Le Gouvernement lance les réflexions sur un nouveau mécanisme d'accès à l'électricité nucléaire historique pour accentuer l'ouverture du marché de l'électricité. Il propose un dispositif inédit en Europe et spécifique à la situation française.
Energie | 16 janvier 2020 | Florence Roussel
© EDFLe Gouvernement propose un service d'intérêt économique général qui s'appliquera à la production des centrales nucléaires existantes ainsi qu'à l'EPR de Flamanville.
Depuis 2010, la France ouvre doucement son marché de l'électricité pour répondre aux attentes de l'Europe sur cette question. Afin d'encourager l'arrivée de fournisseurs alternatifs à EDF et mettre en place une concurrence, la France a créé un dispositif d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique : l'Arenh. Mais ce dispositif est transitoire et doit prendre fin au 31 décembre 2025. Le Gouvernement entame donc les réflexions sur un dispositif plus pérenne chargé de prendre le relais jusqu'à la fin de vie du parc nucléaire comprenant les centrales existantes ainsi que l'EPR de Flamanville. Il propose un service d'intérêt économique général (SIEG) et ouvre ainsi une consultation des parties prenantes en entamant en parallèle les négociations avec la commission européenne. « Puisqu'ils ont financé dans la durée le parc dans son ensemble, il paraît légitime que les consommateurs français puissent continuer à bénéficier de l'avantage compétitif qu'il peut continuer à procurer. Cela suppose de mettre en place un nouveau cadre régulatoire qui permette également de sécuriser financièrement l'exploitation du parc nucléaire avec le haut niveau de performance et de sûreté attendu », explique le Gouvernement.
EDF devra vendre l'intégralité de sa production historique sur le marché
Depuis 2010 et jusqu'à maintenant, EDF était dans l'obligation de vendre 100 TWh de sa production nucléaire et hydraulique, au prix fixe de 42 € le MWh aux fournisseurs alternatifs qui en faisaient la demande chaque année via un guichet. Avec le nouveau mécanisme proposé, EDF devra vendre l'intégralité de sa production (hors volumes déjà contractualisés) sur le marché européen. Les fournisseurs, qui pouvaient choisir de s'approvisionner auprès d'EDF ou auprès du marché lorsque les prix leur étaient plus favorables, n'auront plus ce choix. Ils devront s'approvisionner sur le marché.
Mais afin de protéger les consommateurs français de la fluctuation des prix de marché, souvent à la hausse car indexés sur les énergies fossiles et le prix carbone, et pour assurer à EDF un revenu suffisant pour couvrir ses coûts de production et l'entretien de son parc nucléaire vieillissant, le Gouvernement propose la mise en place de deux garde-fous. Premièrement, un prix plafond : si EDF vend sur le marché à un prix plus élevé que ce plafond, il devra rétribuer la différence aux fournisseurs pour que ces derniers puissent continuer à proposer des prix moins élevés aux consommateurs français. Deuxièmement, un prix plancher de vente pour EDF, qui sera une sorte de complément de rémunération. S'il vend sous le prix plancher, les fournisseurs devront lui compléter ce revenu pour lui garantir le prix minimum fixé.
Un corridor de prix évolutif
Le Gouvernement propose donc d'encadrer la vente sur le marché par deux limites formant ainsi un corridor. Les tarifs plancher et plafond ne sont pas encore fixés. Ils devront être établis au cours de la consultation. Une mission d'expert doit évaluer les coûts de production du nucléaire et leur évolution. Le Gouvernement propose toutefois que la différence entre les deux limites sera de 6 €/MWh maximum. À l'intérieur de ce corridor, les prix de marché s'appliquent. À l'extérieur, les garde-fous déterminent les flux financiers à rembourser entre fournisseurs et producteur a posteriori des ventes. Le Gouvernement estime que le prix idéal de vente pour EDF se situerait au centre de ce corridor.
Une entrée en vigueur « au plus tôt »
La consultation débute ce vendredi 17 janvier. Le Gouvernement espère finaliser le dispositif au cours du premier semestre en négociant en parallèle avec la Commission européenne qui semble curieuse de voir ce que la France a imaginé. Cette négociation sera sans doute intimement liée à celle de l'ouverture à la concurrence des concessions hydrauliques.
Mais pour entrer en vigueur, ce dispositif nécessitera des ajustements législatifs et réglementaires, de même qu'une séparation nette et étanche entre les services de fourniture d'EDF et sa partie production. En tant que fournisseur, EDF sera sur un pied d'égalité avec les fournisseurs alternatifs. Le Gouvernement a d'ailleurs demandé au PDG du groupe de réfléchir à cette organisation et de faire des propositions d'ici la fin de l'année. Le Gouvernement aimerait une mise en place « le plus tôt possible » ou au 1er janvier 2026 maximum.