lundi 17 novembre 2014
Les français raffolent de la soupe industrielle. Ils en ingurgitent chacun 13,2 litres par an ! La soupe, c’est nature, bon pour la santé, fastoche à préparer et pas cher. Bref, un vrai plat tendance. Sauf qu’il y a un cheveu sur le potage.
Prenez le « bœuf-carottes aux vermicelles saveur à l’ancienne » de Maggi, avec de beaux morceaux de bœuf bien visibles sur l’emballage. Quand on scrute l’étiquette, lesdits morceaux se résument à un « jus de cuisson de bœuf » et les fameuses carottes ne dépassent pas 5,5 % du breuvage, lequel est essentiellement composé de semoule de blé dur, de fécule de pomme de terre, de sel (plus de 14 % !), de trois exhausteurs de goût (glutamate, inosinate de sodium et guanylate), de sucre, de caramel et d’une flopée d’arômes… C’est sans doute ce que Maggi appelle « accompagner ses consommateurs vers une alimentation équilibrée au quotidien »…
Zéro morceau de bœuf dans une soupe au bœuf, comment est-ce possible ? Tout simplement grâce à ce que l’on appelle dans le jargon le « code de la soupe ». Il y a six ans, le décret français sur les soupes qui réglementait depuis 1954 les recettes des potages industriels a été discrètement remplacé par un « code de bonnes pratiques pour les soupes, bouillons et consommés ». Dans le nouveau règlement, concocté de A à Z par le syndicat national des fabricants de bouillons et potages, est passé à la trappe l’article 5 du décret, stipulant qu’il est interdit de créer la confusion dans l’esprit de l’acheteur sur la nature ou la qualité du produit…
On comprend mieux pourquoi Nestlé, propriétaire de Maggi, peut, avec la bénédiction de la répression des Fraudes, exhiber sur l’emballage des morceaux de bœuf dans un produit qui n’en contient pas. D’autant que l’actuel code de la soupe indique qu’un bouillon de viande de bœuf doit généreusement contenir 10 grammes « exprimé en viande fraîche » ou au moins 0,67 gramme d’« extrait de viande de bœuf », autrement dit de jus de cuisson. Avec son 1,1 gramme, Maggi fait carrément du zèle ! L’association de défense des consommateurs Foodwatch vient de mettre en ligne une pétition adressée au patron de Nestlé France pour qu’il arrête de nous enfumer avec sa « soupe bœuf-carottes aux vermicelles ».
À force, le consommateur va finir par cracher dans la soupe…
Source : Le Canard Enchaîné N° 4904 du 22 octobre 2014