Écrit par : Claire Goujon-Charpy dans nature, jardin le 18 juin 2009
Arras, Besançon, Montpellier, St-Mandé, les villes installent des ruches pour voler au secours des abeilles qui meurent par milliards. Dérisoire ? Dérisoire comme l'acte minuscule de pollinisation d'une plante par une seule abeille, et qui multiplié nourrit le monde.
360 000 nouvelles habitantes dans la ville de Saint-Mandé ? C‘était ce dernier week-end avec l‘installation de six ruches et leurs milliers d’occupantes aux abords de la voie de RER, à une encablure du périphérique parisien mais au milieu d‘une jachère de fleurs mellifères. Besançon faisait au même moment sa troisième récolte de miel sur une esplanade de la cité. Et dans les jours précédents, des ruchers étaient installées à Montpellier, Courdimanche et Arras (sur le siège du Conseil général du Pas-de-Calais). Autant de lieux qui rejoignent l’opération « Abeille, sentinelle de l’environnement », lancée par l’Union Nationale de l’Apiculture française (UNAF) pour réagir face à la mortalité alarmante des abeilles et favoriser leur installation en ville, où elles se plaisent.
Plus de 14 milliards d'abeilles ont péri en France depuis 1997. Plus de 1000 exploitations apicoles ferment chaque année. Johan Péron, secrétaire général de l'Union nationale de l'apiculture française ( UNAF), met en cause nommément les pesticides neurotoxiques (notre vidéo), alors que l'Agence française de sécurité sanitaire réfute le rôle prépondérant des pesticides (il faut quand même rappeler que les pesticides sont fait pour tuer les insectes, ndlr). La production nationale de miel, qui était de près de 33 000 tonnes en 1995 est tombée à 20 000 tonnes en 2008. Les 2/3 des pollens, abondants il y a à peine 50 ans, ont disparu. La situation mondiale n’est pas plus réjouissante. Et il y a fort à parier que l’abeille sauvage, plus vulnérable, soit davantage encore menacée. Il est donc devenu indispensable de revenir à une agriculture durable et raisonnable.
Les villes, plus accueillantes que les champs...
Cela peut paraître paradoxal, mais aujourd’hui, les abeilles vivent mieux en ville qu’en milieu rural. Les raisons ? L’absence de traitements phytosanitaires lourds, une température légèrement supérieure à celle de la campagne et un enchaînement de floraisons souvent plus régulier qui permet un butinage plus long et sur une grande diversité de fleurs.
Face à ce constat, l’UNAF a lancé en 2005 l’opération « Abeille, sentinelle de l’environnement », qui vise à placer l’abeille au cœur des villes et qui reçoit le soutien d‘un nombre croissant de collectivités et d‘entreprises. Saint-Mandé, Montpellier et Courdimanche rejoignent donc Besançon, Nantes, Lille et bien d’autres partenaires public et privés qui tous, signent une charte par laquelle ils s’engagent à ne pas utiliser de produits phytosanitaires toxiques dans leurs parcs, jardins ou terrains. Les signataires s’engagent également à favoriser l’implantation de végétaux à vocation pollinifère et nectarifère et à favoriser la connaissance de l‘abeille et de l‘apiculture.
Les lieux où il est possible d’installer des ruches en ville sont multiples : toits, terrasses, espaces verts, jardins publics… L’analyse du miel obtenu ainsi reflète la grande diversité de la flore urbaine. Au cours d'une année, quatre miels différents peuvent être récoltés sans transhumance sur une même ruche. Selon la période, le cerisier, l'acacia ou le marronnier, par exemple, sera dominant.
Collectivités locales, jardiniers amateurs : à vous de jouer
Dans le même esprit que « l‘abeille, sentinelle de l‘environnement », la démarche « zéro pesticide » soutenue par l’Agence de l’Eau du bassin Rhin-Meuse mérite d’être connue. Sur son site, l’Agence de l’eau présente les communes déjà engagées dans cette démarche et met en ligne plusieurs guides pour les collectivités : le guide des techniques alternatives au désherbage chimique*… et pour les particuliers le guide du jardinage écologique et son calendrier**… Des documents à découvrir sans tarder.
Jardiniers du week-end, ne soyez pas modestes, vos gestes sont importants : on compte 13 500 000 jardins privatifs en France, qui ont en moyenne 650 m2, soit 877 500 hectares pour lesquels chaque propriétaire -ou locataire- peut décider ou non d‘avoir un comportement écologique… Il y a urgence : les abeilles contribuent à la pollinisation de 80% des espèces de plantes à fleurs et à fruits de notre planète. Selon les dernières données de l’INRA, 35% de la quantité de notre alimentation et 65% de sa diversité dépendent de la pollinisation par les abeilles. Autrement dit, les ch’tites z'abeilles sont loin d’être un détail dans le paysage… Et puis accessoirement elles font du miel ! En particulier faites une pelouse écologique (voir notre guide), vous n'imaginez pas le bonheur qu'elle vous apportera.
Une affaire à suivre
Les chercheurs se mobilisent d’ailleurs pour tenter de comprendre ce qui se passe aujourd’hui. Alarm, le programme européen sur la biodiversité, consacre un de ses modules aux espèces pollinisatrices. Ce programme délivrera les résultats d’une importante étude à la fin de l’année. Quant aux apiculteurs, ils se retrouveront du 15 au 20 septembre 2009 à Montpellier pour faire le point sur la situation des abeilles et de l’apiculture au congrès Apimondia. Une affaire à suivre...
* http://www.eau-rhin-meuse.fr/tlch/plaquette/guide_fredon_alsace.pdf
** http://www.eau-rhin-meuse.fr/tlch/plaquette/Guide_Arel.pdf
Source : http://www.ddmagazine.com/1257-Les-villes-au-chevet-des-abeilles.html