04 février 2020
Maxence Temps
A la suite de l’adoption de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, le dispositif légal encadrant le STOP PUB évolue. Si des avancées concrètes sont à saluer comme la création d'une amende de 1 500€ pour non respect du STOP PUB, le chemin vers la fin des prospectus jetables est encore long...
C’est aujourd’hui une petite victoire pour un des gestes emblématiques du zéro déchet, à savoir l’autocollant STOP PUB et son respect. En effet, la loi apporte quatres nouveautés dans ce domaine : la mise en place d’un dispositif explicite de sanction, l’interdiction de distribuer des objets publicitaires (goodies) dans les boîtes aux lettres, l’interdiction de déposer des flyers sur les véhicules, et une obligation d’utiliser du papier recyclé à compter de 2023.
Le STOP PUB, un geste emblématique et efficace pour réduire ses déchets
Selon une étude de l’Ademe réalisée en 2016, environ 13.6 kg par habitant d’imprimés non sollicités sont distribués en France chaque année, soit plus de 30 kg pour un foyer de trois personnes (près de 900 000 tonnes par an). Ces imprimés sont souvent immédiatement jetés pour être au mieux recyclés, au pire envoyés en décharge ou incinérés. Dès lors, la création du STOP PUB était une bonne idée pour réduire ce flux de déchets.
L’autocollant STOP PUB prend ses racines en 2004. A l’époque, le ministère de l’Environnement décidait, dans le cadre du premier Plan national de prévention des déchets (PNPD), de créer un dispositif de prévention des déchets relatif à la distribution d’imprimés publicitaires en boîtes aux lettres, le STOP PUB. Toutefois, aucun dispositif explicite de sanction n’était prévu afin de faire respecter l’autocollant.
Ces dernières années, l’autocollant STOP PUB est devenu un geste emblématique du mouvement zéro déchet, et de nombreuses initiatives menées par les citoyens et les associations afin de le faire respecter ont vu le jour. Plusieurs stratégies ont été déployées : interpellations sur les réseaux sociaux, courriers de mise en demeure, et même dépôt de plaintes.
Dans ce contexte, en août 2018, après plusieurs mois d’enquête à Strasbourg, Zero Waste France et son groupe local Zéro Déchet Strasbourg ont porté plainte contre des franchises locales de grands groupes de l’agroalimentaire (Pizza Hut et Intermarché), pour non-respect de l’autocollant. La plainte déposée se fondait sur l’article R633-6 du Code pénal, qui érige implicitement le non-respect du STOP PUB en contravention. Cet article dispose :
“[…] est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 3e classe le fait de déposer, d’abandonner, de jeter ou de déverser, en lieu public ou privé, à l’exception des emplacements désignés à cet effet par l’autorité administrative compétente, des ordures, déchets, déjections, matériaux, liquides insalubres ou tout autre objet de quelque nature qu’il soit, y compris en urinant sur la voie publique, si ces faits ne sont pas accomplis par la personne ayant la jouissance du lieu ou avec son autorisation” (amende de 450€ – multiplié par 5 pour les personnes morales).
A la suite de cette plainte, le Procureur de la République a décidé de classer la plainte sans suite, tout en adressant aux enseignes un rappel à la loi, ce qui constitue un premier pas vers un meilleur respect de l’autocollant.
A la même période, un courrier co-signé avec l’association “Résistance à l’agression publicitaire” a été envoyé à Madame la Ministre Brune Poirson, afin de lui demander de rappeler la loi aux grandes sociétés de la restauration, de l’alimentation, de l’ameublement et de l’immobilier, régulièrement en tête des classements des enseignes identifiées comme ne respectant pas l’autocollant.
Un aboutissement de la lutte juridique : la mise en place d’une amende allant jusqu’à 3000 euros !
Avant l’adoption de ladite loi, bien qu’une sanction pénale était possible sur le fondement de l’article R633-6 du code pénal (voir ci-dessus), aucun texte spécifique ne sanctionnait de manière explicite le non respect du STOP PUB. Dorénavant, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire crée l’article L. 541-15-13 au sein du code de l’environnement, qui énonce:
“À compter du 1er janvier 2021, le non-respect d’une mention apposée faisant état du refus de la part de personnes physiques ou morales de recevoir à leur domicile ou à leur siège social des publicités non adressées est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la 5e classe.”
(Pour rappel, une contravention de 5ème classe est punie par une amende maximale allant jusqu’à 1500€, et même 3000€ en cas de récidive).
Le non-respect du dispositif STOP PUB fait donc désormais l’objet d’une contravention spécifique.
