Chacun se souvient de cette publicité qui nous vantait les mérites du thon, ce poisson invité régulièrement dans nos assiettes sous forme de sushis et autres sashimis.
Il faudra peut-être bientôt s’en passer.
Le thon rouge, qui doit son nom à la couleur de sa chair, est l’un des plus gros de son espèce ; il peut vivre 40 ans et il doit attendre 4 ans pour arriver à maturité, atteignant parfois le poids de 700 kg.
Connu aussi pour se déplacer en banc sur de grandes distances, capable de plonger profondément jusqu’à 1000 mètres, le thon rouge fait les délices des japonais, lesquels considèrent que sa viande est meilleure lorsqu’elle est un peu rassie, devenant à ce moment d’un joli rouge vif brillant. lien
Il a une autre particularité : c’est peut-être le poisson le plus cher du monde, puisque l’un d’entre eux s’est vendu début 2012 au prix record de 565 000 €, lors d’une vente aux enchères à Tokyo. il faut croire que c'est sa rareté qui en fait le prix, et pour une pareille somme, un sushi, voire un sashimi, devrait être proposé aux clients du restaurant Sushizanmai à au moins 50 € mais le patron du restaurant vainqueur des enchères, a pourtant décidé de ne pas répercuter le montant de son achat, en le laissant sur le menu traditionnel à 4 €. lien
Pourtant ce poisson, si abondant par le passé, signera sa disparition en Méditerranée au cours de l’année 2012, et si une interdiction tardive de pêche a été décidé dans la Grande Bleue, et en Atlantique Est en juin 2010, (lien) le thon rouge continue d’être péché ailleurs. lien
Les méthodes de pêche actuelle permettent d’en capturer jusqu’à 50 000 tonnes par an, et pour répondre à la demande japonaise, une nouvelle méthode a été mise au point. Ils sont capturés dans une cage flottante, puis engraissés dans une ferme aquatique, afin d’atteindre la qualité réclamée par les consommateurs japonais.
Mais il y a plus grave : une vielle publicité affirmait « le thon, c’est bon », sauf que Fukushima est passé par là, et il va falloir faire plus attention, car des niveaux élevés de radioactivité ont été relevés dans des thons pêchés sur la côte des Etats-Unis.
Péchés au mois d’août 2011, sur les côtes de la Californie, au large de San Diego, après la catastrophe de Fukushima, 15 thons avaient des niveaux de césium 134 et 137 modérément élevés de radioactivité, mais c’est seulement maintenant que nous l’apprenons, grâce à une étude révélée dans la revue « Proceedings of the National Academy of Sciences ». lien
Daniel J.Madigan de l’Université de Stanford en Californie et Zofia Bazumann et Nicholas S.Fisher de l’université Stony Brook de New York, auteurs de l’étude, tentent de relativiser, affirmant que les niveaux observés sont en dessous de la limite de sécurité japonaise, sauf que ceux-ci ont été relevés quelques semaines après la catastrophe, et que depuis le 11 mars 2011, la centrale sinistrée continue de cracher sa radioactivité autant dans l’air que dans l’eau.
Les niveaux mesurés par les scientifiques américains sont tout de même 10 fois supérieurs à ceux mesurés au même endroit l’année précédente.lien
Mais au-delà des batailles de normes, il faut noter que, comme l’écrivent ces chercheurs : « ces résultats indiquent que le thon rouge du Pacifique peut transporter rapidement des radionucléides d’un point au Japon vers des écorégions éloignées et démontrent l’importance des animaux migrateurs en tant que vecteur de transport ». lien
Ce résultat inquiétant ne devrait être une surprise pour personne si on se souvient qu’entre mars 2011 et mars 2012 les rejets de Fukushima ont largement pollué l’Océan Pacifique comme on peut le constater sur cette vidéo.
