Entre la validation du fuseau de passage et les annonces à contre-sens, le point sur le dossier polémique des nouvelles voies LGV en Pays Basque Nord
06/10/2010 Cyrielle BALERDI
Le premier temps de la consultation du public est arrivé. C'est en tout cas ce qu'a affirmé RFF hier, au sujet du Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO). Après la visite express (3 heures) du ministre de l'Ecologie JeanLouis Borloo à Bordeaux mardi dernier, il semblerait qu'une étape ait bel et bien été franchie. Le tacticien n'avait pourtant presque rien laissé paraître sous la nuance de la formule. «La ligne actuelle est peu performante mais il faut l'utiliser jusqu'à saturation, et s'il y a saturation, en construire une nouvelle au maximum enterrée» avait-il glissé à l'issue de sa réunion au sujet de la ligne nouvelle en Pays Basque Nord. Des propos quelques peu «détonnants» (pour ne pas dire discordants), qui avaient créé la surprise, notamment chez quelques élus et partisans de la ligne nouvelle. La lettre d'information du GPSO elle, les aura rassuré.
Christian Maudet, chef de mission GPSO : «La rentrée est marquée par un événement majeur : l'approbation par le Ministère chargé des transports du fuseau de 1 000 mètres et du programme fonctionnel des deux lignes nouvelles. Cette approbation illustre l'avancement significatif du projet et confirme la poursuite des études pour la recherche du tracé des lignes nouvelles». De quoi véritablement «souffler le chaud et le froid» comme l'indique Victor Pachon, et perdre le fil, juste avant d'entamer la phase de consultation du public. Retour sur l'avancée du projet aux 20 milliards d'euros.
Derrière l'arbre, se cache la LGV
«Le ministre de l'Ecologie a dit `jusqu'à saturation', et bien ça nous fait plaisir de voir qu'il pense la même chose que nous» lance M. Hiriart, maire de Biriatou. Avant d'ajouter : «80 trains circulent par jour et dans les deux sens sur cette ligne, croyez-moi, elle est loin d'être saturée».
Une ligne LGV ? Le maire se dit totalement favorable... jusqu'à Bayonne. «Bien sur qu'il y a un intérêt touristique, et nous en avons besoin. Mais une nouvelle ligne ne serait d'aucune utilité entre Bayonne et la frontière de Biriatou. Deux milliards d'euros pour gagner cinq minutes seulement ? Je ne vois pas l'utilité».
Quant à la question de l'enfouissement, le maire a sa petite idée sur la question. «Les propos tenus par M. Borloo sur l'enfouissement sont injustifiés. Certains annoncent effectivement l'enfouissement de la ligne sur le Pays Basque Nord entre 60 et 70%. Mais les études de la médiatrice affichent plutôt 30%. Avec une ligne prévue à 26 mètres au dessus du pont de l'autoroute de Biriatou, soit huit niveaux d'immeuble, on peut difficilement envisager qu'elle soit enfouie aux deux tiers.»
Etienne Picher du GPSO, confirme : «on ne part pas d'un principe d'enfouissement sur une aire géographique, mais de préservation des zones sensibles, qui, une fois identifiées, nous laissent deux options : le contournement ou le souterrain. On se doute bien que le franchissement d'un fleuve ou d'une rivière se fera par voie aérienne par exemple».
Les paroles passent, les écrits restent.
«De toute façon la seule chose qui compte, ce sont les traces écrites» prévient le chargé de projet. Et sur ce terrain, le numéro deux du gouvernement aura de fait, fixé la semaine dernière les orientations pour la poursuite des études GPSO en approuvant le fuseau de passage de 1 000 mètres de large environ pour les lignes à grande vitesse Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Hendaye. Ces deux branches s'insèrent dans les lignes à grande vitesse décidées par le Grenelle de l'Environnement, et devraient doubler le réseau existant. Le ministre a également annoncé un accord avec les régions Midi-Pyrénées et Aquitaine pour le financement définitif du tronçon Tours-Bordeaux.
