Pour évaluer l'impact réel des pratiques agricoles sur la biodiversité, des initiatives comme BiodiversID ou l'observatoire agricole de la biodiversité (OAB), s'intéressent à des indicateurs comme les vers, les papillons ou les abeilles.
Agriculture | 26 juin 2012 | Actu-Environnement.com
Disposer de données standardisées et comparables : c'est l'un des objectifs de l'observatoire agricole de la biodiversité. Son principe ? Des agriculteurs volontaires observent la biodiversité sur leurs parcelles grâce à des protocoles simplifiés élaborés par le Muséum national d'Histoire naturelle (MNHN). Vers de terre, abeilles sauvages, papillons, mollusques et carabes : à chaque espèce retenue pour le suivi correspond une méthode d'observation. Par exemple, pour décompter les vers de terre présents dans le sol, les agriculteurs épandent une fois par an sur une surface d'un m2 une solution - irritante - à base d'eau et de moutarde qui les fait remonter à la surface. Après prélèvement et classification, les vers retournent ensuite dans leur habitat. Aucun protocole du projet n'est destructeur pour les écosystèmes. Initié en 2009 par le Ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt, le projet compte parmi ses partenaires, le MNHN et l'université de Rennes pour l'appui scientifique ainsi que les chambres d'agriculture pour la coordination du réseau. Il s'inscrit dans le cadre des engagements agricoles dans la stratégie nationale pour la biodiversité.
En 2010, pour vérifier la possible appropriation des méthodes et leurs faisabilités, près de 80 agriculteurs les ont testés. Et l'année suivante, ce sont 400 volontaires qui se sont lancés dans l'aventure."Les agricultures des plaines céréalières, Champagne-Ardenne, Picardie et également la viticulture et la polyculture sont aujourd'hui bien représentées, précise Hélène Hampartzoumian, chargée de mission biodiversité au bureau du foncier et de la biodiversité du ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt "mais c'est vrai que nous avons des carences au niveau de certaines régions et systèmes de production : nous allons nous attacher à les développer en 2012-2013". Le ministère prévoit notamment d'organiser des formations pour les secteurs de l'agroforesterie, l'élevage et l'horticulture.
Les résultats de la première campagne montrent que les nichoirs à abeilles solitaires ont été occupés dans 68 % des exploitations. Le nombre de loges occupées et la diversité des opercules dépendent principalement de la proximité de la parcelle d'une prairie. Concernant les vers de terre, leur abondance chute dans des sols travaillés. Le nombre et la diversité des papillons est moindre dans les grandes cultures et cultures pérennes que dans les prairies.
Lier les pratiques agricoles et les espèces présentes
"Nous retrouvons les mêmes résultats que la littérature scientifique, note Hélène Hampartzoumian, pour faire le lien entre les pratiques agricoles et les espèces présentes dans les parcelles, nous interrogeons les agriculteurs via un questionnaire sur leurs pratiques".
En 2012, le ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt prévoit d'initier un réseau de fermes de référence : lycées agricoles, certaines coopératives, des écoles comme AgroParis Tech pour consolider l'interprétation de la relation entre les résultats et les pratiques. "Nous avons choisi de former, de sensibiliser en nous appuyant sur des structures locales qui mobilisent les agriculteurs. C'est le muséum qui interprète les résultats et analyse les données recueillies sur le terrain", détaille Hélène Hampartzoumian.
Depuis quelques mois, une initiative similaire d'observation de la biodiversité en milieu agricole a vu le jour : BiodiversID. Coordonné par Farre, BASF Agro et le réseau biodiversité pour les abeilles, ce programme s'appuie sur un double réseau de fermes "d'expérimentation" et de "vulgarisation" pour suivre des indicateurs de biodiversité.
"Le réseau vulgarisation a commencé en avril les relevés sur les abeilles domestiques et sur la faune sauvage : perdrix grises, perdrix rouges et faisans, explique Claude Richard, animateur national de Farre. Le réseau de vulgarisation se compose d'exploitations agricoles engagées dans une démarche environnementale. Le réseau d'expérimentation (qui propose un accompagnement technique plus important) est représenté par des fermes expérimentales, coopératives, d'écoles ou d'instituts techniques."Au sein de notre comité scientifique, nous avons sélectionné les indicateurs et protocoles de manière à ce qu'ils soient facilement utilisables par des agriculteurs et qu'ils n'entraînent pas de destruction, précise Claude Richard, nous menons également une étude générale sur les pratiques et les premiers résultats sont attendus à l'automne". Les deux réseaux de fermes étofferont au fur et à mesure leur panel d'indicateurs.
Les acteurs de BiodiversID et de l'observatoire agricole de la biodiversité devraient échanger sur leurs résultats et expériences. "Nous essayerons de jouer les complémentarités sur nos sites d'expérimentation en particulier, assure Hélène Hampartzoumian, sachant que nous travaillons sur des protocoles différents.
Raisonner à l'échelle des paysages
L'Inra a mené en juillet 2008 une expertise sur les relations entre agriculture et biodiversité. Les différents experts ont examiné près de 2.000 articles scientifiques, rapports internationaux et documents techniques pour évaluer les interactions entre l'agriculture et la biodiversité. "Le premier message, c'est qu'agriculture prend un s, souligne Xavier Roux directeur de recherche à l'Inra et pilote des travaux, ensuite que le niveau de biodiversité au niveau des paysages agricoles est déterminé de façon largement aussi forte par la qualité du paysage que par la nature des pratiques exercées à l'échelle des parcelles".
Selon le rapport de l'Inra, un paysage qui comprend une part d'élément naturel compense les effets potentiellement négatifs des pratiques : il permet de conserver un certain niveau de biodiversité en jouant le rôle de réservoirs biologiques."Il faut une gouvernance territoriale dans les paysages agricoles en France, raisonner à l'échelle des paysages, estime Xavier Roux, nous devons changer de paradigme : intégrer la biodiversité - les insectes pollinisateurs, les micro-organismes du sol - au sein de système de production agricole pour un partenariat gagnant-gagnant".
Article publié le 26 juin 2012