Environnement Publié le mercredi 26 février 2014
Lasses d'attendre le projet de loi de programmation sur la transition énergétique et craignant un texte moins ambitieux que prévu, plusieurs associations environnementales ont présenté ce 26 février leur propre version du projet de loi.
La future loi sur la transition énergétique, censée esquisser une France moins énergivore et moins nucléaire, suscite des inquiétudes croissantes chez les écologistes comme chez les ONG, qui craignent un projet au rabais et ont présenté ce 26 février leur propre version du texte. Plus de sept mois après la fin du grand "débat national" initié par le gouvernement, "la rédaction du projet de loi patine", ont estimé les représentants de neuf associations, parmi lesquelles Réseau action climat, Cler, France Nature Environnement (FNE), Ecologie sans frontière et le Centre national d'information indépendante sur les déchets (Cniid). La troisième réunion, programmée le 27 février, d'une commission spécialisée devait apporter des précisions sur le contenu de la future loi voulue par François Hollande comme "l'un des textes les plus importants du quinquennat". Mais il n'y aura "rien sur la table", ont appris les associations membres de cette commission, qui ont choisi de prendre les devants en portant leur propre texte baptisé le "VRAI projet de loi". L'impatience grandissante des associations rejoint celle des alliés écologistes du gouvernement qui ont fait de cette loi, qui doit être présentée en juin en Conseil des ministres, le "marqueur de l'année et le marqueur du quinquennat".
Nombreux "tiraillements"
Ces inquiétudes tiennent aussi à des questions de calendrier, seul un plan très général ayant été publié en décembre. Les détails de la future loi continuent, eux, de donner lieu à des "tiraillements" entre ministères en dépit des mois de débats organisés en 2013 entre experts, élus, entreprises, syndicats et associations, regrettent les ONG. "Les associations ont gagné la bataille du long terme, mais le Medef a gagné la bataille de demain matin", résume Maryse Arditi, spécialiste énergie chez FNE. Les neuf associations estiment que le plan du projet de loi, diffusé en décembre par le gouvernement, ne reprend que la moitié des propositions adoptées en juillet au terme du débat national. D'où la volonté, dans leur "VRAI projet", de rappeler les "principales mesures indispensables" à cette future loi. "On n'invente pas la poudre, 80% de ce qu'on propose étaient des mesures consensuelles en sortant du débat", a expliqué Raphaël Claustre, directeur du Cler - Réseau pour la transition énergétique.
La future loi doit d'abord, pour les ONG, fixer les objectifs et la trajectoire à adopter en matière de politique énergétique. Cinq objectifs doivent ainsi être être inscrits dans le texte, estiment-elles : réduire d'au moins 45% des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 ; baisser la consommation énergétique finale d'au moins 35% d'ici 2030 pour atteindre l'objectif de -50% en 2050, le cap fixé par le président Hollande lors de la conférence environnementale en septembre dernier ; hisser d'ici 2050 l'ensemble du parc bâti à haut niveau de performance thermique avec, dès 2017, 500.000 rénovations par an au niveau "BBC Rénovation" en une fois ou en plusieurs étapes ; atteindre en 2030 au moins 45% d'énergies renouvelables dans la consommation d'énergie ; limiter d'ici 2025 la production d'électricité nucléaire à un maximum de 50% de la consommation nationale d'électricité. Pour tenir cet engagement de François Hollande, les ONG voudraient que la loi fixe à 20 le nombre de réacteurs nucléaires à fermer d'ici 2020. Mais elles craignent que cette ambition soit revue à la baisse sous la pression d'EDF, exploitant des 58 réacteurs français, en dépit des assurances données le 25 février par le ministre de l'Ecologie et de l'Energie, Philippe Martin, qui a balayé les "rumeurs" évoquant un possible report de cet objectif à 2028.
Le projet des associations préconise aussi la sobriété énergétique dans l'industrie et les équipements, avec par exemple une modification du Code des marchés publics pour faire de la consommation d'énergie des produits un critère de choix obligatoire et significatif dans les achats publics. Pour atteindre un haut niveau de performance énergétique des bâtiments, elles proposent de "renforcer l'information des ménages et la formation des entreprises du bâtiment via un grand programme mis en œuvre au niveau territorial et coordonné au niveau national dans une logique de service public". Elles veulent aussi rendre obligatoire la mise en œuvre de l'isolation à l'occasion de grands travaux de maintenance des bâtiments comme la rénovation de la toiture ou le ravalement de façade. Autres préconisations : créer un instrument unique de financement de la rénovation énergétique des bâtiments en remplacement progressif des nombreux dispositifs incitatifs existants (crédit d'impôt développement durable, éco-prêt à taux zéro, aides de l'Anah, certificats d'économie d'énergie…) et intégrer la performance énergétique dans les critères de décence et de salubrité des logements afin de retirer progressivement les "passoires thermiques" du marché.
Mesures volontaristes pour les transports
Le texte propose aussi des mesures pour le secteur des transports, premier contributeur aux émissions de gaz à effet de serre en France : meilleure articulation des politiques de transport et d'urbanisme, possibilité pour les collectivités d'augmenter les aides fiscales à l'acquisition d'un logement neuf en fonction de critères de desserte par les transports en commun et de proximité des services, réorientation des investissements dans les infrastructures au profit des transports collectifs, du vélo, de la marche et de l'intermodalité, lancement d'appels à projets territoriaux de soutien aux nouveaux services de mobilité et d'organisation du travail, réduction des vitesses sur les routes et généralisation du 30 km/h en ville. Le projet des associations veut également donner la priorité aux énergies renouvelables et propose pour cela de simplifier et d'accélérer les procédures administratives pour l'installation de moyens de production d'EnR (généralisation du permis unique pour l'éolien et le biogaz, par exemple), de pérenniser les tarifs d'achat ou encore de ne pas soutenir sur le territoire national ou à l'extérieur de nouveaux projets d'énergies fossiles conventionnelles et non conventionnelles. Les ONG détaillent également des mesures développer de nouveaux emplois et financer cette transition (création d'une institution financière dédiée qui prêterait, à des taux réduits, à l'ensemble des acteurs publics et privés pour des projets de production d'énergie renouvelable, de rénovation de bâtiments ou de transports en commun). Enfin, leur projet entend donner un nouveau rôle à l'Etat, aux collectivités et aux citoyens : réalisation de plans Climat Energie territoriaux (PCET) sur tous les territoires, à l'échelle des bassins de vie et sans doublons, programmes d'investissement dans les réseaux d'énergie élaborés et mis en œuvre conjointement entre les collectivités concédantes des réseaux et les distributeurs, animation et mise en réseau des PCET au niveau régional pour garantir leur cohérence, etc.
Anne Lenormand avec AFP