© Marco2811 En France, les modes alternatifs au routier ne dépassent pas 11% (dont 8,8% pour le ferroviaire), selon le CGDD
L'avenir du fret ferroviaire continue de susciter le débat. " L'ouverture à la concurrence, telle qu'elle a été pratiquée pour le fret ferroviaire, n'a pas contribué à l'essor de ce mode de transport au sein de l'Union européenne", estime notamment Roland Ries (sénateur socialiste du Bas-Rhin) dans sa résolution à propos du quatrième paquet ferroviaire, examinée au Sénat mercredi 17 juillet.
Quels sont alors les facteurs de réussite du transport ferroviaire de marchandises ? Au niveau national, le Commissariat général au développement durable (CGDD) a réalisé, pour tenter de répondre à cette question, une analyse croisée des contextes en France et en Allemagne. Cette dernière serait perçue comme un exemple pour le dynamisme de son transport ferroviaire de marchandises.
Le premier constat du CGDD : si la part modale du ferroviaire chute dans les deux pays en 1998, première année de la crise, l'Allemagne, grâce à une forte présence de son fret ferroviaire à l'international, a pu bénéficier d'une forte croissance ces 10 dernières années. En France, en revanche, la baisse s'est poursuivie jusqu'à atteindre en 2010 son niveau historique le plus bas. Alors qu'en Allemagne, les modes alternatifs au routier représentent 30% des tonnes/km, en France, ils ne dépassent pas 11% (dont 8,8% pour le ferroviaire).
"Les pertes découlent notamment d'un problème de surcapacité de l'appareil de production : celui-ci étant relativement rigide, il est difficile de l'adapter rapidement à une baisse non anticipée de volume de trafics", analyse le CGDD.
La crise n'est pas la seule fautive
Les effets de la crise n'expliquent pas totalement le recul marqué du fret ferroviaire en France. En effet, selon le rapport, en 2010, le trafic international reprend en France et en Allemagne. Pourtant, tandis que la part du trafic international sur l'ensemble du trafic de marchandises ferroviaires augmente en Allemagne, il continue de décroître en France (38,8% de part du trafic international sur l'ensemble ferroviaire en Allemagne en 2010, contre 19% en France).
"Les évolutions divergentes des secteurs ferroviaires de marchandises en France et en Allemagne entre 2004 et 2007 s'expliquent principalement par des effets de compétitivité intermodale différentielle alors que l'évolution structurelle de l'économie n'a eu qu'un impact mineur", souligne le CGDD.
Dès 1994, l'opérateur historique en Allemagne, Deutsche Bahn (DB), est confronté à des concurrents : les autres entreprises comptent pour près de 15% des trafics de marchandises par ce mode dès 2005 et pour 25% en 2010. En France, l'ouverture à la concurrence a été plus tardive mais les acteurs ont gagné rapidement du terrain. La part de marché des concurrents du groupe SNCF est ainsi passée de 8 % en 2008 à plus de 20 % en 2011.
"Le trafic de marchandises par le ferroviaire hors groupe SNCF n'a pas connu de récession en 2009 et en 2010, alors que le trafic SNCF a reculé de manière importante, note le CGDD. Si le trafic de la SNCF n'avait pas connu de recul en 2010, avec la croissance des nouveaux entrants, le fret ferroviaire français aurait pu profiter de l'impulsion économique de 2010 qui a profité aux autres secteurs par rapport à 2009".
Des coûts plus importants en France
En ne regardant que les opérateurs historiques, le rapport montre qu'entre 2004 et 2010, le produit moyen des tonnes-kilomètres facturées par la SNCF a augmenté de 10 % alors que celui de la DB a au contraire diminué de près de 10 %.
Le fret ferroviaire de la SNCF n'a pas atteint l'équilibre budgétaire depuis 1998. Le coût moyen du fret ferroviaire est supérieur au produit moyen pour la SNCF (en 2009, l'écart atteint 50%).
Dans le même temps, la DB a maintenu son équilibre budgétaire. "Ce constat est d'autant plus inquiétant que les péages d'infrastructures ferroviaires français, en dessous du niveau allemand, pourraient être amenés à augmenter à terme", alerte le CGDD.
Selon le document, les estimations des coûts du transport routier de marchandises en France et en Allemagne seraient pourtant semblables. "La différence d'évolution du fret ferroviaire dans les deux pays est vraisemblablement liée à la compétitivité hors prix de ce mode et résulte d'une combinaison complexe de facteurs économiques, logistiques et industriels parmi lesquels la fiabilité du service de transport, la qualité des sillons et l'équilibre des priorités marchandises/voyageurs", estime le CGDD.
Concernant l'entretien, Jean-Marc Ayrault a annoncé le 9 juillet le lancement d'un programme d'investissement annuel de 5 milliards d'euros pour la modernisation et le développement des infrastructures et services de transports.
Les programmes européens Marco Polo inefficaces
Au niveau européen, un rapport spécial de la Cour des comptes européenne recommande d'arrêter les programmes d'aides, notamment au fret ferroviaire Marco Polo.
Depuis 2003, ces derniers financent en effet des projets dont l'objectif est de transférer du fret de la route vers le chemin de fer, la navigation intérieure et le transport maritime à courte distance.
"Pour dire les choses simplement, les programmes étaient inefficaces dans la mesure où ils n'ont pas atteint leurs objectifs, où ils n'ont eu qu'une incidence limitée sur le transfert modal du fret routier, et où il n'existait pas de données permettant de déterminer la réalisation des objectifs de la politique (par exemple, les avantages environnementaux)", déplore Ville Itälä, auteur du rapport.
Le document montre que ces programmes ont provoqué un effet d'aubaine : 13 des 16 bénéficiaires audités par la Cour ont confirmé qu'ils auraient lancé et assuré le service de transport même en l'absence de subvention. Autre reproche de la Cour : l'insuffisance du nombre de projets de qualité proposés liée au fait, selon elle, que les programmes n'étaient pas conçus pour les entreprises.
"En raison du manque de souplesse des responsables et des difficultés de mise en œuvre, les bénéficiaires décidaient, soit de ne pas mettre en oeuvre les projets approuvés, soit d'y mettre fin prématurément, soit encore de supprimer les services financés ou de réduire leur portée une fois le projet achevé", dénonce le rapport.
Un financement subordonné à une étude d'impact ?
Enfin, le Cour reproche à la Commission européenne de ne pas avoir réalisé de véritable étude de marché pour évaluer les chances de réalisation des objectifs de la politique, ni de tenir compte des nouvelles évolutions. Elle préconise qu'à l'avenir ce type de financement soit subordonné à la réalisation d'une évaluation d'impact ex ante qui montre l'existence éventuelle d'une valeur ajoutée de l'UE et son importance.
Dans cette optique, elle conseille d'initier une étude de marché détaillée de la demande potentielle, et de prendre en compte l'expérience et les meilleures pratiques des régimes de soutien nationaux similaires des États membres.