I. Rappel des épisodes précédents
Les ouvrages, moulins notamment, de micro-hydroélectricité sont regardés comme parés de vice ou de vertus par l’administration d’Etat, façon courant alternatif.
En termes d’énergies renouvelables, ils sont vertueux. En termes de continuité écologique des cours d’eau, ces ouvrages sont parfois combattus.
Voir :
L’Etat perd un nombre conséquent de ses contentieux en ce domaine face notamment aux propriétaires de moulins ou autres ouvrages de micro-production d’électricité et autres titulaires de droits d’eau.
De l’autre côté, les associations dénoncent de faibles moyens et de forts retards en matière de restauration de la continuité écologique des cours d’eau. Voir :
Et l’évolution des positions du Ministère a contribué un peu à calmer le jeu, mais très partiellement et avec des contentieux en vue (note technique du 30 avril 2019 et surtout décret n° 2019-827 du 3 août 2019). Voir :
- https://blog.landot-avocats.net/2019/05/17/la-continuite-ecologique-des-cours-deau-pourrait-redevenir-un-long-fleuve-tranquille/
- https://blog.landot-avocats.net/2019/05/22/continuite-ecologique-des-cours-deau-m-claude-miqueu-nous-fait-part-de-ses-reflexions-et-de-letat-davancement-des-discussions-en-cours/
- https://blog.landot-avocats.net/2019/07/02/les-10-juridiques-edition-du-2-juillet-2019-video/
- https://blog.landot-avocats.net/2016/02/01/continuite-des-cours-deau-la-jurisprudence-nest-pas-un-fleuve-tranquille/
- https://blog.landot-avocats.net/2019/08/06/quest-ce-quun-obstacle-a-la-continuite-ecologique-dun-cours-deau/
II. La nouvelle loi devrait aider à rétablir le courant entre acteurs de la micro-hydroélectricité et l’Etat…
Sauf que les choses changent, que d’un autre côté le Ministère et le Parlement veulent développer la micro-hydre-électricité… ce qui va être entériné par la future loi énergie et climat qui a été définitivement adoptée au Parlement et va, donc, être bientôt adoptée définitivement.
Voici le PDF de cette future loi « relative à l’énergie et au climat» adoptée par le Parlement :
Sur ce texte, voir :
Cette loi commence par fixer des objectifs ambitieux dont encourager la : « production d’énergie hydraulique, notamment la petite hydroélectricité »
Citons sur ce point M. Anthony Cellier, rapporteur de la commission mixte paritaire : « nous prévoyons notamment d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. […]e.
« Celle-ci consiste à réduire notre consommation d’énergies fossiles de 40 % en 2030, c’est-à-dire dans dix ans ; à fermer nos quatre dernières centrales à charbon d’ici à 2022, c’est-à-dire dans deux ans, tout en accompagnant les femmes et les hommes qui perdent leur outil de travail ; à développer davantage les énergies renouvelables, ce que ce texte et la programmation pluriannuelle de l’énergie permettent, dès maintenant, en prévoyant une augmentation de la production hydroélectrique, […]. »
Cette loi d’ailleurs favorise plus largement les énergies renouvelables, notamment solaires (avec 30 % de solaire ou de végétalisation pour les nouveaux supermarchés, ombrières de parc de stationnement, ou autres entrepôts ; de nouvelles dérogations pour des zones pouvant abriter des projets photovoltaïques ; possibilité pour les organismes HLM de devenir personne morale organisatrice d’une opération d’autoconsommation ; etc.).
A ce titre, il est à noter que nombre de parlementaires ont été offensifs à ce sujet, et ce sur tous les bancs. Voici quelques illustrations à ce sujet :
Mme Nadia Sollogoub (DD) : « …J’ai cru comprendre qu’il était envisagé de préserver les installations hydroélectriques « au cas par cas »,en quelque sorte, et la réponse à ma récente question écrite va dans le même sens. N’en déplaise aux poissons et aux pêcheurs, j’estime qu’il faudrait adopter une position plus ferme. Aux termes de l’article L. 211-1 du code de l’environnement, « la gestion équilibrée de la ressource en eau ne fait pas obstacle à la préservation du patrimoine hydraulique, en particulier des moulins hydrauliques et de leurs dépendances, ouvrages aménagés pour l’utilisation de la force hydraulique des cours d’eau […]. »Remettre en service un moulin s’apparente à un véritable parcours du combattant, ce qui ne devrait pas être le cas. (Mme Michèle Vullien applaudit.)… »
Mme Anne-Catherine Loisier (UC).« …Je veux insister sur un point : au-delà du « réservoir » énergétique qu’ils représentent, les petits sites de production hydroélectrique mobilisent des milliers de citoyens engagés dans la transition énergétique. Cette dimension d’engagement social me paraît importantedans la défense de la petite hydroélectricité et des moulins… »
[…]
Mme Angèle Préville (PS). Je veux moi aussi vanter la petite hydroélectricité !
