Si le projet de loi d'avenir agricole favorise les produits de bio-contrôle, il considère les préparations naturelles peu préoccupantes, à l'instar du purin d'ortie, comme des phytopharmaceutiques à faible risque. Ce que dénonce Aspro-PNPP.
Agriculture | 05 février 2014 | Actu-Environnement.com Rachida Boughriet
Le projet de loi d'avenir agricole, en débat au Parlement, "ignore" les préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP), comme "véritables alternatives aux pesticides", fustige l'association Aspro-PNPP dédiée à la promotion de leur usage.
"Vers une nouvelle guerre de l'ortie ?", s'interroge l'association alors que les députés ont adopté le 14 janvier le texte en première lecture. L'article 21 du projet de loi prévoit que "les délais d'évaluation et d'autorisation de mise sur le marché des produits de bio-contrôle, y compris les préparations naturelles peu préoccupantes, sont fixés par décret en Conseil d'État".
Le texte vise le développement de stratégies de bio-contrôle en agriculture, permettant d'"utiliser les ressources et mécanismes naturels pour protéger les végétaux". L'article 21 définit en outre les produits de bio-contrôle comme des agents et produits qui utilisent des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée "contre les ennemis des cultures. On distingue notamment au sein des produits de bio-contrôle des macro-organismes, des micro-organismes, des médiateurs chimiques comme les phéromones et les kairomones, et des substances naturelles d'origine végétale, animale ou minérale", précise le texte.
La première lecture à l'Assemblée nationale, "contrairement à la Loi sur l'eau du 30 décembre 2006", maintient les PNPP (type purin d'ortie, sucre ou vinaigre blanc…) "dans la catégorie des produits phytopharmaceutiques, autrement dit les pesticides", déplore Aspro-PNPP. Or, cette classification implique "des procédures lourdes, coûteuses et inadaptées".
PNPP à usage phytopharmaceutique
Le décret du 23 juin 2009 propose une procédure simplifiée mais avec l'obligation que les éléments naturels à partir desquels sont élaborés les PNPP aient fait l'objet d'une procédure d'inscription sur la liste européenne des matières actives autorisées. Selon le ministère de l'Agriculture, ce texte est pris en application de la réglementation européenne mais aussi de la loi sur l'eau de 2006. Les PNPP, produits de bio-contrôle, sont assimilées aux "produits à faible risque", définis par le règlement européen (CE n°1107/2009) et sont donc considérées comme des produits phytopharmaceutiques.
"Les dispositions prévues par ce décret ont été abrogées le 1er juillet 2012", indique l'association. La taxe administrative redevable à l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) pour l'instruction des dossiers des autorisations de mises sur le marché (AMM) de PNPP "a été réduite" mais le coût d'un dossier de demande d'approbation comme substance de base par l'institut technique de l'agriculture bio (Itab) "est estimé entre 15.000 et 20.000 €", ajoute-t-elle.
Concernant le purin d'ortie, l'arrêté du 18 avril 2011, publié par le ministère de l'Agriculture, a autorisé sa mise sur le marché en tant que PNPP à usage phytopharmaceutique, selon une recette spécifique. Le ministère a également publié en avril 2011 une "liste de référence, indicative et évolutive" de trente-quatre plantes à partir desquelles sont susceptibles d'être déposées des demandes d'AMM d'autres PNPP à usage phytopharmaceutique. Outre l'ortie, la liste inclut l'ail, l'artichaut, le basilic, le thym, l'oignon mais aussi le tournesol, le laurier, l'angélique, le bouleau ou l'olivier.
Mais Aspro-PNPP estime que le dossier du purin d'ortie n'est toujours "pas réglé". L'arrêté a été pris sur demande du ministère, mais un avis de l'Anses daté du 25 janvier 2011 stipulait qu'il n'y avait pas eu de dossier ni de demande d'inscription de l'ortie sur la liste communautaire des substances de base. "En l'absence de cette procédure, l'autorisation du purin d'ortie est de fait devenue caduque au niveau européen", prévient l'association.
"Des lobbies" autour des produits de bio-contrôle
L'article 36 alinéa III de la loi sur l'eau de 2006 indique que "les dispositions concernant l'autorisation de mise sur le marché et l'utilisation des pesticides ne s'appliquent pas aux préparations naturelles peu préoccupantes, qui relèvent d'une procédure simplifiée, fixée, ainsi que la définition de ces préparations, par décret", souligne Aspro-PNPP.
Un amendement, présenté par Brigitte Allain, députée écologiste de Dordogne, demandait que les PNPP relèvent stricto sensu de la procédure prévue par cet article de la loi sur l'eau. Il a été retiré du projet de loi d'avenir agricole.
Si l'association salue la volonté du ministre de l'Agriculture de favoriser les produits de bio-contrôle "au détriment des pesticides, son choix de favoriser ceux qui sont confisqués par des brevets industriels, seuls à pouvoir financer les procédures d'autorisations complexes en interdisant de fait les alternatives (…), pourrait être lourd de conséquences sociales, économiques et environnementales", a-t-elle averti. "La majorité de ces alternatives, issues des savoirs populaires, vont être exclues de vente et d'utilisation de facto pour permettre aux lobbies de reprendre la main au travers de ce qui s'appelle maintenant les bio-contrôles (…) sous forme de brevets", poursuit-elle.
Aspro-PNPP demande que la loi d'avenir agricole" réaffirme l'article de la loi sur l'eau" et considère que les PNPP "ne sont pas classées dans la catégorie des produits phytopharmaceutiques soumis à AMM, en rendant de facto les PNPP du domaine public utilisables de suite". L'association exhorte que les PNPP soient reconnues et classées comme "fortifiants des plantes" à l'instar de l'Allemagne.
Le texte sera examiné au Sénat, en séance publique, en avril.
Source : http://www.actu-environnement.com/ae/news/loi-avenir-agricole-purin-ortie-pnpp-20661.php4#xtor=ES-6