On sait aussi que jour après jour, Tepco annonce régulièrement de nouveaux déversements dans l’Océan. Même s’il est difficile d’en connaitre la quantité, vu l’opacité de Tepco sur le sujet, il vaut mieux s’en tenir à la phrase proposée par le dessinateur humoristique Iturria : « la quantité d’information donnée au public est inversement proportionnelle à la quantité d’eau contaminée déversée dans l’Océan ». image
Les premières mesures de radioactivité de l’eau de mer prises quelques heures après l’accident ont été alarmantes : le niveau d’iode 131 était 126,7 fois plus élevée que la norme, celui du césium 134, 24,8 fois supérieure à la norme, et celui du césium 137 (le plus préoccupant puisque sa demi-vie est de 30 ans), 16,5 fois plus. lien
Les rejets dans l’Océan, c’est un long feuilleton qu’a commencé Tepco, quelques jours après la catastrophe, et le 27 octobre 2011, les experts les avaient déjà estimés à 27 millions de milliards de becquerels (27 PBq) dans le Pacifique. lien
Le 11 avril 2011, c’étaient 11 500 tonnes d’eau radioactive qui étaient déversé dans la mer, mais ce n’est qu’une petite partie des rejets, lesquels se produisent soit par les fissures des bâtiments, (lien) les canalisations défaillantes, ou par les brèches des fosses de maintenance. lien
Depuis le début de l’année 2012, on ne compte plus les fuites. lien
Bien sur, Tepco avait annoncé en février 2012 prévoir la construction d’un « plancher sous-marin » pour tenter de contenir la radioactivité sous-marine qui s’échappe régulièrement de la centrale sinistrée. D’une dimension de 73 000 m2, ce futur plancher, constitué de ciment et d’argile devrait s’achever en juin 2012. lien
Pour l’instant, à quelques heures du début de ce mois de juin, on n’en sait guère plus, habitués que nous sommes à constater les dissimulations de l’exploitant puisque c’est la valse des menteurs qui continue de plus belle. Un communiqué de l’agence Reuter nous a appris le 24 mai dernier que les fuites radioactives ont été 2,5 fois supérieures aux estimations communiquées à l’époque, et Tepco admet aujourd’hui « que la fusion probable des 3 réacteurs a rejeté dans l’air quelques 900 000 terabecquerels de substances radioactives ». lien
Seule certitude, Fukushima a déjà dépassé Tchernobyl sur la question des rejets. lien
On sait aussi aujourd’hui que le gouvernement Japonais a avoué, que peu de temps après la catastrophe, il avait envisagé l’évacuation des 35 millions d’habitants du grand Tokyo. C'était soupçonné depuis longtemps, mais ce n’est que récemment qu’un rapport complet de 400 pages a finalement confirmé l’information. On a appris dans ce rapport que Tepco, dans un premier temps, avait l’intention d’abandonner purement et simplement la centrale, en retirant le personnel qui tentait d’endiguer la catastrophe, et il a fallu la menace du premier Ministre Japonais, Naoto Kan, (si vous retirez le personnel, nous casserons Tepco), pour empêcher Tepco de prendre une telle décision. lien
En attendant, rien n’est réglé à Fukushima et les propos lénifiants de novembre dernier partent en fumée, puisque d’une part, on apprend que la piscine du n° 4 continue de poser des problèmes : c’est Tepco qui le confirme, le bâtiment-réacteur n°4 penche de 6 mm au niveau de l’angle Nord-Ouest à 33 mm au niveau de l’escalier de service, et son angle Sud-ouest est bombé. lien
Quant à la fuite de cette piscine, Tepco n’a aucune idée pour le « pire scénario », et lors de la conférence de presse qui s’est tenue le 25 mai dernier, l’exploitant a éludé tout bonnement la question sur la question des fuites, se contentant de redire que le bâtiment avait été renforcé, et que si quelque chose d’inattendu arrivait, leurs calculs prouveraient que le bâtiment résisterait à un nouveau séisme de force 9, sans préjuger du résultat si les séismes étaient plus puissants. lien
Alors aujourd’hui, la question de l’évacuation de 40 millions de Japonais est de nouveau posée. Selon un rapport de « EU Times.net », les autorités japonaises confirment que ces 40 millions de Japonais sont en « danger extrême » d’empoisonnement radioactif, (lien) confirmant que le réacteur n° 4 est sur le point de s’effondrer, faisant dire à Mitsuhei Murata, ancien ambassadeur du Japon, : « il n’est pas exagéré de dire que le sort du Japon et du monde entier dépend du réacteur N° 4 ».lien
Comme dit mon vieil ami africain : « l’œuf ne danse pas avec la pierre ».
L’image illustrant l’article provient de « afrodeau1.over-blog »
Merci aux internautes pour leur aide efficace
Olivier Cabanel
Source : http://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/le-thon-du-sushi-a-se-faire-117702