Une finalisation de la «première étape» du projet LGV qui ouvre aujourd'hui directement sur la seconde : l'approfondissement des études jusqu'à retenir un tracé préférentiel sur non plus 1 000 mais 500 mètres de large, et la consultation du public (cf encadré). Pourtant sur la portion Bayonne-Biriatou, il semblerait que le projet coure toujours dans le flou. Avec une opposition plus marquée qu'ailleurs, les discours semblent prendre leur temps avant d'éclaircir la situation.
Au ralenti au Pays Basque Nord?
Le communiqué du cabinet du ministre d'Etat précise en effet que «les contraintes d'insertion de la LGV dans le Pays Basque confèrent à cette partie de la ligne la nécessité d'approfondissement des réflexions et des concertations locales. Une mission de médiation a été réalisée et confirme la possibilité de concevoir une nouvelle infrastructure préservant toutes les zones sensibles bâties et naturelles. Le ministre d'Etat veillera à la mise en oeuvre des recommandations issues de cette mission pour la suite des études, sur la base des deux options de passage favorisées par le comité de pilotage». Autrement dit, sur Urrugne, les deux hypothétiques tracés (l'un traversant par l'Est, l'autre par l'Ouest) définis comme espace de travail depuis le 31 mai dernier, figurent toujours sur le plan de la nouvelle ligne et «les études se poursuivent» confirme Etienne Picher.
Autre incertitude, le devenir de la gare de Bayonne, pour laquelle il semblerait falloir lire entre les lignes. Entre le communiqué officiel qui indique qu'à Bayonne, «les études font apparaître un intérêt pour une desserte par la gare actuelle, mais la nouvelle phase qui s'engage devra approfondir l'opportunité d'une gare nouvelle», et les propos tenus par Jean Grenet affirmant «qu'il y aura bien une gare en crochet à Bayonne, mais qu'il faut aussi prévoir, plus tard, la possibilité d'une future gare de desserte. Ailleurs qu'à Bayonne, ou à Bayonne... ailleurs», difficile d'avoir une lecture claire de la situation.
Explication d'Etienne Picher : «Nous avons un plan de base sur lequel s'appuyer, qui est la desserte de la gare existante par des raccordements entre la zone ferrée actuelle et la nouvelle. Ceci a été décidé suite à une concertation avec les collectivités territoriales qui ont su démontré l'intérêt de faire de la gare centre, une gare de desserte. Aujourd'hui, il y a une demande supplémentaire qui est émise, celle d'étudier l'opportunité d'une gare nouvelle, à l'extérieur de Bayonne cette fois. Elle ne viendrait non pas `à la place de' mais `en complément de' la gare de Bayonne, à un horizon qui reste à préciser. Tout l'objet de cette nouvelle étude est donc de réserver la possibilité de faire quelque chose pour parer à l'éventualité des besoins à venir. En attendant, l'éclairage particulier demandé sur Bayonne exprime le souhait d'en faire une sorte d'horloge de distribution de services ferroviaires pour assurer la desserte des grandes lignes et des lignes régionales.»
Selon Victor Pachon, seulement deux trains sur trois s'arrêteraient à Bayonne, tandis que les autres ne feraient que traverser la ville.
Consultation du public du 4 au 22 octobre
La consultation du public ne porte pas sur l'opportunité du projet car «cette question» at-il été précisé, «a été l'objet des deux débats public de 2005 (Bordeaux-Toulouse) et 2006 (Bordeaux-Espagne) organisés sous l'égide de la Commission nationale du débat public». Il est simplement précisé que les avis exprimés à ce sujet seront «considérés» et «feront l'objet d'une réponse globale dans le bilan de la consultation». Ainsi, du 4 au 22 octobre prochains, le public est invité à exprimer son avis sur les «modalités de la consultation». Pour ce faire, un totem dédié à l'information et à la consultation du public devrait être installé dans les mairies et collectivités qui ont accepté l'opération. Autant dire peu en Pays Basque Nord, puisque l'opposition à ces totem a fait l'unanimité des trois intercommunalités d'Errobi, Nive Adour et Sud Pays Basques. Positionnées pour le seul aménagement de la voie existante, elles ont reproché à RFF son manque de cohérence : «Il nous semble difficile d'associer l'image de notre commune à un mécanisme de concertation pour lequel nous estimons ne pas avoir été entendu».
