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3 janvier 2013 4 03 /01 /janvier /2013 14:11

 

 

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Patrice Salini **


LE CERCLE. Mauvaise question ! J’ai été convié, hier, 29 mars, à débattre de cette question au SITL – salon des transports et de la logistique -. La question – à vrai dire – me semblait un peu saugrenue.

31/03/2012 | Patrice Salini | Transports |

Comment, alors que le fret ferroviaire est passé au niveau atteint au pire moment de la crise des années 30, et que le transport combiné français ne pèse plus guère que 2 % du transport terrestre produit sur le sol national (soit moins de la moitié de la part de marché d’il y a 20 ans), considérer la question comme d’actualité ?

Comment, alors que Novatrans est au plus mal s’interroger sur l’avenir de l’autoroute ferroviaire ?

Il est vrai que la Cour des Comptes dans son récent rapport  vient – mais ça n’était pas prévu – de remettre sur le sujet un rapport plutôt critique, plus sans doute sur les Alpes que sur Bettembourg-Perpignan.

Sur cet axe, le trafic croît – quand les autres indicateurs du rail national sont au rouge – malgré les problèmes de disponibilité de sillons évoqués par la Cour des Comptes, et des terminaux qu’on pourrait imaginer mieux adaptés. Donc Thierry Le Guilloux, DG le Lorry-Rail (qui exploite la ligne Perpignan-Bettembourg), a raison de dire que « ça marche ». Pour le reste, reconnaissons avec la Cour, que le choix du terminal actuel de Bettembourg n’était pas, techniquement, le meilleur possible… et qu’il s’avère finalement coûteux. Et la Cour souligne par ailleurs « le résultat (…) déficitaire de 3,45 M€ en 2011 » de l’entreprise. Un résultat cohérent avec la perte de 2010 auditée par CFL (chemins de fer luxembourgeois) à hauteur de plus de 6 M€ qui devrait laisser la place selon l’entreprise à un retour à l’équilibre en 2012 (merci le gazole cher).

En outre, les investissements consentis sur le réseau pour permettre la mise en œuvre de l’autoroute ferroviaire auraient coûté, toujours selon la Cour, 53,5 M€ avec le terminal luxembourgeois (ce qui représenterait bien entre 2 et 3 millions d’annuité selon les conditions d’emprunt). Autrement dit « ça marche et c’est en croissance », mais c’est probablement un peu coûteux…

Reste la question de fond. Peut-on parier sur l’autoroute ferroviaire ?  Eh bien, le drame c’est que personne – sauf les politiques -  le croient vraiment. En effet, même ses promoteurs avouent que le succès – discuté, mais au moins réel en termes de trafic (50 000 semi en 2011) – de l’autoroute ferroviaire cache la misère du rail et du combiné classique en France, alors qu’ils semblent prospérer chez nombre de nos voisins.  L’autoroute ferroviaire bénéficie en France d’un succès d’estime pour des raisons sémantiques (autoroute ferroviaire fait bien comme transport vert, ou énergie douce…) et parcequ’elle permet de pousser un projet en apparence innovant dont les résultats sont visibles. Bref, un bon coup de marketing : un concept et de la visibilité, aidé il est vrai par un gabarit ferroviaire hexagonal étriqué.

Le problème, c’est que cette technique ne peut aucunement prendre une part de marché massive (ou décisive) ni répondre à une organisation industrielle du transport combiné – où finalement les boîtes demeurent l’outil idoine -. Artisanal, outils d’écrémage sympatique, ou d’entrée sur le marché, l’autoroute ferroviaire demeure une solution ne permettant pas d’obtenir la meilleure productivité. Sa « prolifération » - qui demeure lente - ne peut aucunement faire office d’une stratégie de développement capable de relever

le défi du développement durable.


J’essaie depuis quelques années d’exprimer l’évidence qu’une offre de transport combiné pesant sur la répartition modale doit à la fois offrir une capacité de transport conséquente et des fréquences, – et donc des axes dédiés - , des prix compétitifs et une qualité de service. Nous en sommes loin… Atteindre cet objectif sans investissements est impossible.

La croyance naïve en l’avenir de l’autoroute ferroviaire ne fera donc pas office de politique… et il serait urgent d’en prendre conscience.

Alors avenir ou pas la question est ailleurs !

P.S Pour information, l’objectif de  25 % de part de marché pour le rail  s’éloigne de plus en plus :  on ne dépasse guère 8 % aujourd’hui ! A quoi bon parler de doublemement ou de triplement du combiné, quand sa part de marché s’écroule aux alentours de 2 %, ce qui est quand même  moins de la moitié de la part de marché du milieu des années 1990. Comme disait un haut fonctionnaire international il y a une trentaine d’année… une part de marché inférieure au taux de croissance global du trafic routier lorsque la croissance est au rendez-vous ! 

 

**Patrice Salini est Economiste des transports, Dynamicien des systèmes,  Consultant en Transport et Ancien Professeur Associé à l’Université Paris 4 Sorbonne.

 

 

Source: http://lecercle.lesechos.fr/entreprises-marches/services/transports/221145174/autoroute-ferroviaire-a-t-elle-avenir

 

 


 

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