Par conséquent, à compter du 1 janvier 2021, les personnes constatant un non-respect de leur volonté de ne pas recevoir de prospectus, pourront clairement rappeler aux enseignes identifiées l’existence d’une infraction spécifique, et le risque qu’elles ont, en cas de plainte, d’être condamnées à une amende beaucoup plus dissuasive. C’est également l’aboutissement concret de telles plaintes qui devrait s’en trouver, on l’espère, nettement amélioré.
Deux nouvelles interdictions concernant la distribution publicitaire
Deux nouvelles interdictions sont également prévues par ce texte: le dépôt de “flyers” sur les voitures et le dépôt dans les boîtes aux lettres de cadeaux non sollicités visant à faire de la promotion commerciale.
Tout d’abord, le dépôt de “flyers” est désormais interdit sur les véhicules. A cet égard, un article L.541-15-14 est créé (et entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2021) : “Le dépôt d’imprimés publicitaires à visée commerciale sur les véhicules est interdit.”
Par ailleurs, une seconde interdiction a également vu le jour. Dorénavant, la distribution de cadeaux non sollicités visant à faire de la promotion commerciale, plus communément appelés “goodies”, est prohibée. Là encore, la loi est sans ambiguïté (même article) :
“La distribution dans les boîtes aux lettres de cadeaux non sollicités visant à faire de la promotion commerciale à l’attention des consommateurs est interdite.”
Le texte ne précisant pas de date d’entrée en vigueur, il doit être considéré que cette interdiction sera effective à compter de la promulgation de la loi. Finis les portes-clés, aimants, thermomètres et autres stylos dans les boîtes aux lettres.
Pour les deux interdictions évoquées ci-dessus, le dispositif de sanctions est le même que pour le non-respect de l’autocollant STOP PUB (amende de 5ème classe).
L’obligation d’imprimer sur du papier recyclé
Maigre avancée toutefois, désormais les prospectus publicitaires et catalogues visant à faire de la promotion commerciale devront être imprimés sur du papier recyclé ou issu de forêts gérées durablement.
Cette obligation entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2023. Là encore, la méconnaissance de cette obligation sera punie de l’amende prévue pour les contraventions de la 5e classe.
Cette obligation s’accompagne, à compter de la même date, d’une interdiction d’utiliser des huiles minérales pour les impressions de « lettres de prospectus publicitaires et de catalogues non sollicités visant à faire de la promotion commerciale ».
En définitive
- A compter de la promulgation de la loi, la distribution dans les boîtes aux lettres de cadeaux non sollicités (goodies) visant à faire de la promotion commerciale à l’attention des consommateurs est interdite. Le non-respect de cette interdiction sera sanctionné d’une amende de 5ème classe.
- A compter du 1 janvier 2021, le non-respect de l’autocollant STOP PUB sera explicitement sanctionné d’une amende de 5ème classe.
- A compter du 1 janvier 2021, le dépôt d’imprimés publicitaires à visée commerciale sur les véhicules est interdit. Le non-respect de cette interdiction sera sanctionné d’une amende de 5ème classe.
- A compter du 1 janvier 2023, les prospectus publicitaires et catalogues visant à faire de la promotion commerciale à l’attention des consommateurs sont imprimés sur du papier recyclé ou issu de forêts gérées durablement et ne pourront contenir d’huiles minérales. Le non-respect de cette obligation sera sanctionné d’une amende de 5ème classe.
Pour aller plus loin: le dispositif “publicités acceptées”
Depuis quelques années, le STOP PUB connaît un véritable succès. Nombre d’ONG environnementales soutiennent l’idée d’aller beaucoup plus loin en basculant sur le principe d’une interdiction « par défaut » des publicités non sollicités, sauf dans le cas où l’habitant aurait explicitement indiqué son accord sur sa boîte aux lettres. Ce dispositif, communément désigné “publicités acceptées”, consisterait, pour ceux qui souhaitent recevoir les prospectus, à clairement apposer leur consentement sur leur boîte aux lettres. L’absence d’autocollant vaudrait donc absence de consentement. Un tel changement aurait pour conséquence de diminuer drastiquement la quantité d’imprimés non sollicités distribués chaque année. Zero Waste France soutient le déploiement d’un tel dispositif. Malgré le relais de nombreux députés lors de l’examen de la loi anti-gaspillage et économie circulaire, cette proposition n’a pas aboutie, le Gouvernement y opposant notamment des motifs liés aux destructions d’emplois que cela engendrerait.
à lire aussi
Stoppons la vente de vaisselle jetable !
Source : https://www.zerowastefrance.org/stop-pub-fin-flyers/