Depuis quelque temps, la SNCF est contrainte de se remettre en question. Confrontée à l'effondrement de la rentabilité de son TGV, qui s'apprête à fêter ses trente ans, l'entreprise ferroviaire a dû engager une réflexion pour revoir en profondeur son modèle économique. Explications.
21/09 | 10:30 | mis à jour le 22/09 à 10:37 | Les Echos |
L'âge d'or financier du TGV est bel et bien révolu. Tel est le constat que dresse la SNCF début 2010. La branche grandes lignes SNCF Voyages, jusqu'alors vache à lait du groupe, voit sa rentabilité s'effondrer. Pendant des années, le cash dégagé par l'activité reine permettait de colmater les brèches dans les autres activités. C'est terminé. Pis, «le TGV n'a même plus assez de cash pour financer ses propres investissements», constate David Azéma, le directeur général Stratégie et Finances de l'entreprise. La compagnie ferroviaire, qui a enregistré en 2009 une perte nette de 980 millions d'euros, est contrainte de revoir d'urgence son modèle économique.
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La facture des péages pèse sur l'activité
Si la rentabilité des liaisons à grande vitesse se dégrade, c'est en grande partie à cause des péages payés par la SNCF à Réseau Ferré de France (RFF) pour faire circuler les TGV sur son réseau. Ces péages voient leurs tarifs s'envoler d'année en année. En septembre 2010, le gestionnaire du réseau ferroviaire dévoile ses prix pour 2012: au programme, 2,5% de hausse pour les TER et le fret, 4,7% pour les TGV. Au final, entre 2008 et 2012, la facture de la SNCF devrait passer de 1,257 milliard d'euros à 1,8 milliard, soit un bond de 43%. Et encore, RFF a revu à la baisse ses ambitions.
En septembre 2011, le gestionnaire du réseau ferré national passe de nouveau à l'offensive: il plaide cette fois pour une hausse moyenne des péages de 7,4% sur les TGV. Les négociations avec la SNCF promettent d'être particulièrement délicates. Quelques jours plus tard, à l'occasion du lancement des Assises du ferroviaire censées donner un nouveau souffle au rail hexagonal, l'Elysée fait savoir qu'il est favorable à une stabilisation des péages après 2013 pour donner un peu d'air à la SNCF et lui permettre de renouveler son matériel roulant.
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Certaines dessertes sont menacées
Ces coûts supplémentaires poussent la SNCF à revoir sa copie pour modifier en profondeur son offre TGV sur ses liaisons les moins rentables. En janvier 2010, elle envisage de supprimer ou d'alléger certaines dessertes déficitaires. Dans le viseur, essentiellement les liaisons de province à province qui ne passent pas par Paris, comme Lille-Strasbourg, Bordeaux-Strasbourg ou encore Nantes-Strasbourg. Les élus des régions concernées sont inquiets.
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Dans une lettre de mission adressée par Nicolas Sarkozy à Guillaume Pepy à la mi-février 2011, le chef de l'Etat demande une «meilleure articulation des dessertes TGV et TER (...) pour éviter les doublons et les dépenses inutiles». Une façon de dire que le TER pourrait remplacer le TGV pour les dessertes en bout de ligne sur les liaisons peu rentables, un projet caressé par la SNCF. A suivre...
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Cela n'empêche pas, cependant, que les projets de nouvelles lignes se remettent à fleurir un peu partout sur le territoire. En 2011, une nouvelle ligne doit ainsi être inaugurée en décembre (la branche est du Rhin-Rhône, entre Dijon et Belfort), 4 projets sont ou vont être lancés officiellement (Tours-Bordeaux, Le Mans-Rennes, Nîmes-Montpellier et la 2e phase du TGV Est) et deux tronçons vont faire l'objet d'un débat public (Paris-Clermont-Lyon qui doit doubler la liaison actuelle vers la capitale des Gaules, et Paris-Normandie). Une fuite en avant vers toujours plus de TGV qui ne paraît guère tenable. C'est ce que souligne, en mai 2011, le député UMP Hervé Mariton. Dans un rapport parlementaire, il estime qu'il va falloir revoir à la baisse l'ambitieux programme voulu par Jean-Louis Borloo, prévoyant une quinzaine de nouveaux tronçons TGV dans les trente ans à venir. Autrement, l'équilibre financier de la SNCF et celui de RFF risqueraient d'être mis en péril.
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La politique tarifaire en question
Pouvoir fixer librement les prix des billets de TGV? Pour la SNCF, c'est un début de piste face à un horizon qui s'obscurcit. Actuellement, les choix du groupe public en la matière sont entravés par le tarif de référence fixé chaque année par le gouvernement: les prix ne peuvent varier que dans un intervalle limité autour de ce point fixe. La SNCF souhaite pouvoir jouer sur un écart bien plus important. L'idée serait à la fois de développer une offre «low-cost» et d'augmenter les prix des billets première classe sur certaines destinations. L'entreprise de transports négocie avec les pouvoirs publics qui ont donné leur accord de principe. Pour elle, cette «optimisation commerciale» devrait lui permettre d'être mieux armée face à l'arrivée de la concurrence.
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En attendant la concurrence...
Car, justement, la SNCF est entrain de perdre son monopole. Dès décembre 2009, le marché des liaisons ferroviaires internationales a été ouvert à la concurrence, mais ce n'est que fin octobre 2010 que Veolia et Trenitalia se décident à venir défier l'entreprise française sur ses terres. L'offensive est timide: le duo va commencer avec des trains de nuit, mi-2011, avec des liaisons Paris-Milan-Venise et Paris-Florence-Rome, avant de lancer une liaison classique Lyon-Turin, début 2012. Il n'envisage pas, pour le moment, de lancer de liaisons TGV, notamment à cause du manque de visibilité dont il dispose sur l'évolution des tarifs des péages de RFF. Mais ensuite, de nouveaux entrants risquent de se lancer. Les liaisons nationales vont à leur tour être ouvertes à la concurrence. La SNCF devra plus que jamais être prête à défendre l'équilibre économique de son TGV.
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Source :http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/auto-transport/dossier/0201025221560-la-fin-de-l-age-d-or-du-tgv-138117.php