Face à la contamination radioactive, Tepco a entrepris diverses opérations pour en limiter l'impact. Cependant, il semble que chaque progrès révèle de nouveaux risques et la communication de l'opérateur reste maladroite.
Evenement | 06 Avril 2011 | Actu-Environnement.com
Progressivement, Tepco, l'opérateur de la centrale de Fukushima Daiichi, recourt à l'aide internationale pour déployer les grands moyens autour du site de la catastrophe. À titre d'exemple, l'AFP annonce que sept des plus grandes pompes à béton du monde ont été envoyées des Etats-Unis, d'Allemagne et de Chine pour vaporiser de l'eau sur les combustibles usés. Ces pompes, dotées de bras articulés, peuvent être commandées à distance et sont utilisées pour injecter l'eau jusqu'à 70 m de haut. L'entreprise allemande, Putzmeister, spécialisée dans ce type de matériel hors norme, a rappelé à l'AFP que des pompes à ciment semblables furent utilisées lors de la catastrophe de Tchernobyl. Un porte-parole a par ailleurs indiqué que les responsables de Tepco "n'ont pas dit pour l'instant s'ils voulaient injecter du ciment. Mais c'est une option qu'ils peuvent choisir sans avoir à ajouter d'autres équipements."
Du côté des réacteurs, si la température a été stabilisée, grâce à l'injection d'eau à un rythme régulier de 6 à 9 m3 par heure depuis plusieurs jours, la situation "reste très sérieuse" selon les termes utilisés par l'Agence internationale à l'énergie atomique (AIEA).
Preuve de la précarité de la situation, chaque progrès est suivi de l'apparition de nouveaux problèmes. Ainsi, ce mercredi, alors que Tepco annonce avoir mis un terme à une fuite d'eau vers l'océan, il indique par ailleurs qu'il va injecter de l'azote dans l'enceinte de confinement du réacteur 1 pour limiter le "risque immédiat" d'explosion lié à la présence d'hydrogène.
Limiter la propagation de la radioactivité
Pour limiter la dispersion dans l'atmosphère des poussières radioactives, Tepco a commencé à tapisser le sol de la centrale avec une résine permettant de les fixer. Dimanche, l'AFP indiquait que l'opérateur avait vaporisé 2.000 litres de cette résine sur 500 m2 autour du réacteur 4. Tepco compte en vaporiser 60.000 litres en deux semaines.
De même, après plusieurs tentatives infructueuses, les employés de Fukushima ont réussi mardi soir à colmater la brèche de 20 cm découverte sur une fosse technique et par laquelle de l'eau hautement radioactive s'écoulait dans l'océan Pacifique. Pour cela, ils ont injecté environ 6.000 litres de silicate de sodium, un produit chimique, connu sous le non de "verre liquide", et utilisé entre autre pour solidifier les parois des forages afin d'éviter qu'ils ne s'affaissent. Selon l'opérateur, cette brèche entraînait un débit continu estimé à 7 m3 par heure et expliquerait les niveaux de radioactivité très élevés détectés dans l'océan à proximité de la centrale. Si la fuite est maintenant colmatée, l'Agence japonaise de sûreté nucléaire (NISA) a néanmoins exigé de Tepco qu'il surveille attentivement la fosse pour s'assurer que l'eau ne s'échappe pas en d'autres points.
Reste qu'environ 60.000 m3 d'eau nettement plus radioactive, doivent être évacués du site pour que l'alimentation électrique des circuits de refroidissement puisse être rétablie. Pour cela, Tepco envisage un recours à différentes solutions : le stockage dans de nouvelles citernes sur le site ou dans des navires-citernes, voir des pétroliers reconditionnés, ou le traitement grâce à l'usine flottante russe Sourouzane, basée actuellement à Vladivostok et utilisée pour solidifier l'eau contaminée lors du démantèlement de sous-marins nucléaires. S'agissant de la solidification de l'eau, Reuters indique que Tepco a prévenu que l'opération sera longue car la barge "permet de solidifier 35 m3 de liquide contaminé par jour", précise l'agence de presse.
