Alors que la SNCF ne cesse de communiquer sur les avantages du transport marchandises par le rail, elle fait montre d’une volonté de réduction drastique des emplois du secteur
Sujet à la une
Machja NICCI
Suite à la grève SNCF suivie sur tout l'Hexagone en début de semaine pour le maintien des emplois, les conditions de salaire et de travail en général, plus de 80 % des employés des secteurs de fret de l'unité Bayonne-Hendaye maintiennent leur mouvement de protestation.
Pour ces cheminots, l'enjeu est de taille puisque pas moins de 40 % des effectifs voient aujourd'hui leur poste menacé. Ils ont tenu à convoquer la presse hier pour faire le point sur leurs différentes revendications.
Le syndrome du Titanic ?
Les suppressions d'emplois devraient se faire en deux phases. La première est programmée dès décembre avec 34 départs entre Bayonne et Hendaye. La seconde, en juin, devrait porter à 65 le nombre de personnes à reclasser sur 160 actuellement employées. Elles devraient être entre 6 000 et 8 000 à l'échelle de l'Hexagone pour la période 2009-2010.
«Ils ont sans doute préféré oeuvrer en deux étapes pour mieux faire passer la pilule» ironise Peio Dufau, délégué CGT. Plus qu'une pilule, il pourrait bien s'agir d'un Iceberg ; celui du «Syndrome du Titanic» peut-être (pour reprendre le titre du film dont la SNCF est partenaire) ?
A l'instar de ses collègues, le syndicaliste est perplexe quant aux possibilités réelles de reclassement. Il justifie son inquiétude par l'exemple de la dizaine de cheminots qui avaient déjà vu leur poste disparaître il y a quelques mois et qui «n'ont toujours pas été reclassés par la direction. Si on ajoute 34 personnes supplémentaires en décembre, que vont-elles devenir ?». «Ils ne savent plus où nous caser !» enchaîne illico un autre cheminot.
«Pour être bien, bougeons mieux»
La SNCF semble vouloir appliquer cette devise publicitaire à une bonne partie de son personnel. Or, la mobilité forcée n'est pas toujours du goût de tout le monde.
«C'est un véritable drame humain qui se joue actuellement», explique Peio Dufau. Les postes proposés peuvent aussi bien être basés à Bordeaux, qu'à Rennes ou Clermont-Ferrand. Les cheminots qui travaillent et vivent ici avec leur famille n'ont pas forcément envie de quitter le Pays Basque pour s'installer ailleurs. Quelques grévistes n'hésitent pas à évoquer les nombreux suicides chez France-Telecom qui, d'après eux, seraient notamment liés aux exigences de mobilité de l'administration du groupe à l'égard de ses salariés.
Incitation à la «désembauche»
Même si on ne connaît pas encore l'identité des 65 cheminots directement menacés, certains ont déjà reçu des propositions de la part de la direction. «Des propositions souvent incongrues» assure Peio Dufau : reprise d'études, changement de métier, etc. Il leur aurait même été suggéré de devenir conducteurs sur les routes pour des filiales privées comme Keolis.
Quoi qu'il en soit, ils ont d'ores et déjà tous été convoqués par la direction des ressources humaines qui les a sondés sur les orientations professionnelles qu'ils seraient susceptibles de prendre.
Les cheminots mobilisés ne se sentent plus «protégés comme avant». Même si la SNCF ne peut pas -encore- les renvoyer, elle peut les inciter à partir ou les muter d'office à la troisième proposition si les deux premières ont été refusées.
Le fret est-il soluble dans la LGV ?
A l'heure où l'on parle des vertus du transport des marchandises par le rail en terme de préservation de l'environnement, où le concept sert même d'argumentation publicitaire pour rendre crédibles certains projets impopulaires comme les nouvelles lignes LGV, la SNCF ne semble pas vouloir préserver son outil fret.
Rebondissant sur l'affaire LGV, Peio Dufau dénonce un «bidonnage» des chiffres fret par la direction pour justifier le chantier. «Comment peut-on parler de mettre les camions sur les trains tout en continuant à supprimer des postes dans le secteur et à fermer des gares ?» demande un autre cheminot en colère. Pour étayer son interrogation, il donne l'exemple de l'axe Toulouse Pau. «Depuis que la gare de fret de Pau a été fermée, les marchandises doivent passer par Paris pour arriver à Artix», explique-t-il.
Selon les grévistes, le fret est actuellement le secteur le plus touché en dépit des subventions accordées par l'Etat pour sa restructuration «car la SNCF veut ouvertement le privatiser». Ils ont le sentiment que la réorganisation de l'activité de transport des marchandises par le rail fait office de «laboratoire d'expérimentation». Ils pensent que «si ça marche, la SNCF passera ensuite au secteur voyageur». Ils estiment également qu'après les ouvriers, les encadrants pourraient à leur tour être menacés.
Sauver le fret
Leur message est clair et net : «On ne veut pas laisser faire la direction qui veut tuer le fret SNCF et continuer à mettre des camions sur les routes». Et de conclure : «au-delà de nos emplois, c'est une problématique écologique majeure dont il est question».
Ce matin, une délégation doit exposer les revendications des cheminots du Pays Basque auprès de la direction fret Atlantique de Bordeaux. Jusqu'à l'annonce de décisions «constructives» de sa part, la grève est susceptible d'être reconduite tous les jours au terme d'une assemblée générale.
Source : http://www.lejpb.com/paperezkoa/20091021/162581/fr/Liquidation-Grande-Vitesse