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1 mai 2020 5 01 /05 /mai /2020 11:26

 

 

 

Par Michael Moore, Jeff Gibbs, Ozzie Zehner

Publié le 24 avril 2020

Planète des humains ou Comment le capitalisme a absorbé l’écologie

Nous vous proposons une version sous-titrée en français du film documentaire Planet of the Humans (« Planète des humains »), dont Michael Moore est le producteur exécutif, Ozzie Zehner un coproducteur, et Jeff Gibs un autre coproducteur, et le réali­sateur. Un documentaire qui expose des réalités très rarement discutées concernant les soi-disant « énergies vertes », « propres » ou « renouvelables », mais des réalités que les lecteurs de notre site connaissent déjà, très certainement, étant donné que nous avons publié de nombreux articles sur le sujet.

Ozzie Zehner est un chercheur états-unien, auteur d’un livre intitulé Green Illusions: The Dirty Secrets of Clean Energy and the Future of Environmentalism (« Les illusions vertes : les sales secrets des énergies propres et le futur de l’écologisme »), publié en 2012, sur le sujet, vous l’aurez compris, des mensonges massivement colportés par les médias de masse concernant les énergies vertes-propres-renouvelables. Nous avons d’ailleurs publié, sur ce site, une traduction d’un entretien qu’Ozzie Zehner a accordé à un journaliste du site Truth-out. Jeff Gibbs a produit ou co-produit plusieurs des films documentaires de Michael Moore (dont Fahrenheit 9/11 et Bowling for Columbine). Et Michael Moore, on ne le présente plus.

Venons-en au film. Si vous ne souhaitez pas découvrir son contenu avant de l’avoir vu, arrêtez de lire, et reprenez la lecture après son visionnage. Dans la mesure où il expose une grande partie des arnaques que constituent les énergies dites « vertes », la tartuferie des grandes organisations écologistes et de leurs figures de proue, l’emprise du capitalisme sur l’écologie en général, et où il encourage la décrois­sance, il est assez bon. Je ne reviendrai donc pas sur ces aspects-là. En outre, chose rare, il tend à promouvoir une perspective biocentriste, en considérant la vie sur Terre non pas comme un ensemble de ressources à exploiter durablement mais comme ce qu’il nous faut respecter et préserver en premier lieu, pour elle-même.

Cependant, on peut déplorer quelques choix, ou manquements (auxquels il n’était sans doute pas impossible de pallier dans la durée moyenne qu’un tel documentaire ne doit pas dépasser) :

  1. Le fait de verser dans l’indifférenciation, d’utiliser le « nous » voire « l’huma­nité » de manière indiscriminée. « Planète des humains » ? C’est aussi et surtout une seule et même culture humaine qui s’étale désormais d’un bout à l’autre de la planète. Planète du capitalisme. Planète de la civilisation (indus­trielle). « Nous » n’avons pas choisi « d’utiliser le pétrole », d’industrialiser la planète entière, etc. Une élite de dirigeants a fait ça.
  2. En lien avec ce premier point : les problèmes sociaux/sociétaux mis de côté. Ne reste que le problème de la soutenabilité, la question écologique. Les inéga­lités économiques, les injustices sociales colossales (qui comprennent une distribution du pouvoir incroyablement inique, une dépossession terrible de la plupart, etc.), les nombreuses coercitions qui constituent la civilisation indus­trielle capitaliste (le travail n’a rien d’un objectif, le travail, c’est un esclavage salarié, la « création d’emplois », c’est la création de servitudes modernes), tout ça est occulté. L’industrialisme est aussi incompatible avec la démocratie, avec l’égalité et la liberté, qu’avec l’écologie. Même si la société industrielle parvenait à une sorte de soutenabilité au travers de technologies magiques (ça n’arrivera pas), elle constituerait tout de même un désastre social. Ce qu’on ne peut décemment occulter.
  3. Le « développement » n’est pas non plus questionné. Il correspond pourtant à une idéologie très spécifique, particulièrement nuisible.
  4. L’examen de la soutenabilité de la société industrielle, et donc des technologies soi-disant « vertes », « renouvelables », ou « propres », aurait pu et aurait dû s’appuyer sur la question : « de l’énergie, pour quoi faire ? ». Les centrales solaires et les parcs éoliens pourraient pousser dans la nature comme de la mauvaise herbe, si l’usage que nous avons de l’énergie qu’ils produisent est nuisible, ça nous ferait une belle jambe. La question n’est pas posée. Les instal­lations productrices d’énergie soi-disant « verte » servent à alimenter des appa­reils tous issus du système techno-industriel, qu’ils appartiennent à des particu­liers (réfrigérateurs, ordinateurs, smartphones, téléviseurs, voitures électriques, etc.) ou à des entreprises (telles ou telles machines, ou ensembles de machines en usine, etc.), et dont la production requiert elle-même (outre tout ce qui précède, esclavage salarié, etc.) d’épuiser les ressources de la planète, de la polluer, et de la dégrader. Concernant la biomasse, spécifiquement, il est éton­nant de ne pas avoir souligné le fait que lorsqu’on prend à la forêt, des arbres en l’occurrence, on leur ôte… de la biomasse : les arbres morts sont censés retourner au sol pour l’enrichir, et remplir de nombreuses fonctions dans ces écosystèmes. En pillant tout le bois mort des forêts ou, pire, en coupant leurs arbres, on leur nuit profondément (évidemment). On regrettera aussi l’absence de critique du nucléaire (nous vous en proposons sur notre site, dans cet article, par exemple) et de la dangereuse absurdité des technologies dites de « capture et stockage du carbone » (lesquelles sont massivement financées par les ultra-riches, et promues par les organismes supranationaux, comme le GIEC).

