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19 juillet 2013 5 19 /07 /juillet /2013 20:43

 

 

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Le 17 juin 2013, le porte-container géant MOL Comfort s'est brisé en deux en mer d'Oman. Jacky Bonnemains* explique comment le transport maritime est devenu le talon d'Achille du commerce international et un danger majeur pour les Océans.


La mondialisation ne tient qu'à une quille: celle des porte-containers. Si tous les équipages se mettaient en grève, ce serait la ruine en cascade du système.


Le container a été inventé en 1956 par un camionneur (1). Le container est une boîte à chaussures de la mondialisation. Son extraordinaire prolifération est due à sa duplicité. A l'intérieur, il empile les marchandises. A l'extérieur, il s'empile avec les autres containers. Le container a aussi bénéficié d'une extraordinaire unanimité. Le container a mis tout le monde d'accord et en un éclair ses mensurations ont été choisies pour l'éternité et pour l'univers tout entier. Les "boîtes" de 20 pieds et 40 pieds, avec 2-3 variantes, sont les reines des ponts, des quais, des trains et des camions.


Des porte-containers de 400 mètres de long

L'augmentation de la taille des véhicules est une constante de l'histoire du transport routier et du transport aérien. Dans le btransport nmaritime, c'est un culte. En 1970, un porte-container géant a une capacité de 1 500 boîtes. Il mesure 228 m de long. Au début de l'année 2013, un porte-container géant a une capacité se 16 000 boîtes. Il mesure 400 m de long. En août 2013, un porte-container géant emportera 18 300 boîtes. Toujours plus long, plus large, plus profond. Cette course  sans fin est une course à la productivité. Les armateurs réalisent aussi des économies d'échelle. Encore plus de boîtes sur un navire , c'est mécaniquement un coût de transport réduit sur chaque boîte transportée. Il revient théoriquement moins cher de construire, de gérer, de maintenir un seul porte-container de 18 000 boîtes que 3 de 6 000. Le rêve de l'armateur, c'est de transporter toujours plus de marchandises avec de moins en moins d'hommes d'équipage. Ce rêve pourrait brusquement, mais non sans avertissement, tourner au cauchemar. La valeur d'un Ultra Large Container Ship et des marchandises embarquées dépasse 2 milliards de dollars et une seule perte totale d'un ULCC dépasserait les capacités financières des assureurs et des réassureurs maritimes!


Les risques de naufrage

C'est pourquoi l'accident du MOL Comfort le 17 juin en mer d'Oman et sa rupture franche en deux parties déclenche beaucoup de troubles et de perplexité dans le monde maritime. L'opinion publique et tous ceux qui aiment la mer et le littoral, qui en vivent ou qui y vivent n'ont pas encore perçu tous les risques du naufrage ce ces monstres. Ils emportent 10 à 15 000 tonnes de fioul de combustion. Au moins 20% des containers transportent des matières chimiques, explosives, radioactives. Chaque container coulé ou à la dérive constitue pour les pêcheurs et les autres usagers de la mer un risque de collision ou de croches dans les filets. Chaque container peut déverser dans l'océan des milliers de produits neufs et emballés irrémédiablement transformés en déchets et en nuisances pour la faune marine.


Depuis plusieurs années, quelques experts sonnent l'alarme. Selon eux, ces navires surdimensionnés seront vite atteints par un vieillissement, une fatigue des structures, une déformation de la colonne vertébrale et gangrénés ici et là par des microfissures. Les ruptures franches du MSC Carla (1997)  près des Açores et du MSC Napoli (2007) dans la mer de la Manche leur donnent raison.


La massification du transport par mer des containers a d'autres préjudices. Ils obligent les ports à creuser toujours plus profond leurs chenaux d'accès et de bassins. Ces opérations de dragage doivent être constamment renouvelées et perturbent les écosystèmes comme celui de la baie de seine qui devient le simple entonnoir logistique du port du Havre. Par la diversité, la quantité, la contigüité et même la méconnaissance des matières dangereuses qu'ils transportent, les porte-containers sont eux-mêmes des usines Seveso non déclarées. L'accident du MSC Flaminia à l'été 2012 le prouve également. (2) Quand tout va bien, ces bêtes de somme du XXIe siècle sont accueillies à bras ouverts, quand tout va mal et que le navire est en difficulté, aucun port ne veut leur servir de refuge.


Robin des bois considère de la plus haute importance et de la plus haute urgence de peser sur ce dossier. Il y a une limite à tout.

 


Notes

(1) Marc Levinson, The Box, Comment le container a changé le monde Max Milo, 2011

(2) http://www.robindesbois.org/communiques/mer/fortune/2012/MSC-Flaminia-synthese.html


 

*Jacky Bonnemains est président de l'association Robin des bois, association de protection de l'homme et de l'environnement depuis 1985.


 

Article paru dans le numéro 40 été 2013 de "L'écologiste"

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