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20 janvier 2011 4 20 /01 /janvier /2011 19:27

 

 

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Victor Pachon lors de la dernière manifestation anti-LGV à Bayonne le 11 décembre 2010 (photo ACE)

 

 

 

 

Ecolos, les lignes à grande vitesse (LGV) ? Le débat se poursuit sur Reporterre. Victor Pachon répond à Jean Sivardière, qui répondait à Julien Milanesi. Enjeu : au service des riches, ces trains coûteux, ou nécessaires pour aller vers moins de pollution ?


Victor Pachon - 20 janvier 2011


En réponse à une tribune de Julien Milanesi, Jean Sivardière, de la FNAUT, vole au secours des LGV.

 

 

1) Il conteste l’argument de Julien Milanesi selon lequel les LGV répondent aux besoins d’une « élite circulatoire ». Certes nous avons tous pris, marginalement, un jour ou autre un TGV (même ceux qui roulent à vitesse normale sur les voies existantes comme les autres trains de grandes lignes, ce qui explique le nombre de voyageurs que M Sivardière avance), mais ceux qui sont la clientèle institutionnelle des TGV, ce sont ceux que l’objet même des TGV visait : la classe affaire, 1ère classe que l’avion a ravi au rail.

 

La SNCF, puis RFF les ont appelé « l’élite circulatoire », « les néonomades », « les cadres du tertiaire », « les naveteurs ». Il n’est que de lire les colloques des villes TGV pour comprendre le rêve éveillé des pro TGV : M Billardon, président de l’association européenne des villes TGV, dans « TGV et aménagement du territoire 1991", p 124 explique : "C’est autour des gares TGV que doivent se concentrer les fonctions tertiaires supérieures, les structures de matières grises susceptibles de desservir l’ensemble du territoire régional tout en restant en communication avec l’ensemble du réseau de villes TGV dans le territoire national". Il n’est que de voir les acteurs des spots publicitaire TGV : des cadres uniformisés, costard cravate et ordinateur portable.

 

2) De là, il n’est qu’un pas (que nous franchirons allègrement) pour observer le second point d’achoppement qui en découle : les TGV sont un formidable outil d’accélération de la concentration des activités (tertiaires notamment) autour des métropoles de niveau européen au détriment des villes moyennes. Citons M François Plassard, chercheur du laboratoire d’économie des transports de Lyon dans La vie du rail, revue de la SNCF, du 1 au 7 novembre 1990 : "Le système TGV ne peut fonctionner qu’entre des villes de taille suffisamment importante pour générer un trafic qui justifie l’existence d’une nouvelle ligne(...). En ce sens, le TGV ne fait qu’accompagner une tendance lourde de l’évolution économique actuelle qui concentre l’activité entre quelques grands groupes rassemblés en des pôles stratégiques. Le TGV, de la même façon, contribue progressivement à une nouvelle structuration de l’espace autour de pôles de moins en moins nombreux et de plus en plus importants".

 

On peut verser des seaux de louanges sur Paris Lyon, mais qui se soucie désormais de Montchanin ou du Creusot dont « les emplois ont été aspirés » (dixit le président du Conseil général) par les deux grosses métropoles ? Et pour parler plus précisement de ce que nous vivons au Pays basque (et qui s’applique ailleurs hélas), observons ceci : autour de la gare de Bordeaux, sur 784 hectares on construits en prévision de l’arrivée de la grande vitesse, 30 000 m2 de bureaux par an pendant 15 ans. La cité du tertiaire voit le jour (au point d’inquiéter l’autre métropole Toulouse). Bordeaux nous dit-on vise le million d’habitants. Les Bordelais se reproduiraient-ils plus vite que les autres ? Non bien sûr, ce qu’on attend ici (si tant est que ça marche, Reims d’après une étude récente attend toujours l’effet TGV) c’est l’aspiration vers Bordeaux des emplois et des employés d’Angoulème, Marmande, Agen, Mont de Marsan, Dax, Bayonne.

 

Cà c’est du concret M Sivardière, et dans le même temps, RFF annonce qu’avec l’arrivée de la LGV, deux TGV sur trois s’arrêteront à Bayonne et un TGV sur deux à Dax. Les LGV bâties sur le concept de « l’ultramobilité » sont exactement le contraire de l’aspiration « à vivre et travailler au pays ».

 

Ce déménagement du territoire induit par l’avion sur rail, M Sivardière le qualifie de « neutre économiquement pour les territoires traversés ». Le slogan SNCF, « le progrès ne vaut que s’il est partagé » n’est qu’un rideau de fumée qui masque le contraire. Et comme M Sivardière ne peut ignorer « ces effets pervers », il y consacre un paragraphe pour présenter les rustines que la FNAUT appliquerait à ce système pervers.

 

Mais enfin, cela fait des décennies que « les effets pervers » font leur œuvre et personne n’a pu prendre en compte les délicats conseils de la FNAUT ? C’est qu’en haut lieu, on s’en tape, car l’objet des LGV est effectivement de cannibaliser la SNCF, de l’endetter jusqu’à l’agonie, de la dépecer et d’en livrer au privé les seuls secteurs rentables. Oui, l’endettement colossal des LGV (presque 28 milliards pour RFF) est un cheval de Troie pour liquider le service public ferroviaire.

