"Toute vérité franchit trois étapes...
D'abord elle est ridiculisée. Ensuite elle subit une forte opposition.
Puis elle est considérée comme ayant toujours été une évidence."
(Schopenhauer)
Monsieur le Maire
Hôtel de Ville
Place de la République
64700 Hendaye
____________________
Lettre ouverte Hendaye, le 28 avril 2009
Objet: Demande de mise en place d’une redevance incitative d’enlèvement des ordures ménagères.
Monsieur le Maire,
Nous souhaitons, par le biais du présent courrier, réitérer une demande de transformation de la TEOM en RIEOM *que nous avions déjà formulée en des termes similaires auprès de votre prédécesseur à ce poste dans le courant de l’année 2006.
La collecte et le traitement des ordures ménagères ont entraîné des augmentations considérables (+36%) du montant des factures et des injustices inacceptables entre les divers usagers d’un même service public. Pour expliquer cela, la plupart des élus locaux invoquent notamment l’accroissement du volume des déchets collectés et les coûts supplémentaires générés par l’introduction de la collecte sélective de ces derniers. En fait, si l’ancienne municipalité avait eu l’idée d’adhérer en temps voulu à la création du Syndicat de communes Bizi Garbia, plutôt que de se tourner vers un projet d’incinérateur de déchets ménagers initié par les municipalités d’Irun et Hondarribia, les conséquences financières du traitement de nos déchets auraient été aujourd’hui toutes autres. Ceci nous aurait en effet permis de ne pas être considérés comme étant de simples clients de ce syndicat et aurait évité de se voir facturer le traitement de nos déchets environ 70 € la tonne, au lieu des 45 € qui étaient alors demandés aux membres fondateurs de ce syndicat.
Sachez que nous ne cherchons nullement en rappelant ceci à uniquement focaliser les erreurs décisionnelles concernant cette affaire d’incinérateur sur votre devancier à ce poste, étant donné que nous pouvions également vous compter, au moins jusqu’au moment de l’abandon de ce projet par ses initiateurs, parmi ceux qui étaient d’avis que l’incinération était la "solution idoine" pour résoudre le problème de la gestion de nos déchets ménagers
La Taxe d’Enlèvement des Ordures Ménagères (TEOM) a, en toute logique, le caractère d’une imposition et non d’une redevance pour service rendu, ce qui permet aux services fiscaux d’y ajouter 8% de frais de recouvrement. De plus, elle n’a à vrai dire que peu de rapport direct avec le service effectivement rendu, puisqu’elle est calculée sur la base financière du bâti: le montant de la taxe étant totalement indépendant du volume de déchets collectés. Elle est donc, on le voit, totalement «déconnectée» de la réalité.
Ceci étant dit, il est également essentiel de recentrer le débat non seulement sur ce qu’il faut faire de nos déchets, mais aussi sur les moyens à mettre en oeuvre pour en produire moins et chercher à les rendre moins nocifs. En positionnant le débat en ces termes, il est alors possible de résoudre l’équation de la baisse de la quantité de déchets produits. Que faut-il alors concrètement faire ?
Une des solutions envisagées est d’agir à la source, auprès des ménages, et d’appliquer le principe pollueur-payeur par l’introduction de la Redevance incitative d’enlèvement des ordures ménagères dite «incitative» (RIEOM). Ce concept («pay as you throw», en français «payez selon ce que vous jetez») est né aux Etats-Unis dans les années quatre vingt dix. Il permet aux usagers d’influer sur le montant de leur facture en modifiant leur comportement.
Les variantes de ce dispositif sont les suivantes :
- La pesée embarquée : à chaque levée, un dispositif électronique identifie le conteneur et le pèse. L’usager est facturé en fonction du poids des déchets produits.
- Le volume du bac : l’usager choisit la taille du conteneur qui lui convient et le montant de la REOM dépend de celle-ci.
- La fréquence de présentation du conteneur : la REOM est calculée en fonction du nombre de fois où ce dernier est présenté à la collecte.
- Le sac prépayé : les déchets ne sont collectés que dans des sacs spécifiques que l’usager peut acheter auprès de la collectivité. Le prix du sac comprenant le coût de la collecte et du traitement.
Ainsi voit-on que dans les cas de figures ci-dessus énumérés, tout montant de redevance dépend de la quantité des déchets produits, ce qui incite les usagers à mieux gérer leur déchets (tri, compostage individuel, déchetterie...), mais également à les réduire (réparation, réutilisation) ainsi qu’à faire des efforts de prévention (modification du comportement à l’encontre des achats impulsifs, éco consommation…).
27 millions de ménages nord-américains sont soumis à un système de sacs prépayés. En Europe, la mise en place de la redevance incitative au tri des déchets ménagers a débuté en 1995, elle est généralisée en Suisse, en Allemagne, en Autriche, en Irlande. En Belgique, Flandre et Wallonie (à l’exception de Bruxelles), les sacs prépayés ou les conteneurs à puce sont quasiment généralisés (en respectant l’autonomie des communes). La redevance incitative est également présente dans certaines régions et villes de Finlande, de Suède, du Luxembourg et d’Italie.
