L’arrivée d’un réseau sans-fil de 5e génération est imminente, promet le gouvernement français. Mais comment fonctionnera ce nouvel équipement, censé marquer une « révolution » dans le domaine des communications mobiles ? Extrait de l’ouvrage à paraître 5G Mon Amour, enquête sur la face cachée des réseaux mobiles, co-édité par Le Passager clandestin et L’âge de faire.
Après le tout premier réseau sans-fil mis en place en 1981, puis celui de deuxième génération (2G) en 1992, la 3G en 2001 et la 4G en 2012, l’heure de la 5G a sonné. Il s’agit, jurent ses promoteurs, d’une «innovation de rupture», qui va permettre de multiplier les débits par dix, de diviser le temps de latence (durée entre le moment où tu cliques sur un bouton et où ton appareil reçoit l’information demandée) par autant et d’assurer les conversations des milliards d’objets connectés dont nous sommes censés nous équiper dans les années à venir.
En outre, cette nouvelle technologie va permettre de désengorger le réseau 4G, qui a parfois du mal à supporter tout le trafic actuel : dans un stade de football, au moment où ton équipe préférée marque un but et que tous les spectateurs veulent appeler leurs copains pour les prévenir de la bonne nouvelle, il arrive qu’ils n’aient pas accès au réseau. Un désagrément insupportable, assurément. Il était donc urgent de mettre en place un réseau supplémentaire. Car il faut préciser que la 5G ne va pas remplacer ses aînées, mais s’y ajouter. En termes d’ondes, cela se traduira donc par une couche supplémentaire de champs électromagnétiques dans l’environnement.
Techniquement, de quelle manière les opérateurs comptent-ils réaliser cette «prouesse»? Eux-mêmes ne sont pas totalement au point. Ils vont le faire, ils en sont certains, mais ne savent pas encore exactement comment. Nous connaissons tout de même les grandes lignes de ce qui devrait constituer ce réseau de nouvelle génération.
Une révolution en plusieurs étapes
Dans un premier temps, la «révolution» portera assez mal son nom. Il s’agira plutôt d’une évolution, du même type que celles qui nous ont fait passer de la 2G à la 3G puis à la 4G. Pour mailler le territoire, les opérateurs ont virtuellement découpé le pays en milliers de petites «cellules» – d’où le nom de réseau «cellulaire» –, à l’image des alvéoles d’une ruche. À chaque cellule, ses antennes. Le débit offert dépend ensuite du nombre d’utilisateurs présents dans une même cellule. Ce qui explique qu’il y ait beaucoup plus d’antennes dans les zones très peuplées – typiquement, les zones urbaines – que dans les régions à faible densité de population.
La technique de base pour augmenter les débits proposés est donc assez simple: multiplier le nombre d’antennes-relais, du même type que celles qui existent aujourd’hui, c’est-à-dire accrochées à des pylônes, installées sur des toits d’immeubles, camouflées dans de fausses cheminées, grossièrement déguisées en arbres, postées dans des clochers d ’églises, etc. C’est, dans un premier temps, ce à quoi vont s’atteler les opérateurs. De 200.000 «antennes hauteur» implantées en France pour faire fonctionner les trois réseaux existants (2G, 3G et 4G), on devrait passer à plus du double, ainsi augmenter les débits disponibles… et par la même occasion l’exposition du public aux champs électromagnétiques. Ces antennes 5G utiliseront des fréquences de 700 MHz à 6 GHz, sans toutefois dépasser cette limite.
La fameuse «rupture technologique» se situe dans un second temps, avec l’utilisation parallèle d’ondes millimétriques, autrement dit de micro-ondes, via des fréquences beaucoup plus élevées, comprises entre 26 et 35 GHz. Le réseau 5G est prévu pour être hiérarchique : les antennes en hauteur dont nous venons de parler arroseront les zones alentour pour assurer une couverture globale, mais communiqueront aussi avec de plus petites antennes, qui propageront pour leur part des ondes de très hautes fréquences. Pourquoi utiliser des fréquences si élevées?
