présente une multitude d’imprécisions et d’ambiguïtés. Nous déplorons l’absence de dimension économique et le manque de distinction entre irrigation de sécurité, c'est-à-dire pour assurer le bon développement de la plante, et irrigation de rendement, visant à maximiser les rendements par l’utilisation d’une grande quantité d’eau. L’analyse des alternatives agricoles est quasi inexistante. Les recommandations sont une fuite en avant de la réflexion menée par le passé, qui aurait dû aboutir à une proposition de gestion intégrée de la ressource, inscrite dans le contexte de l’évolution climatique, et non dans le prolongement des mauvaises habitudes. »
L’irrigation massive, ça coûte cher !
Le rapport remet au goût du jour la réduction des délais de recours, la limitation des études d'impact, et en appelle au soutien financier public pour le développement de l’irrigation ! FNE s’était pourtant attaché à apporter des éléments sur ce point lors de son audition, pour montrer que les projets actuels de retenues d’eau de substitution peuvent déjà dépasser les orientations budgétaires prévues par le principal financeur que sont les agences de l’eau. Par ailleurs les préconisations ne sont pas en cohérence avec les objectifs du Plan National d'Adaptation Au Changement Climatique qui demande la diminution de 20% des prélèvements d'eau pour tous les usages d’ici 2020, ce qui figurait expressément dans la commande du Premier Ministre !
Les territoires ne sont pas entendus
En région, seules quelques associations ont été auditionnées mais sont déçues des conclusions présentées et s'inquiètent des conséquences que ce rapport aura quant aux politiques de gestion de l'eau en agriculture sur leur territoire. Cette posture n’est pas très constructive pour qui veut apaiser les conflits dans les territoires, que l’on parle du bassin Adour-Garonne, du Maine et Loire ou du Loiret.
Pour Bernard Rousseau, responsable des politiques de l’eau de FNE, membre du Comité National de l’eau : « ce rapport présente de graves lacunes car, à aucun moment, la liaison entre gestion quantitative et pollution de l’eau par les phytosanitaires et les nitrates n’est évoquée. Et ceci, alors que la France est sous le coup d’une condamnation sévère par la Cour de Justice Européenne. Comment est-il possible d’ignorer les conséquences financières de cette condamnation ? Pourtant dans sa contribution écrite, FNE avait expressément attiré l’attention des rédacteurs du rapport sur ce problème évoquant une gestion schizophrénique, déconnectée des problèmes de qualité ! Ce rapport est partiel. Ce n’est pas un rapport sur l’eau, c’est un rapport au service d’une certaine agriculture. C’est pourquoi il est partial !»