Pour aller plus loin

Une fois qu’on a compris ce qui pose problème avec les technologies de production d’énergies dites « vertes » (ou « propres » ou « renouvelables ») en général, il ne devrait pas être nécessaire de s’attarder sur chacune d’elles (toutes dépendent de l’utilisation de combustibles fossiles, du bon fonctionnement de la société techno-industrielle, c’est-à-dire d’un désastre social et écologique, etc.). Mais ceux qui souhaitent approfondir la critique des technologies de production d’énergie dite « verte » ou « propre » ou « renouvelable », qui auraient aimé savoir ce qu’il en est des barrages, par exemple, peuvent regarder le film Blue Heart (ci-après, sous-titré en français), qui expose assez bien en quoi ces derniers constituent aussi de terribles nuisances (cela étant, le documentaire suggère absurdement qu’il faut alors se tourner vers les panneaux solaires et les éoliennes, sans aucunement examiner la question, plutôt comme un réflexe NIMBY : ne touchez pas à ces rivières que l’on apprécie ; les panneaux solaires et les éoliennes, on ne sait pas trop de quoi il retourne, les mines ou les centrales ne sont pas près de chez nous, alors allez-y) :

 

Par ailleurs, la critique des énergies renouvelables exposée dans le documentaire de Jeff Gibbs, Michael Moore et Ozzie Zehner, risque de laisser bon nombre de specta­teur désemparés. Un rappel peut s’avérer utile :

Si les énergies « renouvelables » développées par les États, promues par les orga­nismes intergouvernementaux onusiens (le GIEC), et déployées par les multinatio­nales de l’énergie ne sont pas souhaitables, c’est parce qu’elles sont industrielles. Parce qu’elles s’inscrivent dans le cadre de la société techno-industrielle. La catégorie « énergies renouvelables » désigne en réalité de nombreuses techniques extrême­ment diverses. Elle comprend aussi bien la combustion dans un poêle de bois mort ramassé en forêt que le fonctionnement de la méga-centrale thermique à biomasse de Gardanne qui engloutit des hectares et des hectares de forêt chaque jour ; le moulin à eau utilisant le courant d’une petite rivière aussi bien que le barrage des Trois-Gorges en Chine, responsable de l’inondation de 600 km² de terres agricoles et de forêts, et du déplacement (l’expulsion) d’1,8 millions de personnes ; l’action du vent capté par des moulins low-tech aussi bien que l’exploitation industrielle du vent par des aérogé­nérateurs construits principalement avec béton et acier.

C’est-à-dire qu’il est possible d’utiliser le vent, le soleil ou la force des rivières ou des fleuves de manières soutenables. Ce que l’humanité a fait pendant des millénaires. Cela étant, l’idée n’est pas de chercher à retourner dans le passé, c’est impossible, absurde, mais de savoir distinguer ce qui peut être soutenable, ce qui ne peut pas l’être, ce qui est désirable, et ce qui ne l’est pas. Ainsi que Bertrand Louart le formule :

« Si on veut bâtir une société réellement démocratique et écologique (et je pense que les deux vont nécessairement de pair, ils s’impliquent l’un et l’autre), je suis convaincu qu’il faut revenir en arrière. Non pas à un moment du passé qui serait défini comme idyllique et parfait – il n’y en a pas et je n’ai pas inventé la machine à voyager dans le temps ! – mais à des formes d’organisation techniques et sociales plus simples, plus à la portée de la maîtrise et compréhension de chacun. Lewis Mumford avait déjà eu le courage de dire ça dans les années 1960 : “Les avantages authentiques que procure la technique basée sur la science ne peuvent être préservés qu’à condition que nous revenions en arrière, à un point où l’homme pourra avoir le choix, intervenir, faire des projets à des fins entièrement différentes de celles du système.” » (“Tech­nique auto­ri­taire et tech­nique démo­cra­tique”, Discours prononcé à New York, le 21 janvier 1963)

Ce que nous ne voulons pas, ce sont ces énergies renouvelables industrielles essen­tiellement basées sur l’ex activisme (l’exploitation massive des ressources minière de la Terre). Ce que nous ne voulons pas, ce sont ces machines gigantesques ravageant les territoires et les paysages, ces technologies complexes et donc in appropriables par une communauté véritablement démocratique, localement, ces technologies connec­tées à différents macro-systèmes techniques, y compris internationaux, dont la gestion repose sur et appelle nécessairement un appareil gouvernemental, une organisation sociale structurellement antidémocratique.

***

Pierre Thies­set, de La Décroissance, le résume comme suit :

« Il ne s’agit pas seulement de réduire notre consommation pour alléger notre “empreinte écologique”, mais de repenser les rapports sociaux, réévaluer les besoins, transformer notre mode de production, notre organisation politique, en finir avec la mondialisation, avec l’urbanisation et l’industrialisation sans fin.

C’est tout un mode de vie qui est à revoir, pour faire naître des sociétés qui ne sont plus structurées autour de l’impératif d’expansion illimitée. Des sociétés beaucoup plus simples, plus autonomes, plus égalitaires, des sociétés conviviales disait Ivan Illich, où les hommes dominent leurs outils, où l’économie est encastrée dans les relations sociales.

Des sociétés qui refusent la démesure, qui se libèrent de l’aliénation marchande et du règne des experts, où les travailleurs produisent pour répondre aux besoins et non pour alimenter les profits, dans l’entraide et l’autolimitation. »

 

 

 

Source : https://www.partage-le.com/2020/04/24/planete-des-humains-ou-comment-le-capitalisme-a-absorbe-lecologie-par-michael-moore-jeff-gibbs-ozzie-zehner/

 

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