L’énergie hydroélectrique est une énergie renouvelable qui a l’avantage non seulement d’être décarbonée, mais aussi de permettre le maintien des réseaux (…) La petite hydroélectricité est une chance et une richesse potentielle pour nos territoires. Partout, quelle que soit leur taille, dans les territoires ruraux en particulier, ces installations offrent une énergie locale verte. …Surtout, la petite hydroélectricité apporte de la stabilité au réseau en en assurant la fréquence et la régulation. Elle permet ainsi de remédier aux difficultés d’intégration des énergies renouvelables. Elle offre de la valeur ajoutée, quelle que soit la puissance installée, et est très pertinente à l’échelon local. C’est un domaine d’innovations, puisque l’on peut piloter les installations à partir d’un téléphone portable et recourir à la maintenance assistée par ordinateur. C’est aussi un domaine de passionnés, qui vivent à côté de leur centrale, qui sont respectueux de l’environnement, du milieu, qui entretiennent les berges. Il y a dans la petite hydroélectricité une dimension humaine indéniable.
[…]
Laurent Duplomb (LR).« …Il importe de donner un peu d’espoir à la petite hydroélectricité, en faisant passer de 27 gigawatts à 27,5 gigawatts l’objectif de capacités de production d’énergie hydraulique installées en 2028.Je le rappelle, sur les près de 40 000 seuils non exploités que compte la France, 20 000 pourraient l’être rapidement. Les investissements dans la petite hydroélectricité se répartiraient sur l’ensemble du territoire et contribueraient à son aménagement. Comment prétendre vouloir développer les énergies renouvelables si l’on ne se sert pas de ce que nous offre la nature et si l’on ne s’inspire pas de ce qu’ont fait nos ancêtres ? La totalité des moulins ont été construits voilà des siècles.
Bien avant nous, nos ancêtres avaient compris que la force motrice de l’eau était gratuite, écologique et renouvelable.Aujourd’hui, du fait du dogmatisme scientifique de l’Agence française pour la biodiversité, on se prive de toute possibilité de développer la petite hydroélectricité sur nos cours d’eau !
Tous les pays européens qui ont favorisé le développement des sources d’énergie renouvelable, tels le Portugal ou l’Italie, ont associé l’éolien, le photovoltaïque et, surtout, l’hydroélectricité.Cessons d’être utopistes, d’être dogmatiques et de n’envisager le sujet que sous l’aspect de la biodiversité ! Je ne vois pas pourquoi nous ne nous montrerions pas aussi intelligents que nos ancêtres, qui savaient profiter des atouts offerts par la nature…. » (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
L’article L. 100-4 du code de l’énergie, comporterait après promulgation de la loi « Energie- Climat » la disposition suivante :
« I. – Pour répondre à l’urgence écologique et climatique, la politique énergétique nationale a pour objectifs (..)
(..) 4° bis. D’encourager la production d’énergie hydraulique, notamment la petite hydroélectricité »
En fait, cette évolution vers l’apaisement s’est faite ces derniers mois. Hier, le Ministre d’Etat F. De Rugy montrait encore ses réticences :
« …Nous sommes de fervent défenseur de l’hydroélectricité […] et je le dis, l’hydroélectricité des barrages ; pas la petite hydroélectricité où on bloque les rivières et on empêche les pêcheurs de pêcher …» QO, 2 avril 2019. 2ièmeséance.
Le changement de ton s’avère fort net avec la Secrétaire d’Etat Mme Emmanuelle Wargon :
« ….Nous souhaitons soutenir l’autoconsommation– la PPE est très claire à ce sujet – et avons d’ailleurs déjà pris des mesures réglementaires sur cette question afin d’en simplifier les termes autant que possible, …je confirme que la petite hydroélectricité est un sujet important.Nous devons réussir à trouver le bon compromis pour permettre son développement tout en maintenant la continuité des rivières et la biodiversité.Le Gouvernement lancera un appel d’offres permettant, à lui seul, de développer 350 mégawatts de petite hydroélectricité sur la période couverte par la PPE. De plus, je suis prête à approfondir les travaux engagés entre les services du ministère de la transition écologique, les parlementaires intéressés et, plus largement, l’ensemble des parties prenantes, pour voir s’il est possible d’avancer de manière opérationnelle sur le sujet de la petite hydroélectricité…. » Débat séance publique, 26 septembre 2019.
CONCLUSIONS :
- la micro-hydroélectricité sera plus facile et les détenteurs de droits d’eau (moulins etc.) devraient avoir moins de blocages à venir, dans le cadre d’une politique peut-être enfin réellement apaisée (au-delà de la note MTSE/DEB du 30 avril 2019),
- mais sans doute à chaque fois avec des aménagements, des adaptations pour assurer une continuité écologique des cours d’eau au cas par cas et, là, y compris en termes de coûts, nous sommes encore loin d’un apaisement définitif.
- cela dit, et c’est un sujet différent mais connexe, les conflits d’usages (avec les mondes de la pêche, de l’irrigation) sur les niveaux des cours d’eau restent vifs en dépit du récent décret.
A ces sujets, voir aussi « L’énergie citoyenne, ça coule de source » (Vidéo 4 mn – « Un projet exemplaire » : source, Jean-Marc Zulesi. Député, 8ième Bouches du Rhône, LREM)sur le Mur collaboratif : « Gouvernance des cycles de l’eau, de M. Claude Miqueu : https://padlet.com/claudemiqueu/811gkyqv4nl0