jeudi 27 septembre 2012
Par Fabrice Nicolino
Pour des raisons qui n’ont échappé à personne, le hors-série sur le nucléaire publié par Charlie-Hebdo, et dont les 40 articles sont de ma pomme, a été comme qui dirait écrasé. C’est la vie. Mais enfin, il existe, et pour vous mettre minable de ne pas encore l’avoir acheté, sachez que l’on y parle d’à peu près tout. Comment cela a commencé avec la mère Curie, les suppositoires au radium, les capotes au radium, les pulls pour bébé au radium, tout étant bien entendu vrai. Comment cela a continué avec Pierre Guillaumat, Mendès, De Gaulle, la bombe. Et ce qu’est la commission Peon. Et où se trouvent les décharges nucléaires oubliées. Les soi-disant mesures de sûreté dans nos ports nucléaires, comme Toulon ou Brest. Le mort de Malville. Le rôle d’EDF et d’Areva. La situation au Niger, d’où vient une partie de notre uranium. La place étonnante longtemps dévolue à un certain…Jacques Cheminade.
Ajoutons des portraits de Pierre Pellerin, Annie Thébaud-Mony, Stéphane Lhomme, Nicolas Lambert, Bruno Comby, Mycle Schneider. Un aperçu du déclin certain du nucléaire. Une déploration de l’état des énergies renouvelables, qui sont pourtant le seul avenir. Un foutage de gueule du PS et du PC, le premier promettant un référendum depuis trente ans, le second ayant exigé une centrale nucléaire à Plogoff, en Bretagne. Et bien d’autres choses encore. Voici l’article d’introduction. Le nucléaire en trois feuillets. Essayez de trouver plus court.
Vous prenez de l’uranium — au Niger par exemple —, vous convertissez, enrichissez et enfournez le tout dans le vaste four nucléaire. Gardez-le au chaud trois ans, sortez-le : c’est de la merde. C’est pas si compliqué. Premier mouvement : extraire de l’uranium, si possible dans un pays lointain. Ce sera le combustible, que l’on commence par convertir, de manière à le rendre plus digestible. En France, l’opération se passe en deux temps. Un, dans l’usine Comurhex de Malvési, près de Narbonne (Aude). Deux, dans l’usine Comurhex de Pierrelatte (Drôme). Les deux appartiennent bien sûr à Areva. Nous voici, fiérots, en possession d’hexafluorure d’uranium. Comme il ne contient pas assez, le pauvret, d’uranium 235, il faut lui en ajouter, car la réaction de fission nucléaire a besoin d’un uranium titrant autour de 5 % de cet isotope. On y est ? L’enrichissement se déroule dans un site ultraprotégé, l’usine Georges-Besse II de Tricastin, dans la Drôme. Areva encore. Reste à obtenir un véritable combustible. Et pour cela, il y a deux voies, deux produits. Pour le tout-venant des centrales nucléaires, voyez du côté de FBFC, filiale d’Areva. Dans l’usine de Romans (Drôme), des petites mains gantées fabriquent de la poudre de dioxyde d’uranium, ou UO2. Notamment. Ce qui crame dans nos 58 réacteurs, pour l’essentiel, vient de là.
Il existe un deuxième combustible, bien moins courant, qu’on appelle MOX, pour « Mélange d’OXydes ». On l’obtient en allant récupérer le plutonium à la sortie des réacteurs nucléaires en service, avant passage à La Hague pour le séparer des combustibles irradiés. Tout seul, ce plutonium ne servirait pas à grand-chose. Mais en le mélangeant – comptez 8 % de plutonium – à de l’uranium appauvri, on obtient un nouveau combustible. Oublions le MOX, et concentrons-nous sur le combustible principal, UO2. Le grand jour est arrivé, et l’on déballe devant des ouvriers et techniciens ébahis les conteneurs de dioxyde d’uranium. Zou ! on enfourne le tout dans les réacteurs nucléaires, qui vont transformer l’affaire en chauffage électrique et en veilles pour les appareils ménagers. Dans les grands chaudrons magiques, U02 va donner tout ce qu’il sait. Mais tout a une fin, même le nucléaire. Au bout de trois ans de bons et loyaux efforts, le combustible bat de l’aile. Les produits internes de fission, dont certains ralentissent la bonne marche du réacteur, ont tendance à augmenter, et dans le même temps, les éléments fissiles, qui jouent sans jeu de mots un rôle moteur, déclinent. Il faut vider la poubelle. Comme les nucléocrates n’entendent pas arrêter la production, l’opération se passe en trois fois : un quart à un tiers par année.
Que fait-on des ordures que l’on a extraites ? On leur fait passer plusieurs années sur place, dans une piscine gentiment nommée de désactivation, avant que de gros camions n’emportent tout, de préférence la nuit, vers l’usine de retraitement de La Hague (Manche). Là-bas, et pour commencer, nouvelle baignade en piscine, de trois à cinq ans. Ensuite, de gentils robots trient ce qui peut éventuellement resservir et ce qui devra être considéré comme déchet, avant que d’être stocké. Tel est le cadeau final de nos amis : selon des chiffres officiels, à la fin de 2007, la France comptait 1 152 533 m³ de déchets radioactifs. Elle devrait en compter le double d’ici à 2030. Y en aura donc pour tout le monde.