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4 décembre 2014 4 04 /12 /décembre /2014 18:49

 

 

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Mercredi 3 décembre 2014

Par Yves Paccalet

L’émotion soulevée par la mort du jeune Rémi Fraisse a, logiquement, contraint le Conseil général du Tarn à constater que les travaux du barrage de Sivens ne pourront pas reprendre. D’autant que l’Europe s’en mêle et conteste l’utilité autant que la légitimité du projet. Mais le Conseil général n’annonce nullement la mort du projet. Il refile la patate chaude au ministère de l’Écologie et à celle qu’on n’a quasiment pas entendue dans ce dossier, et qu’on a connue plus bavarde : Ségolène Royal. Le sous-entendu des conseillers départementaux est clair : on n’enterre rien. Si l’État l’autorise, et si des circonstances moins défavorables se présentent, on réactive le truc. Mais chut !


Les écologistes se méfient. La bagarre pourrait se rallumer dans quelques mois – d’autant que les paysans demandeurs de la retenue d’irrigation ne lâchent rien ; et que les sociétés de travaux publics, alléchées par le budget prévisionnel du chantier public, continuent de pousser en coulisse. Le barrage de Sivens appartient à une catégorie d’œuvres humaines qu’il va falloir apprendre à identifier, et qu’un sigle désigne aujourd’hui : GPII. Les Grands Projets Inutiles et Imposés… La première fois que j’ai déchiffré cet acronyme, je l’ai traduit par Grands Projets Inutiles et Idiots. Je ne vais pas mégoter sur la signification de la dernière initiale. Les GPII se caractérisent par le fait qu’ils sont imaginés pour faire plaisir à quelques-uns aux dépens de l’intérêt général, mais avec la bénédiction des autorités locales et nationales. Certains de ces chantiers ont probablement, quand même, une utilité égale ou supérieure à leur nocivité : mais ils sont rares. La plupart d’entre eux sont non seulement inutiles, mais néfastes. Dans quelques cas, ça se discute… La seule certitude est qu’ils pullulent.


Les Grands Projets Inutiles et Imposés ont au moins une qualité commune : ils permettent de lutter contre le chômage, au moins localement et pour quelque temps. Ils sont prévus à l’intérieur des frontières du territoire national et constituent donc des sources d’emplois non délocalisables. Les politiques aiment ça, les électeurs aussi. L’un de leurs inconvénients majeurs est qu’ils ressemblent comme deux gouttes d’eau aux « Ateliers nationaux » de 1848. Ils ont un côté Shadocks en train de pomper pour pomper ; ou Sapeur Camember occupé à creuser un trou pour boucher l’autre… Sur le plan économique, ils ne servent à rien. Ils ne créent ni richesse, ni réelle croissance. Mais le principal défaut des GPII réside dans leur nocivité pour l’environnement. Ils détruisent massivement et pour longtemps les espaces sauvages auxquels ils s’attaquent. Ils saccagent et polluent les paysages, l’air, l’eau et les sols. Ils anéantissent la biodiversité… On ne prévoit évidemment pas de tels méga-chantiers dans des secteurs urbanisés : on les imagine dans des lieux encore un peu préservés du macadam et du béton. Dans les forêts, les marais, les montagnes, les bocages, les rivages lacustres ou marins…


Bien des merveilles de la France se trouvent ainsi menacées. Voici ci-dessous un bref recensement des Grands Projets Inutiles et Imposés (ou Idiots), des GPII actuellement dans les cartons des administrations ou en cours de réalisation. Cette liste n’est qu’indicative, et non pas exhaustive. À mes yeux, quelques-uns de ces énormes programmes pourraient devenir utiles et défendables s’ils étaient moins mal fichus. Par exemple, les trois tunnels de la liaison ferroviaire Lyon-Turin, si (comme à l’origine) cette ligne de chemin de fer du futur était vouée au transport des marchandises (afin de réduire le trafic des camions), et non à l’instauration d’un TGV qui ferait gagner une heure aux voyageurs entre Paris et Milan…


1 - Le center parc de Chambaran

À Roybon, en Isère, le groupe Pierre et Vacances entend créer un immense parc de loisirs dans la magnifique forêt de Chambaran, en anéantissant des hectares de sylve humide. Les commissaires de l’enquête publique ont émis un avis défavorable, le Comité national pour la Protection de la Nature (le CNPN) aussi, mais l’Administration préfectorale et le président du Conseil général, André Vallini, ont manifesté leur volonté de passer outre.

2 - L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes

Depuis des décennies, le projet de nouvel aéroport de Nantes et de son agglomération soulève la tempête. Pour les écolos, « NDDL » constitue un sujet brûlant – à l’égal de ce que furent le Larzac, Fessenheim, Plogoff ou Creys-Malville dans les années 1970-1990. C’est à « NDDL » qu’on a notamment vu, chez les militants verts, naître le concept de « ZAD » – de « Zone à défendre ». Tout un programme !

3 - La Ferme des 1 000 vaches

Dans la Somme, une méga-installation agro-industrielle, grâce à laquelle un millier de vaches laitières produiraient non seulement des millions de litres de lait, mais (par méthanisation du fumier) des mégawatts d’électricité. Les petits agriculteurs de la Confédération Paysanne et l’association Novissen (« Nos villages se soucient de leur environnement ») ont pris la tête de la révolte.

4 - Le stade de l’Olympique Lyonnais

Quand le football mobilise le foncier lyonnais et quémande l’argent public sous forme de subventions…

5 - La ferme des Bouillons

Près de Rouen, elle est menacée de démolition par Immochan, la branche immobilière du groupe de grands magasins Auchan.

6 - Le poulailler des 250 000 volailles

Au nord de Beauval, près d’Amiens, dans la Somme. À l’origine, on évoquait le chiffre de 320 000 pondeuses !

7 - La centrale à bois de Gardanne

Le groupe allemand E.on veut remplacer l’un des réacteurs de sa centrale à charbon, dans les Bouches-du-Rhône, par une installation qui consomme du bois. Au risque de réclamer tellement de billes que les écologistes redoutent une dévastation des fragiles forêts méditerranéennes environnantes…

8 - La ZAC de la plaine de Montesson

Dans la boucle de la Seine, les élus locaux envisagent d’étendre de 8 hectares la zone d’activité commerciale (ZAC) existante, ce qui saccagerait l’une des dernières grandes étendues de maraîchage en Île-de-France.

Et encore, et encore : 

Le Village Décathlon (« Oxylane ») à Orléans.
Le complexe immobilier et commercial intitulé EuropaCity (250 000 mètres carrés, une piste de ski intérieure) dans le triangle de Gonesse (Val-d’Oise).
Le vieux projet (qui ressuscite périodiquement dans la bouche des élus locaux) de jonction complète entre Grenoble et Sisteron par l’autoroute A 51.
Le grand projet de canal Seine-Nord-Europe.
Le doublement de l’autoroute de la Côte-d’Azur.
Le canal Rhin-Rhône (lui aussi à éclipses).
Etc.

 

 

Source : Yves-paccalet.fr

 

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