Pierre Recarte au premier plan sur la gauche lors de la réunion publique
du 12 novembre 2010 à Urrugne (photo ACE)
L'opinion - Tribune Libre
18/01/2011
Pierre Recarte / Association Nivelle Bidassoa Environnement (Urrugne)
Le président de la Région Aquitaine, au cours de la présentation de ses voeux à Bordeaux, s'est emporté en qualifiant de «débiles» et «d'absurdes» les arguments des opposants à la LGV.
Dénigrer et mépriser les adversaires est aisé quand ceux-ci n'ont pas les moyens médiatiques de répondre et d'ouvrir un réel débat.
Pourquoi à notre tour n'analyserions-nous pas «l'argumentaire» de Monsieur Alain Rousset ? Par politesse, nous éviterons d'attacher un qualificatif à ses déclarations, nos concitoyens sauront le faire eux-mêmes et peut-être dans des termes encore plus discourtois que les siens !
Petit florilège des déclarations de notre président :
«Si l'on défend la nature, le climat menacé, la LGV est une réponse».
Toutes les études (Per Kageson, Mikhail Chester) aboutissent aux mêmes conclusions : les investissements dans des voies à grande vitesse ne peuvent contribuer de manière significative à l'atténuation du changement climatique. La grande vitesse ne peut se justifier par l'argument de la diminution des gaz à effet de serre. «La réduction des émissions de CO2 liée à la construction des lignes à grande vitesse (LGV) est minime et la construction de ces réseaux ne peut être considérée comme une politique environnementale réaliste». C'est la conclusion d'une étude de l'université suédoise de Linköping d'août 2009.
Dans leurs affirmations, nos politiques ne prennent jamais en compte les émissions de CO2 pendant toute la durée de construction d'une LGV. De plus, dans le Sud-Ouest, une centrale thermique sera construite à Captieux pour l'alimentation électrique de la ligne.
Défend-on la nature en faisant passer les lignes nouvelles dans les derniers grands espaces encore préservés et non fragmentés d'Aquitaine, en traversant parfois des zones Natura 2000 ?
«La LGV un gisement de 100 000 emplois»
A propos de la construction de la Tours-Bordeaux, Sud Ouest écrit le 14/01/2011 : «Certains parlent de milliers de créations d'emplois possibles, ce sera plutôt moins. 1 300 créations d'emplois pour les travaux de génie civil, par exemple. Pour le terrassement, la préparation du terrain et la construction des ouvrages, 4 500 cadres et employés seront mobilisés de Tours à Bordeaux. Sur ces 4500, 1 300 seront de nouveaux embauchés».
Actuellement, sur les 140 km de LGV en construction entre Dijon et Mulhouse, ce sont 3 500 personnes qui travaillent !
«La LGV supprimera le mur de camions». «Il faut être fou pour dire que l'autoroute n'est pas encombrée et irresponsable pour vouloir arrêter tout ça. Je ne veux pas croire au mur qui se dresserait devant le Pays Basque alors que la LGV pourrait l'ouvrir».
Monsieur Rousset connaît mal le dossier. Lors du débat public, il est précisé que l'objectif du transfert modal de marchandises est de «réduire de moitié la croissance attendue du trafic de marchandises». Il n'a jamais été question de «supprimer le mur de camions». Selon RFF, ce sont 4 000 camions attendus sur les 16 000 attendus en 2020. Rappelons qu'ils étaient 8 000/jour en 2003.
RFF a enfin admis que seuls 94 trains de fret pourraient franchir la frontière, dans les deux sens. 94 trains, la saturation des deux réseaux ferrés ibériques : Y basque et réseau Renfe mis aux normes UIC. Est-il raisonnable de penser que quelques trains de marchandises supplémentaires par rapport aux 20 actuels suffiront à résorber «le mur de camions» ? Ces trains emprunteront les voies actuelles, contrairement à ce que dit Monsieur Rousset, car le fret à grande vitesse ne fonctionne pas.
Un exemple, le fret postal ferroviaire, facile à mettre en place. La Poste et la SNCF ont décidé de créer un opérateur commun de fret postal à grande vitesse en France et en Europe qui devait être opérationnel fin 2008. En 2009, La Poste annonce la suppression de liaisons de TGV postaux (10 sur les 40 liaisons hebdomadaires), et pour justifier ce choix, elle invoque l'augmentation du coût de traction due, selon elle, à une hausse du coût des sillons et de la maintenance.
