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25 juillet 2022 1 25 /07 /juillet /2022 09:25

 

 

 

Par Pierre Recarte, vice-président du CADE

LGV ou trains du quotidien : le non choix coupable de l’Etat

En 2017, le président de la République inaugure la LGV(Ligne à Grande Vitesse) Paris-Rennes. Il annonce à cette occasion qu’il n’entend pas« relancer de grands projets nouveaux mais s'engager à financer le renouvellement des infrastructures (…) En venant inaugurer ce projet ce soir (...), je suis en train de vous dire : le rêve des cinq prochaines années ne doit pas être un nouveau grand projet comme celui-là »confie-t-il.La voie à suivre paraît acquise : rénover le réseau et relancer les petites lignes abandonnéesplutôt que de financer des LGV. Un programme de rénovation est alors lancé. Un choixsalué par les experts du ferroviaire qui martèlent depuis des années qu’il faut arrêter la cannibalisation des investissements au profit du « tout LGV »au détriment de la régénération d’un réseau dont l’âge moyen se situe autour de 30 ans. Deux fois plus qu’en Allemagne.

Changement de cap

Quatre ans plus tard, le discours du Président change. A l'occasion des 40 ans du TGV, il déclare qu’on peut « commencer à ré-envisager l'avenir » et « accélérer » avec « des choix d'investissements massifs »,notamment dans la construction de liaisons nouvelles.En avril 2022, l’Etat s’engage à investir 6,5 milliards d'euros dans trois projets de LGV dont Bordeaux-Toulouse. Son financement est bouclé dans la précipitation.

Une rénovation sous-financée

On peut tout mener de front, trains du quotidien et LGV, clament en chœur nos grands élus régionaux d’Alain Rousset (PS) à Geneviève Darrieussecq (LREM), en passant par Edwige Diaz (RN). L’actualité récente montre qu’il n’en est rien. Luc Lallemand, PDG de SNCF Réseau a commandé des audits. Le résultat est sans appel : les 2,8 milliards d’euros alloués parl’Etat annuellement pour restaurerle réseau sont largement insuffisants. En effet, le besoin de financement se situerait plutôt aux alentours de 3,7 milliards d’euros annuels. Par ailleurs, l’inflation générerait un surcoût annuel de 400 millions d’euros. L’enveloppe paraît donc bien maigre !

Ce sous-financement contraint SNCF Réseau à des choix contestables[1]. « Il faudra réduire le périmètre d’activité » selon Luc Lallemand  qui prévient : « si l’Etat n’intervient pas au plus tard en septembre », il faudra « diviser le réseau en deux parties ». D’un côté, le « réseau super-structurant, qui regroupe les lignes UIC 2 à 4 » sur lesquelles SNCF Réseau continuera à investir, et del’autre, le « réseau structurant », (lignes UIC 5 à 6), « sur lesquelles nous allons désinvestir »[2].Quelles lignes UIC 5 et 6, à fort trafic seront sacrifiées ? Que deviendrontles petites lignes que l’Etat s’est engagé à reprendre car il les considère comme « structurantes » ? Seront-elles rénovées ?

On est loin de la réponse du ministère des transports à une question écrite de la députée Jacqueline Dubois, début 2022 : « Alors que les lignes de desserte fine du territoire ont souffert d’un manque d’investissements chronique au cours des dernières décennies, le Gouvernement a fait de leur remise en état une des priorités de sa politique ferroviaire. Près de 7 milliards d’euros sont prévus à cet effet dans la prochaine décennie. »

 

SNCF Réseau participerait au financement du GPSO

SNCF Réseau se désengagerait-il partiellement de sa mission de la rénovation du réseau existant au profit des LGV ? La question mérite d’être posée. En effet, le protocole de financement de la LGV Bordeaux-Toulouse-Dax envisage son intervention si la règle d’or[3] est respectée. L’opérateur reverserait « des surplus des péages ferroviaires après couverture des charges relatives à la gestion de l’infrastructure de GPSO et le cas échéant la rénovation du réseau et les lignes du quotidien. »Ainsi, SNCF Réseau pourrait « le cas échéant » abandonner sa mission de rénovation des lignes du quotidien pour financer une LGV !

 

« La politique de la continuelle dissimulation est tragique »

La volonté affichée de changer de politique en matière de transport ferroviaire est-elle réelle ? Le gouvernement ne renoue-t-il pas avec le choix de privilégier les LGV aux dépens des « trains du quotidien » ? Les citoyens que nous sommes s’interrogent. « La conséquence de la politique de la continuelle dissimulation est tragique »disait Pierre Mendès France avant de renchérir :« une démocratie, parce que sa force est dans l’adhésion populaire, ne peut fonctionner que dans  la confiance du peuple ce qui exige la loyauté de ses dirigeants ». Un avertissement que nos responsables politiques feraient bien de méditer en ces périodes incertaines …

 

[1] « SNCF Réseau compte réduire ses investissements sur le réseau ferroviaire "structurant" » Ville, Rail et Transports, juin 2022.

[2]L’UIC (Union Internationale des Chemins de fer) classe le réseau en deux catégories : les lignes à fort trafic classées UIC 2 à 6 et celles à faible trafic, classées 7 à 9.

 

[3]SNCF Réseau ne peut investir au-delà du ratio entre sa dette financière nette et sa marge opérationnelle fixé à 6.

 

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