Le déversement de l'eau dans l'océan inquiète les pays voisins
Cependant, ces progrès ne mettent pas totalement fin à la contamination puisque que l'opérateur de Fukushima a débuté, lundi 4 avril, le déversement dans l'océan 11.500 m3 d'eau radioactive. Le niveau de radioactivité de cette eau est estimé à 100 fois la norme, ce qui est présenté par l'opérateur de Fukushima comme "relativement faible." L'opération devrait s'étaler sur cinq jours et les déversements auront lieu au large à environ 250 km de la centrale afin que la dispersion des éléments radioactifs ait un impact limité sur les côtes japonaises. Elle vise à libérer les réservoirs présents sur le site afin d'y stocker de l'eau beaucoup plus contaminée, pour un volume de 10.000 m3, et à évacuer 1.500 m3 accumulés dans les sous-sols à proximité des réacteurs 5 et 6.
Poisson : première trace de contamination Afin de rassurer les Japonais, le gouvernement nippon a établi des seuils de radioactivité pour la consommation des produits de la mer. Les limites sont fixées à 2.000 becquerels/kg pour l'iode 131 et de 500 becquerels pour le césium 137, des seuils identiques à ceux appliqués aux légumes. Lundi, Kyodo révélait qu'un jeune lançon (aussi appelé équille) pêché au nord de la préfecture d'Ibaraki présentait un niveau de césium radioactif supérieur à la norme.
Une initiative qui a soulevé, de vives critiques de la part de la Fédération nationale des coopératives de pêche (NFFC) qui a qualifié d'"outrage" la décision prise par Tepco et les autorités sans concertation préalable. Du côté de Tepco, un porte-parole en larme a déclaré à la télévision japonaise ne pouvoir "exprimer combien [Tepco est désolé]."
D'autre part, à l'annonce de l'opération, la Corée du Sud s'est inquiétée et a demandé au japon l'autorisation de vérifier le taux de radioactivité de l'eau sur les lieux du déversement. De même, un membre de l'Académie des sciences russe, Boris Preobrazhensky, s'est lui inquiété des risques supportés par les poissons migrateurs et de l'impact pour les pêcheries russes. L'agence Kyodo rapporte que Takeaki Matsumto, ministre japonais des affaires étrangères, est monté au créneau pour assurer que le déversement de cette eau n'est pas contraire aux traités internationaux. En particulier il a assuré que la mesure ne viole pas la Convention sur la notification rapide d'un accident nucléaire, signé en 1986. Le ministre a expliqué avoir informé l'AIEA, plutôt que les pays riverains, conformément à la convention. De même le gouvernement dit faire tout son possible pour limiter la contamination, conformément à la Convention sur les droits de la mer de 1982.
Les premières indemnisations vont être versées
Enfin, la relative stabilisation de la situation sur le site de la catastrophe n'a pas mis fin aux critiques envers Tepco. Pire, certaines initiatives prises par l'entreprise semblent être particulièrement contre-productives, à l'image d'une première offre d'indemnisation proposée à certaines communautés touchées. Par exemple, la ville de Namie a refusé un premier chèque de 20 millions de yens (environ 163.0000 euros) au motif que cette somme n'est qu'une aumone au regard des dommages subis. Avec environ 20.000 habitants, la somme proposée correspond à 8 euros par habitant.
Face à la bronca, Tepco aurait décidé, selon la presse japonaise, de verser un million de yens (environ 8.185 euros) à chaque famille évacué. Cette première indemnisation concernerait les 80.000 personnes évacuées de la zone de 20 km autour de la centrale. Par ailleurs, l'AFP précise que le ministre du Commerce, Banri Kaieda, a souhaité que cette indemnisation, qui ne sera pas définitive, soit versée "rapidement."
S'agissant du montant total des indemnisations, un analyste de Bank of America – Merrill Lynch, a estimé la semaine dernière qu'il pourrait atteindre le total de 10.000 milliards de yens, soit environ un prés de 82 milliards d'euros.
Philippe Collet