«Une question de vie ou de mort économique, sociale et environnementale pour l'Aquitaine». «En connectant directement des villes comme Pau, Dax, Agen ou Mont-de-Marsan aux centres de décisions européens, elle désenclavera le territoire aquitain et lui offrira de nouvelles perspectives de développement en attirant des activités créatrices d'emplois.»
«Dans dix à quinze ans, Bordeaux se trouvera au centre d'une immense toile ferroviaire reliant le nord et le sud de l'Europe. Il s'agit là d'un levier extraordinaire de développement qui doit nous permettre de hisser la ville au rang de métropole européenne», déclare Alain Juppé.
L'enjeu inavoué est bien là. La métropole bordelaise deviendra «l'aspirateur à emplois» de la région, avec le projet Euratlantique notamment. L'objectif est d'aménager, dans le cadre d'une opération d'intérêt national, «un pôle tertiaire international» créateur de 10 000 à 15 000 emplois avec l'implantation attendue d'entreprises et l'arrivée espérée de milliers de nouveaux Bordelais.
Les villes intermédiaires deviendront des «nouveaux Reims». Désormais à 45 minutes de Paris avec la grande vitesse, l'effet TGV escompté est plus que négligeable pour cette ville. Une étude menée sous la direction de Marie Delaplace, de l'université de Reims, démontre les effets de fracture sociale (augmentation des prix des déplacements) et le leurre du miracle économique attendu par une desserte LGV.
L'économiste Germà Bel (spécialiste du modèle d'infrastructures en Espagne) déclare à propos du futur TGV Perpignan - Barcelone : «Le TGV sucera l'activité économique des petites villes, au profit des grandes».
Une étude de l'université Paris Dauphine montre que les infrastructures de transports comme la LGV ne sont pas un facteur explicatif de l'installation de la population dans certaines villes.
Les villes les plus attractives sur le plan résidentiel ne font pas partie des villes les plus dynamiques sur le plan de l'économie «productive» mais développent une économie «résidentielle» tout aussi bénéfique.
«Partout où elle a été instaurée, la LGV a apporté des bienfaits»
La grande vitesse ne contribue pas systématiquement à dynamiser la croissance et l'emploi mais participe à la désertification des zones intermédiaires. Toul, Commercy, les gares TGV Haute Picardie, de Montchanin, du Creusot démontrent cette réalité.
Catherine Veyssi, vice-présidente de la Région Aquitaine, déclarait dans Sud Ouest du 14/11/2011 que dans la construction de la LGV «priorité sera donnée aux demandeurs d'emplois des communes traversées». Elle avouait : «Elles vont subir les travaux, elles vont voir ensuite passer les trains.» C'est en effet le sort réservé aux communes : regarder passer les trains !
«Au pays basque, une ligne qui sera de toute façon enterrée de 60 à 70 %»
Monsieur Rousset le sait-il ?, le projet ne le permet pas. Madame Meaux le confirmait le 15/05/2010, au Journal du Pays basque : «On est à peu près à 35 % de souterrain».
«La LGV, une démocratisation de la mobilité voulue par 90 % des Aquitains»
Pour avancer une telle assertion, Monsieur Rousset s'appuie sur un sondage Ifop, commandé par RFF et grossièrement truqué ! En effet, 64 % des personnes interrogées déclarent ne pas savoir ce qu'est le projet LGV GPSO, et parmi ceux qui le connaissent, 46 % des personnes interrogées pensent qu'il s'agit de «moderniser les voies existantes» !
Certes, il est plus facile d'affronter des caméras muettes que de participer à un débat public contradictoire au Pays Basque !
Un débat toujours promis, jamais obtenu.
Monsieur Alain Rousset craint-il que nous lui rappelions ce qu'il écrivait à M. Robert Courtade, président de Pays, Paysage, le 22 mars 2004 ?
«Je partage totalement votre désaccord avec l'option qui consisterait à créer une ligne nouvelle sur cette section Dax - frontière espagnole du TGV Sud Europe Atlantique, c'est pourquoi je défendrai le simple aménagement de la voie existante... Convaincu que vous saurez mesurer l'importance de cet engagement de ma part...».
Il défendait à l'époque l'aménagement des voies existantes, une option qu'il juge aujourd'hui «débile» et «absurde» !!