Nouvel appel à la mobilisation du cade
Victor Pachon, président du Cade, ne «se fait aucune illusion» : quelque soit la teneur des propos du ministre Borloo, le calendrier lui, continue d'être suivi. «Et si le projet se poursuit, l'oppposition aussi» clame-t-il haut et fort. Pas question donc, de se «laisser endormir».
Pour preuve, le Collectif des associations de défense de l'environnement entame ce mois-ci un cycle de réunion publique sur une multitude de communes, et annonce d'ores et déjà la prochaine manifestation d'ampleur contre la LGV le samedi 11 décembre à 15 heures salle Lauga à Bayonne. «On sent bien la contradiction du projet avec son temps» a tenu a rappeler le porte-parole, avant de préciser : «Nous sommes arrivé à la fin du modèle TGV qui est au bout du rouleau commercialement. Ca n'est plus rentable. D'une part nous sommes supplantés par le matériel ferroviaire étranger et d'autre part, nous voyons bien que les pays comme le Brésil ou l'Angleterre ayant fait le choix de la grande vitesse se rétractent. Au niveau international le modèle LGV est déjà en train de mourir.»
Le budget lgv revu à la baisse au Pays basque sud
Selon le site d'information Eitb.com, le projet de budget 2011 de l'Etat espagnol prévoit une révision à la baisse du budget pour la LGV, notamment une baisse de 83 millions d'euros, annoncée jeudi dernier par le gouvernement de Madrid devant le Parlement. La Communauté autonome basque verrait ainsi son budget réduit de 23%. En tout, ce projet de budget 2011 prévoit un investissement de 440 millions d'euros pour le Pays Basque Sud, dont 135 seront destinés aux travaux des nouvelles lignes à grande vitesse («Y basque»). Cette révision à la baisse du budget pour la LGV serait due à «la baisse du nombre d'expropriations», selon les propos du délégué du gouvernement espagnol en Euskadi, Mikel Cabieces, repris par le site internet. Une autre part du budget irait aux travaux d'aménagement des aéroports de Bilbo (24,4 millions d'euros) et de Gasteiz (12 millions) et aux ports de Bilbo (42 millions) et de Pasaia (18 millions).
Au total, le budget du gouvernement espagnol devrait réduire ses dépenses d'au moins 8% par rapport à 2010, et augmenter l'impôt sur le revenu pour les personnes gagnant plus de 120 000 euros par an, de sorte à ramener le déficit budgétaire de 11,1% du PIB en 2009 à 9,3% cette année et éventuellement 3% en 2013.
CALENDRIER PRÉVISIONNEL
Contexte
La première étape des études, qui vient de faire l'objet d'une approbation ministérielle, a permis de définir les grandes options du projet : consistance du tronc commun des deux branches, fuseau de passage de 1000 mètres de large environ, caractéristiques et fonctionnalités techniques (modalités de desserte des agglomérations...)
Fin 2010 / début 2011
Etude des tracés possibles, incluant une phase de consultation et de concertation du public (cf encadré).
mi - 2011
L'analyse comparative des hypothèses de tracés permettra au comité de pilotage de proposer le ou les tracés à apprafondir vers mi-2011.
octobre 2011
Cet approfondissement, conduit dans le cadre d'une concertation de proximité approfondie, doit permettre au comité de pilotage de proposer au ministre chargé des transports un tracé et le programme fonctionnel et technique des GPSO (objectif prévisionnel).
fin 2011
Les décisions du comité de pilotage pourraient faire l'objet d'une validation par le ministre, attendue d'ici la fin de l'année 2011, définissant les modalités de poursuite des études au niveau avant-projet-sommaire (APS).
RFF pourra réaliser sur ces bases l'avant-projet définitif, qui servira lui-même de support à l'enquête d'utilité publique.
Source : http://www.lejpb.com/paperezkoa/20101006/224756/fr/LGV-Comment-lire-entre-les-lignes