Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
2 décembre 2012 7 02 /12 /décembre /2012 11:07

 

 

Nicolino-Fabrice.jpg

jeudi 29 novembre 2012

Par Fabrice Nicolino

Cet article a été publié dans Charlie-Hebdo du 21 novembre 2012

Avant de vous laisser avec ce papier, un commentaire s’impose : vous ne trouverez la plupart des informations qu’il contient nulle part ailleurs. C’est un fait. Qui me fait réfléchir à cette rude question : qu’est donc une information utile ? Et par voie de conséquence : à quoi sert de déterrer des faits ? Notez que ce ne sont que des questions, pas des conclusions. Voici l’article :


Carton plein pour Delphine Batho, ministre de l’Écologie. Pour organiser un débat sur l’énergie, elle prend quatre partisans du nucléaire et du pétrole, plus une anguille politicienne. Chapeau bas. Vous ne connaissez pas Laurence Tubiana ? C’est un tort, les gars et les filles. Les socialos, à peine au pouvoir, avaient promis une grande discussion publique sur ce que les gens sérieux appellent la « transition énergétique ». C’est-à-dire le passage d’une économie menée par le charbon, le pétrole, le gaz et le nucléaire à une autre, encore dans les limbes, où domineraient les renouvelables, à commencer par le solaire et l’éolien. On appelle cela le « débat sur l’énergie ». Ce que les socialos avaient oublié de dire, c’est que l’arnaque était au programme. Résumons : la ministre de l’Écologie, Delphine Batho, annonce le 10 novembre la composition d’un comité de pilotage comprenant cinq « personnalités ». Citons Anne Lauvergeon, ancienne patronne d’Areva, militante du nucléaire. Puis Pascal Colombani, ancien administrateur du Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA), militant du nucléaire. Enfin Bruno Rebelle, ancien de Greenpeace et remarquable anguille.


Rebelle a fait la campagne de Royal en 2007, puis tenté de torpiller en 2008 la candidature Voynet l’écolo à Montreuil, où il a figuré sur la liste municipale de Brard, ancien stalinien, tout en animant un microcourant interne au PS. Il faut suivre. Après avoir tenté de couler Voynet, il rejoint Europe Écologie-Les Verts (EELV) en juillet 2009, juste après le triomphe des écolos aux élections européennes. Un pur hasard, sûr. Mais début 2012, alors que se profile la victoire de Hollande, il retourne au PS. Quelle énergie, hein ? Bon, et les deux autres ? Voyons le cas Tubiana. C’est un monument du « développement durable », oxymoron bien connu. Madame Tubiana est de tous les comités Théodule, en France comme ailleurs, et elle est férocement de gauche, puisqu’elle a été conseillère de Jospin quand celui-ci était Premier ministre en 1997. Parmi tant d’autres breloques, elle est directrice de l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales), sorte de gros think tank associé à Sciences Po. Racontons à ce propos une belle histoire, qui se passe le 19 octobre 2007 à Paris.


Ce jour-là, l’Iddri invite pour une conférence celui qu’on appelle au Brésil le « roi du soja », Blairo Borges Maggi en personne. Sa boîte, Grupo André Maggi, est le plus grand producteur de soja dans le monde. Or quelques semaines auparavant, le journal Le Monde a mis en cause Maggi dans la déforestation massive de l’Amazonie, et l’heure a sonné d’une grande opération de « communication ». Grâce à l’Iddri. Précisons que le soja, transgénique en l’occurrence, était inconnu au Brésil vers 1970, et qu’il y occupe aujourd’hui des dizaines de millions d’hectares. Au détriment de la forêt ? Et des Indiens, et des petits paysans ? Devine. C’est ce philanthrope que madame Tubiana invite à faire sa pub à Paris, le 19 octobre 2007, sous les applaudissements de l’Iddri. Titre de la conférence : « Production agricole, commerce et environnement, le cas de l’État du Mato Grosso ». À ce stade, posons cette horrible question : qu’est donc l’Iddri ? Qui paie les raouts, les conférences, les billets d’avion ? Madame Tubiana elle-même ? Peut-être, ou pas. On trouve dans le collège des fondateurs les entreprises suivantes : EDF, EpE, GDF Suez, Lafarge, Saint-Gobain, Veolia Environnement. Et dans EpE, d’excellents garçons comme Bayer, BASF, Vinci, EADS, et même Total. Madame Tubiana est bien entourée, et peut noblement piloter le débat sur l’énergie, pas ? Reste le cinquième personnage du comité Batho. Lauvergeon, Colombani, Rebelle, Tubiana : qui est le dernier ? Eh bien, il se nomme Jean Jouzel, et il est climatologue.


Est-ce tout ? Non. Il siège au conseil d’administration de l’Iddri, en compagnie de Total – le pétrole -, EDF – le nucléaire – et GDF Suez – le gaz. Pour ne rien vous cacher, il est même président de l’Iddri que dirige madame Tubiana. Est-ce tout ? Non. Il a fait toute sa carrière scientifique au Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA). Cette fois, on y est, le compte est bon.


 

Source: fabrice-nicolino.com

 

Partager cet article
Repost0

commentaires