 

3) Et M Sivardière de s’en prendre aussi à nos revendications d’amélioration de l’existant en mettant en avant la difficulté de faire circuler sur une même ligne fret, TER et TGV (aujourd’hui au Pays Basque sur la portion nous traversant, environ 25 trains par sens - fret, TER et TGV - passent tous les jours, alors qu’il pourrait en passer 132 par sens). Voici poindre la vieille rengaine, "les TGV sur la voie nouvelle dégageront de la place pour les marchandises sur les voies existantes". Vieille rengaine battue en brèche par la réalité, des décennies de TGV pour en apporter la preuve et résultat, juste le contraire, jamais le fret n’a été aussi bas.

 

D’autres pays n’ont pas fait le choix des LGV et rencontrent pourtant un succès qui fait pâlir d’envie la SNCF. Sur Goteborg-Stockholm, on a choisi de moderniser la voie existante, la moderniser vraiment, pas la rafistoler, on a conçu un matériel roulant moderne, et alors qu’il y a concurrence de l’autoroute et de l’avion, le train capte 50% des voyageurs.

 

Observons encore ce que nous connaissons : RFF au cours du débat public nous concernant, dans un des CD distribués, publie les gains de temps entre Bordeaux et le Pays Basque. Avec la ligne actuelle améliorée, gain de temps 17 mn. Avec la LGV 21 mn. Différence 4 mn, prix : 5,5 milliards d’euros non actualisés.

 

Et encore s’agit-il d’aménagements mineurs, qu’en serait-il si on installait le système européenn de contrôle des trains au lieu des Blocs Automatiques Lumineux que la ligne Bayonne-Dax a attendu 64 ans ?

 

Qu’en serait-il si nous avions du matériel pendulaire ? E puisqu’on parle des performances des lignes, revenons à un article du Monde du 19 juillet 2008. Il s’intitulait « les trains pourront aller plus vite, ils arriveront à la même heure ». On y interviewait la responsable stratégie de RFF. Elle réclamait que la France légifère, à l’instar d’autres pays sur la limite de vitesse des trains. Elle soulignait des effets pervers de la grande vitesse : nuisances accrues, usure à grande vitesse des voies et, notez bien, la faible performances des lignes nouvelles où, devant un train qui va vite il faut enlever ceux qui vont moins vite. Ainsi nous pouvions comprendre que sur ces lignes ruineuses et fragiles, on faisait passer moins de trains que sur les lignes anciennes. Elle concluait en donnant son « point de performance : 200 km/h ». Et puis prenons cela d’un peu plus haut. Une autoroute gaspille 10 hectares au km, une LGV 7 ha (9 ha dans le Pays Basque, plus vallonné). Jusqu’à quand allons-nous consommer du territoire comme si nous avions 4 planètes de rechange ?

 

Enfin, M Sivardière lâche ici ou là quelques perfides insinuations selon lesquelles les opposants aux LGV n’évoqueraient jamais les conditions de vie des riverains des aéroports. En d’autres articles, nous serions des pro autoroutes.

 

Il ignore donc que Julien Milanesi fut et est un des principaux animateurs de la lutte contre l’autoroute A65 (comme nous et d’autres et si peu avec la FNAUT), il ignore qu’avec l’association LEIA, membre du CADE et toujours sans la FNAUT, nous avons gagné contre le projet routier de la transnavarraise, qu’avec l’association Bizi, Attac Pays Basque et toujours sans la fantomatique FNAUT, nous étions couchés sur les quais de la gare de Bayonne en défense des wagons isolés avec les cheminots CGT le 6 février 2010. Il ignore que si nous sommes hostiles au modèle TGV qui détruit du tissu social, nous sommes favorables aux TER et au fret qui en construisent. Il ignore que les élus favorables à la LGV sont aussi des élus qui réclament à corps et à cris des lignes aériennes à bas coûts (la mairesse PS de Pau comme le maire centriste de Biarritz) ; une incohérence qui a fait perdre près de 50 000 voyageurs à la gare de Biarritz lorsque Easy Jet est arrivée. La vanité de nos « bâtisseurs » est tous azimuts et exclut comme M Sivardière l’heure de l’humilité et d’une meilleure utilisation de l’existant. Bref, à force de siéger et rien que siéger, sans être une force de mobilisation, la FNAUT prend le chemin de la coquille vide bureaucrate.

 

Source : Courriel à Reporterre.

 

L’auteur : Victor Pachon est porte-parole du Collectif des Associations de Défense de l’Environnement (CADE) Pays Basque et Sud des Landes.

 

Lire aussi : La tribune de Jean Sivardière, Les LGV sont nécessaires

Et celle de Julien Milanesi, Les LGV servent les riches, pas la société


 

Source : http://www.reporterre.net/spip.php?article1570

 

 

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