18/01/2019
Action
L’article 176 de la loi ELAN est venu modifier les articles 346-1 et suivants du Code de l’énergie concernant la possibilité de transfert des colonnes montantes électriques se situant dans les copropriétés au réseau public de distribution d’électricité.
Cette question devait impérativement être tranchée par le législateur sachant qu’il existait un flou juridique sur le réel propriétaire desdits ouvrages entre le syndicat des copropriétaires et les collectivités territoriales, autorités concédantes.
En effet, que ce soit la doctrine ou les différents arrêts judiciaires ou administratifs, les positions étaient fluctuantes, ne permettant pas de dégager de manière claire qui est propriétaire, c’est-à-dire qui doit financer leur entretien et leur rénovation si nécessaire.
La loi ELAN du 23 novembre 2018 a donc clarifié définitivement la situation.
Ceci étant, il existe une interrogation sur les modalités juridiques que devra respecter le syndicat des copropriétaires pour notifier sa décision de transfert au gestionnaire de réseau.
A travers cet article, nous allons tout d’abord repréciser le cadre légal en matière de transfert des colonnes montantes électriques et ensuite indiquer la procédure que devra respecter le syndicat des copropriétaires.
I. Un choix discrétionnaire du syndicat des copropriétaires
Le législateur est parti du postulat que les colonnes montantes électriques sont présumées faisant partie du réseau public de distribution d’électricité.
Par conséquent, le principe est que les colonnes montantes mises en service avant la publication de la loi ELAN sont réputées faisant partie de ce réseau public.
Ceci étant, l’article L346-2 du Code de l’énergie, modifié par la loi ELAN, prévoit que dans un délai de deux ans, à compter de la promulgation de cette loi (23 novembre 2018), le syndicat des copropriétaires dispose d’un droit dérogatoire permettant de faire connaître à l’autorité concédante et au gestionnaire de réseau sa volonté de garder la pleine propriété des dits ouvrages.
Autrement dit, cet article prévoit deux options qui sont prévues au premièrement et deuxièmement de l’article cité précédemment :
« 1° Notifier au gestionnaire de réseau l’acceptation du transfert définitif au réseau public de distribution d’électricité desdits ouvrages, qui prend alors effet à compter de la notification. Le transfert est effectué à titre gratuit, sans contrepartie pour le gestionnaire de réseau. Le gestionnaire de réseau ne peut s’opposer au transfert ni exiger une contrepartie financière ;
2° Revendiquer la propriété de ces ouvrages, sauf si le gestionnaire de réseau ou l’autorité concédante apporte la preuve que lesdits ouvrages appartiennent déjà au réseau public de distribution d’électricité. »
Ainsi, le législateur a prévu un dispositif à deux étapes.
Un délai de deux ans pendant lequel le syndicat des copropriétaires peut exprimer son choix vis-à-vis du gestionnaire de réseau, puis, au-delà de cette période, un dispositif par défaut qui transfère les colonnes montantes électriques au réseau public d’électricité.
Concernant celles installées à compter de la publication de la loi ELAN, l’article L346-3 du Code de l’énergie précise qu’elles appartiennent de droit au réseau public de distribution d’électricité, sans que le syndicat des copropriétaires ne puisse revendiquer sa propriété.
II. La procédure à suivre
Comme indiqué précédemment, la loi a prévu un dispositif qui permet aux syndicats des copropriétaires, du moins au cours des deux ans à compter de la loi ELAN, de notifier leur décision de garder ou non la propriété des colonnes montantes de leur immeuble.
A partir de ce principe, il est donc impératif que cette résolution soit prise en assemblée générale, ne pouvant laisser le syndic décider unilatéralement de ce choix.
Et pour cause, il s’agit d’un droit dont le seul titulaire est le syndicat des copropriétaires qui doit prendre sa décision en assemblée générale.
La question qui reste en suspens est de savoir à quelle majorité le syndicat des copropriétaires est alors habilité à prendre cette résolution.
Deux doctrines peuvent s’opposer :
- Il s’agit d’un transfert de propriété d’un équipement du syndicat des copropriétaires vers l’autorité concédante, impliquant une décision à la majorité des membres du syndicat, représentant au moins 2/3 des voix prévues à l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965.
- Il s’agit d’une décision administrative, impliquant uniquement la majorité relative des voix des copropriétaires prévues à l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965.
Pour trancher ce débat épineux et lourd de conséquences, il faut en réalité remonter à la réglementation existante depuis longtemps afin de déterminer s’il existe une présomption de concession des colonnes montantes en faveur du gestionnaire de réseau.
Tout d’abord, nous pouvons citer le décret n°46-2503 du 8 novembre 1946 qui pose le principe d’une incorporation immédiate au réseau public de toutes les colonnes montantes d’électricité, sauf opposition formelle des propriétés concernées.
Ce principe est confirmé par le décret n°55-326 du 29 mars 1955, relatif aux frais de renforcement des colonnes montantes d’électricité dans les immeubles collectifs.
Ainsi, il existe une présomption que le réseau public incorpore effectivement les colonnes montantes construites avant 1946, sauf si le gestionnaire de réseau est en mesure de prouver que la copropriété s'est opposée à cette incorporation.
Néanmoins, il faut préciser plusieurs arrêts de la Cours d’appel qui ont écarté cette présomption d’incorporation en inversant la charge de la preuve au syndicat des copropriétaires.
Pour mémoire, on peut citer l’arrêt de la Cour d’appel de Pau du 13 avril 2016, n°15/00042, ou bien celui de Chambéry du 15 février 2017 n°15/00849.
Pour autant, les récents arrêts de la Cour d’appel sont appuyés sur les dispositions règlementaires en confirmant la présomption d’incorporation des colonnes montantes au réseau public (Cour d’appel de Limoges, 24 janvier 2017, n°15/01230, Cour d’appel d’Aix en Provence, 23 janvier 2018, n°16/05859, Cour d’appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 15 février 2018, n°17/00426).
A cela s’ajoute des arrêts de la Cour administrative d’appel de Douai du 29 juin 2017, n°15DA00675, ainsi que du Tribunal Administratif de Montreuil de mars 2017, n°1510315, qui confirment cette présomption de propriété au réseau public y compris pour des immeubles construits avant la publication des décrets.
Enfin, on peut citer la réponse ministérielle n°1161 du JOAN du 27 février 2018 qui, là aussi, confirme la concession présumée des colonnes montantes à ENEDIS.
Cet inventaire de décisions judiciaires, administratives ou réponses ministérielles abonde dans le sens qu’il ne s’agit pas d’un transfert de propriété au sens strict prévu par l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965 mais bien d’une clarification administrative de la copropriété sur le transfert des colonnes montantes.
Par conséquent, la majorité relative des voix des copropriétaires suffit pour que cette décision soit entérinée par l’assemblée générale.
Voici donc une proposition de question et de résolution qu’il faudra impérativement joindre à l’assemblée générale.
Question : Transfert définitif et à titre gracieux au réseau public de distribution d’électricité des colonnes montantes électriques se situant au sein de l’immeuble.
Résolution : Conformément à l’article L346-2 du Code de l’énergie, modifié par la loi ELAN du 23 novembre 2018, l’assemblée générale décide de transférer à titre gracieux les colonnes montantes électriques au réseau public d’électricité. Il est entendu que ces colonnes montantes ne pourront être utilisées que pour passer les câbles nécessaires à l’alimentation du courant fort.
Info, pour rappel :
https://collectif-accad.fr/site/les-colonnes-montantes/