Pierre Recarte (photo ACE)
L'opinion - Tribune Libre
20/04/2012 Pierre Recarte / Association Nivelle Bidassoa
Avec un titre pompeux, “La LGV, pour rapprocher les hommes, les entreprises et les territoires”, la CCI de Bayonne retranscrit fidèlement une plaquette élaborée par la CCI Aquitaine, un copier-coller des affirmations de RFF. Dans son éditorial, André Garreta ne se prive pas d’émettre quelques contre-vérités économiques. Morceaux choisis…
Nier l’évidence
“Pour relier l’Espagne aux métropoles du Sud-Ouest, la LGV est un atout essentiel d’attractivité pour développer l’emploi, faciliter l’accès au marché de nos entreprises et l’implantation de nouvelles activités, attirer de nouveaux talents.”
Dans une récente interview à un quotidien régional, Marie Delaplace, professeur d’urbanisme à l’université Paris-Est-Marne-la-Vallée, spécialiste de l’impact des LGV sur le développement local et régional, précise :
“La LGV n’a pas d’effet sur l’économie d’un territoire. Il faut vraiment dépasser ce cliché. Entre chercheurs, nous sommes tous d’accord pour dire qu’elle n’a pas d’effets structurants en soi. Il n’y a rien d’automatique […]. Sauf exception, il n’y a aucune corrélation entre LGV et dynamisme d’un territoire […]. Dans nos études, lorsqu’on demande [aux entreprises] pourquoi elles se sont implantées [dans les quartiers d’affaires autour des gares], elles invoquent cette offre immobilière nouvelle. Très rarement la LGV. Et quand la LGV est citée, c’est en 2e ou 3e position dans la liste. Les zones d’activités périphériques fonctionnent souvent beaucoup moins bien, quand elles ne restent pas quasiment vides pendant des années comme à Valence, ou à Mâcon.”
Ou le président de la CCI connaît les travaux de cette universitaire compétente et c’est délibérément qu’il profère ces contre-vérités, ou il les méconnaît et cela est grave pour un responsable économique qui s’autorise à disserter sur les effets de la LGV.
Méconnaître la réalité
“Au-delà des milliers d’emplois que la LGV va générer pendant la durée du chantier et qui devront bénéficier aux entreprises locales, nous y serons vigilants, cette infrastructure nouvelle sera un puissant facteur de développement pour l’ensemble de nos entreprises et de nos filières économiques”, écrit monsieur Garreta, décidément éloigné des réalités.
Pour construire la LGV Tours-Bordeaux, Cosea (filiale de Vinci) s’est attribué onze “lots infrastructures” sur 15… Et quand elle s’est décidée à déléguer, comme avec le lot n° 9, portant sur le terrassement, l’assainissement et la construction d’ouvrages d’art (un marché de 52 millions d’euros), Cosea a écarté la société charentaise SNGC et ses entreprises partenaires au profit du groupement de deux sociétés de Metz et d’une d’Avignon… Pour l’heure, Cosea ne promet que de la sous-traitance avec une intervention “à la marge, en dernier recours”.
Michel Boutant, président du Conseil général de la Charente, après avoir cru aux sornettes de RFF déclare, dépité : “Je ne décolère pas. On dit aux Charentais : ‘Payez, soyez de braves petits soldats’. Mais à côté de cela, on méprise nos entreprises et on nous prive de retombées économiques.”
En 1995, il avait été annoncé 17 500 emplois pour le chantier de la ligne Tours-Bordeaux. Ils sont 4 500 à l’arrivée, dont 1 300 créés pour la durée du chantier.
Satisfaire l’ego de ces messieurs
Alors pourquoi, avec des retombées si dérisoires, certains, comme André Garreta, se battent pour avoir “leur” LGV ? Marie Delaplace nous en donne la raison : “C’est l’effet de l’image positive forte du TGV. L’avoir sur son territoire, c’est être dans son temps, être ‘in’, être dans la cour des grands.” Satisfaire l’ego de ces messieurs pour la bagatelle de 12,5 milliards d’euros (coût estimé en 2011 des Grands Projets du Sud-Ouest), telle est la facture à régler par le contribuable !
Source :http://www.lejpb.com/paperezkoa/20120420/335728/fr/LGV--les-contre-verites-CCI