C’est l’étonnante révélation faite par le réseau CEE Bankwatch Network dans un communiqué de presse du 19 novembre 2012.
La Banque Européenne pour la reconstruction et le Développement (BERD) devra se prononcer en avril prochain sur une garantie financière de 40 millions de US dollars pour couvrir Monsanto au cas où les entreprises agricoles et des distributeurs qui se sont engagés à acheter des semences ou des produits agrochimiques à la firme ne pourraient pas payer ! Le soutien serait assuré par la BERD sur des contrats entre Monsanto et des grandes et moyennes exploitations agricoles en Bulgarie, Hongrie, Russie, Serbie, Turquie et Ukraine.
"Il est absolument scandaleux que la BERD envisage d’utiliser l’argent public pour soutenir un géant qui domine déjà le marché mondial des semences et des produits agrochimiques" a dit Ionut Apostol, du Réseau Bankwatch.
Pas d’OGM dans le contrat ?
Bankwatch explique que selon la BERD, il n’y aura pas d’OGM dans ces contrats. Mais comment faire confiance à Monsanto ? Bankwatch a noté en effet qu’en Juillet-Août 2011, la Hongrie a du détruire entre 8500 et 9000 ha de maïs à cause de la contamination OGM de semences provenant de chez Monsanto (voir : GMO contamination from seeds originating from Monsanto ), ce qui a affecté 225 producteurs, et Greenpeace a trouvé du colza GM GT73 (aussi nommé RT73) de Monsanto poussant en Suisse dans des friches à Basel, alors que la culture et l’importation d’OGM sont illégales en Suisse (voir : growing wild in Basel’s port area ).
Multiples procès contre Monsanto
Bankwatch rappelle que Monsanto est en procès à divers endroits en raison de ses activités criminelles. En Inde, Monsanto est poursuivi en justice par le gouvernement indien pour bio-piraterie . Aux Etats-Unis, Monsanto est également poursuivi sur la question des brevets et des droits abusifs qu’ils octroient à la firme par une coalition d’agriculteurs représentant 300 000 personnes.
Depuis 2009, une bataille juridique fait rage entre Monsanto et le Brésil concernant les royalties sur les semences GM exigées par et versées à la firme. En avril 2012, le juge de Rio Grande do Sul a ordonné à Monsanto de cesser de prélever des royalties et l’a condamné à reverser 2 milliards de dollars ! Monsanto a aussitôt fait appel.
Monsanto par ailleurs n’a cessé de harceler en justice des agriculteurs aux USA, les accusant sans preuves d’avoir utilisé la semence GM de Monsanto sans payer de royalties. Comment une firme privée avec de tels agissements pourrait-elle bénéficier du soutien de l’argent public ?
De l’argent public pour soutenir le monopole des multinationales ?
Sur le site de la BERD, on trouve la description du projet de soutien financier dans lequel il est mentionné que cela permettrait à Monsanto d’augmenter sa capacité de prêt, "permettant ainsi à un plus grand nombre d’agriculteurs de bénéficier des développements tels qu’une plus grande résistance aux maladies et aux nuisibles et de plus hauts rendements, ce qui améliorerait leurs profits et contribuerait à soulager les pays concernés de certains problèmes de sécurité alimentaire."
Non contente d’asséner cette propagande, la BERD affirme ensuite que ce projet va servir de vitrine pour démontrer tous les avantages du pré-financement des semences et intrants avec partage des risques aux agriculteurs des pays ciblés, les options de pré-financement étant très limitées dans ces pays.
Selon un communiqué de presse allemand de Informationsdienst Gentechnik du 16 novembre 2012, la BERD envisage "d’étendre ses services de garantie à d’autres firmes agro-chimiques. Elle a été en contact avec BASF et Syngenta, a dit la personne en charge au service de l’information en octobre."
Mobilisation de la société civile
Dans une lettre ouverte à la BERD, plus de 150 organisations appellent la banque à renoncer à ce projet de soutien financier à Monsanto. La lettre mentionne la longue saga du transfert par Monsanto de ses risques sur les gens et sur l’environnement et rappelle que le soutien à cette firme et au modèle agricole qu’elle représente est particulièrement inapproprié pour une banque de développement multilatéral dédiée dans ses statuts à la promotion d’un "développement réellement durable et viable pour l’environnement".
Les organisations interpellent la BERD sur plusieurs points :
la banque est censée de part ses statuts soutenir le secteur privé seulement quand le demandeur ne peut obtenir de financement ou des facilités ailleurs à des conditions raisonnables. Monsanto est la première Cie mondiale de semences, et fait partie des 500 premières fortunes mondiales....
la banque est censée encourager la compétition. Monsanto concentre déjà 27% du marché mondial des semences et 10% du marché mondial de l’agro-chimie..
la banque invoque la sécurité alimentaire et de meilleures pratiques environnementales pour soutenir Monsanto. Les organisations rappellent que la production d’énormes volumes de nourriture à haut coût ne garantiront jamais la sécurité alimentaire et que les monocultures peuvent partager des mêmes traits (prétendument) bénéfiques mais qu’elles partagent aussi les mêmes faiblesses.
la banque s’attend peut-être à ce que Monsanto change ses pratiques afin de répondre aux critères exigés ? les organisations affirment que NON ! Monsanto n’a jamais changé sa politique et a toujours nié ses conséquences. Il est donc plus que douteux que l’assurance donnée sur l’absence d’OGM dans les contrats soit valide. La BERD n’a de toute façon aucun moyen d’aller vérifier...
Pour finir, un article du 14 septembre 2012, signé de plusieurs organisations et publié sur GRAIN , montre que cette attitude de la BERD vis à vis de Monsanto et consort participe d’un mouvement plus large. Selon l’article, le Directeur Général de la FAO et le Président de la BERD auraient co-signé un papier dans le Wall Steet Journal le 6 septembre 2012, dans lequel ils appelaient les gouvernements et les organisations sociales à "adopter le secteur privé comme le moteur principal de la production mondiale de nourriture".
Les organisations mentionnent aussi que "Quand ils se réfèrent à l’Europe de l’Est et à l’Afrique du Nord, les dirigeants de ces deux agences internationales influents font un appel clair à l’augmentation de l’investissement dans le secteur privé et l’accaparement des terres dans le monde. Ils disent que le secteur privé est efficace et dynamique et incitent les entreprises à "doubler les investissements sur la terre elle-même".
Source : S. Escazaux, 20 novembre 2012, Soutien aux Faucheurs de Bretagne
Lire : http://bankwatch.org/news-media/blog/european-public-development-money-monsanto-whatever-next
Lire à propos de la garantie de Monsanto sur la page BERD : http://www.ebrd.com/pages/project/psd/2012/43925.shtml
Lire plus d’arguments contre cette facilité de partage des risques et le profil de Monsanto : http://bankwatch.org/news-media/blog/european-public-development-money-monsanto-whatever-next
Source: http://www.combat-monsanto.org/spip.php?article996