Notamment parce que le spectre est déjà quasiment saturé dans la gamme de fréquences inférieures à 6 GHz, alors que la 5G a besoin d’une large bande passante – un «tuyau» d’un diamètre important – pour tenir toutes ses promesses : au minimum 400 MHz, et plutôt 1 GHz si possible. Pour trouver autant d’espace disponible ou pouvant être libéré par ses utilisateurs actuels, les autorités compétentes se sont donc orientées vers les ondes à très hautes fréquences.
Le problème, c’est que plus on monte en fréquence, plus la capacité de propagation d’une onde est faible. Au fond d’une grotte, tu captes plus facilement la radio FM que le réseau mobile, la première utilisant des ondes plus longues que le second. Pourtant, les portables actuels utilisent encore des fréquences beaucoup plus basses que celles de ces petites antennes, également appelées «petites cellules» 5G – ou encore «small cells» dans le jargon technique toujours friand d’anglicismes. Les champs électromagnétiques émis pour la 5G passeront donc difficilement à travers les murs. Ils ne traverseront pas les êtres humains (ce qui ne signifie pas que ce soit mieux pour leur santé, nous y viendrons). Pour les plus courtes, une simple feuille traversant le faisceau en tombant d’un arbre pourrait suffire à interrompre la connexion.
Le casse-tête des ondes courtes
Cela pose une évidente difficulté, puisque le réseau est notamment pensé pour faire rouler les voitures autonomes, qui ne doivent jamais perdre leur connexion, sous peine d’inévitables accidents. Alors, comment faire pour que l’automne – période à laquelle les arbres s’entêtent à se débarrasser de leurs feuilles – ne devienne pas la saison des collisions? Plus globalement, comment assurer la continuité des connexions avec des ondes stoppées par le moindre obstacle?
L’idée est de démultiplier le nombre d’antennes, et donc les possibilités de se relier au réseau. Si une voiture autonome est reliée simultanément à dix antennes, elle peut se permettre de perdre l’un des signaux. Lorsqu’il y avait 8 antennes pour la 2G, la 3G et la 4G réunies (le système de première génération n’existe plus), on en promet 64 pour la seule 5G. Et cela dans un premier temps, car les opérateurs prévoient ensuite, du moins en milieu urbain, d’en installer 256 !
Ces « small cells » doivent donc fleurir à tous les coins de rue. Les promoteurs parlent d ’une antenne tous les 100 mètres. Dans cette optique, l’État a déjà prévu de faciliter l’accès des opérateurs au mobilier urbain. Demain, lampadaires et panneaux de signalisation pourraient devenir autant de petites antennes. À Annecy , Montreuil, et au Kremlin-Bicêtre, où ont eu lieu des expérimentations en 2018, un accord avait ainsi été passé avec l’entreprise JCDecaux pour utiliser son mobilier : des antennes ont été installées dans ses panneaux publicitaires (petits et grands), ses abribus, ses colonnes Morris (1).
En outre, toute sorte d’objets connectés pourraient également servir d’antennes. C’est ce qui est notamment prévu pour les voitures autonomes. En roulant, un véhicule de ce type communiquera directement avec ceux qui l’entoureront afin d’éviter les carambolages: la voiture de devant freine, elle prévient celle du milieu, qui ralentit aussi, et envoie le signal à la bagnole de derrière pour qu’elle fasse de même. Quels seront les effets de ces milliers d’antennes sur l’exposition du public aux champs électromagnétiques ? C’est toute la question.
Nicolas Bérard
Ce texte est un extrait du livre
5G mon amour,
enquête sur la face cachée des réseaux mobiles,
de Nicolas Bérard, co-édité par
L’âge de faire et Le passager clandestin.
240 pages, 14 euros.
Disponible en librairie à partir du 15 avril. Vous pouvez dès à présent le pré-commander sur notre site, il vous suffit de cliquer ici !