Plusieurs pays ont par ailleurs franchi le pas législatif du principe pollueur-payeur en introduisant ce dernier dans le financement du service public de gestion des déchets (C’est le cas en Suisse et, plus récemment, en Irlande). Aujourd’hui une quinzaine de communautés de communes de l’Hexagone l’ont également adopté.
La mise en place de la REOM incitative répond à un double objectif en responsabilisant les foyers mais également le monde professionnel, qui paieront en fonction de ce qu’ils jettent. Elle vise à favoriser la réduction des quantités et volumes de déchets produits et tend à favoriser l’augmentation des flux dirigés vers le recyclage et le compostage, mais elle permet aussi "de maîtriser la hausse des coûts de ce service public et d’en améliorer la transparence" précise Rachel Baudry, économiste à la Direction déchets et sols de l’ADEME.
La mise en place d’une REOM incitative fait peser directement les frais de gestion sur la collectivité en remplacement du coût forfaitaire de 8% prélevé par le Trésor. Dans les collectivités étudiées, et pour lesquelles les données étaient disponibles, les frais de gestion de la REOM s’améliorent en moyenne entre 3 et 6% (impayés compris), soit un gain de 2% à 5% sur la TEOM.
Dans les débats sur la redevance incitative de nombreuses affirmations sont encore avancées, mettant en avant les inconvénients de ce mode de financement, mais elles sont rarement étayées par des faits ou des chiffres. La relative marginalité des comportements déviants, allant de la décharge sauvage au brûlage illégal, ne semble pas en mesure de remettre en cause les effets bénéfiques de l’application de la redevance dans les collectivités étudiées.
Aujourd’hui, avec un recul de plus de 8 années, les chercheurs constatent un développement de la prévention et du recyclage, une stabilisation des finances et un comportement responsable des citoyens. Sur le plan économique, elle est rentable pour la collectivité dès lors que le traitement résiduel est plus coûteux que la collecte sélective et le tri (soutiens déduits).
Le choix du mode de financement est laissé à l’appréciation de la commune en fonction de son historique et de ses moyens, mais dans tous les cas, les motivations qui poussent une collectivité à mettre en place une redevance incitative sont très souvent les mêmes: équilibre financier, responsabilisation des habitants, transparence et justice. du côté des usagers, la redevance est globalement bien perçue parce qu’elle sous entend plus d’équité et de transparence dans les financements.
En conclusion, si ces solutions sont peu mises en oeuvre dans l’Hexagone, c’est parce que les solutions du stockage (enfouissement/décharge) et/ou incinération rapportent beaucoup d’argent aux industriels des déchets qui en ont le monopole sans concurrence parce qu’échappant à la législation des marchés publics !
Partout à travers le monde, des collectivités décident de mettre en oeuvre les moyens nécessaires à une politique de prévention des déchets, en remplaçant la taxe par une redevance.
C’est pourquoi nous vous demandons, Monsieur le Maire, d’oeuvrer pour engager votre collectivité dans une démarche visant la suppression de la taxe et la mise en place de la redevance incitative. Nous vous rappelons qu’à la «maîtrise» la responsabilité est liée et que vos décisions doivent donc être conformes à l’intérêt général. Pour se faire, il convient, dès maintenant, de développer une politique de réelle concertation où les habitants se verront légitimement associés aux choix qui auront des conséquences sur leur environnement, leur santé et sur la fiscalité qu’ils subissent.
Nourrissant l’espoir de pouvoir être entendus, nous vous adressons, Monsieur le maire, l’expression de nos salutations distinguées.
Pour l’association,
Maryvonne Gervaise Christian Rivière
* TEOM (Taxe d’enlèvement des ordures ménagères)
RIEOM (Redevance incitative d’enlèvement des ordures ménagères)
________________________________
LE CRÉDO D'UN VISIONNAIRE
Samedi 25 et Lundi 27 avril 2009 se sont tenues à Ustaritz et Ainhice-Mongelos deux conférences de Dany DIETMANN, maire de la commune de Manspach (68), président de la Commission Locale de l'Eau et administrateur de l'Agence de Bassin Rhin-Meuse, président de la Maison de la Nature du Sundgau. Dany DIETMANN était en cette circonstance l'invité du CADE (Collectif qui regroupe plus de 40 associations environnementales sur le Pays Basque et le Sud des Landes et dont notre association est membre), ainsi que de Laborantza Ganbara.
Dany DIETMANN est maire de Manspach depuis 1983. Il s’intéresse depuis longtemps à la problématique des déchets, avec un attachement particulier en ce qui concerne leur gestion rationnelle, ainsi que cela se pratique avec succès dans la Communauté de communes de Dannemarie (83 000 habitants) en Alsace, où il a été l’initiateur de l’optimisation du tri sélectif et de l’organisation de véritables filières de recyclage de ces derniers. Ces mesures ont permis de réduire en une dizaine d’années la production d’ordures ménagères non recyclées d’une moyenne de 376 à 86 kg/an par habitant sur les communes concernées.
Oeuvrant dans le droit chemin d'une formation de biologiste qui a su intelligement tirer parti des lois de la nature, Dany DIETMANN a su, lors de ces deux conférences, démontrer son attachement à la défense de notre environnement et nous faire partager sa vision tout à la fois critique et constructive sur ce problème majeur de société.
Dany DIETMANN lors de son exposé à USTARITZ