David Cormier le 23 novembre 2022 à 18h27
Amélia Curd montre, ici à l’Ifremer à Plouzané, un petit récif d’hermelles, ces vers marins des sables qui, toute leur vie, fabriquent un tube de sable autour d’eux. (Le Télégramme/David Cormier)
L’hermelle est un ver marin qui vit dans un tube qu’il se constitue grâce au sable. Des récifs se forment. Ils protègent la côte de l’érosion. Un labo de l’Ifremer, à Plouzané, les étudie.
Passé ses premières semaines où, larve, elle est ballottée dans l’eau, l’hermelle, un ver marin de trois, quatre centimètres, se fixe sur les tubes de ses congénères adultes. Elle attrape les grains de sable en suspension, libère un mucus qui les agrège, un à un. Elle construit ainsi le tube de sa vie, jusqu’à des dizaines de centimètres de longueur. Elle ne le quitte jamais, se nourrissant de ce qui passe à sa portée. Ainsi se constituent des récifs, sortes de nids d’abeilles couleur sable, pouvant atteindre les deux mètres de haut, sur des roches ou du béton, sur l’estran essentiellement.
petit récif d’hermelles, ce ver marin qui construit autour de lui un tube de sable, dans lequel il vit. (Le Télégramme/David Cormier)
L’hermelle se développe et monte vers le nord
Cette curiosité de la nature, Amélia Curd, 40 ans, chercheuse à l’Ifremer, à Plouzané (29), l’étudie depuis au moins cinq ans, avec une équipe internationale de 18 personnes dont six sur place, accompagnée par Stanislas Dubois, 45 ans, responsable du Lebco (laboratoire d’écologie benthique côtière). La présence et l’absence de l’hermelle, sur vingt ans, en Europe de l’Ouest, ont été détaillées. « Six facteurs sont favorables et déterminent les habitats potentiellement adaptés. La température de l’eau et celle de l’air jouent beaucoup. La salinité, l’amplitude de marée, la hauteur des vagues moins mais le fetch beaucoup ». Un terme anglais que l’on pourrait traduire par l’exposition d’une côte à la houle.
Le changement climatique tend à déplacer la zone de distribution de l’hermelle vers le nord. Jusqu’en Écosse où l’eau, jusque-là, était trop froide et qui deviendra vite habitable, si l’on suit les prévisions du Giec, le groupe mondial d’experts du climat. « C’est une espèce gagnante du changement climatique, la surface augmente mais pas partout. Quand les distances s’accroissent entre les récifs, ils ne s’échangent plus de larves et ils peuvent disparaître localement ». C’est le cas entre le Maroc et le golfe de Gascogne, en Vendée et dans le Pertuis charentais.
Une étude à venir, entre Crozon et Roscoff
« Ces récifs servent d’abri à beaucoup d’espèces qui s’y nourrissent et s’y reproduisent », souligne Stanislas Dubois. « Ils absorbent aussi l’énergie des vagues et protègent ainsi de l’érosion côtière. À Noirmoutier (Vendée), la dune située derrière les grands récifs ne bouge pas, tandis que celle située à côté est rongée », poursuit Amélia Curd. En Bretagne, on trouve pas mal de petits spécimens, à Belle-Ile-en-Mer ou à Douarnenez. Sur la côte nord aussi, sauf dans le secteur Crozon-Roscoff, qui fera l’objet d’une étude. « La côte y est trop complexe, le fetch n’y serait pas favorable mais cela reste à prouver ».
Quand on sait que le trait de côte recule en nombre d’endroits de la péninsule bretonne, il serait tentant de forcer un peu la nature en disséminant quelques hermelles. « Il n’y a pas ce type de projet en France mais en Italie et en Angleterre », reprend Stanislas Dubois. « Il n’y aurait pas de moyen plus écologique mais cela pose des questions éthiques. Les risques seraient limités mais les essais menés ont été très peu concluants ».
Pour rappel:
Hermelle : un minuscule ver marin aux superpouvoirs écologiques