Par Kim Hill
L’article suivant est une traduction d’une critique du mouvement Extinction Rebellion, rédigée par Kim Hill, une activiste australienne. Il est possible que la branche française du mouvement prenne une direction différente des autres branches d’Extinction Rebellion, et notamment des branches principales, britannique et états-unienne. Cela serait sans doute souhaitable, mais ne changerait pas grand-chose à l’affaire. En effet, une branche locale d’un mouvement formulant des objectifs contraires à ceux des branches principales, cela risque de ne pas très bien fonctionner, d’ajouter de la confusion à une situation déjà hautement confuse. En outre, les branches britanniques et états-unienne sont les plus suivies et médiatisées au monde.
Le mouvement Extinction Rebellion (XR) s’est déployé à travers le monde, des millions de personnes défilant dans les rues afin de demander aux gouvernements qu’ils s’occupent du réchauffement climatique et, plus généralement, de la crise écologique. L’ampleur du mouvement est telle qu’il est en mesure d’avoir un impact significatif sur le cours de l’Histoire, d’apporter des changements massifs à la structure de nos sociétés.
Cependant, la nature de ce qu’il demande n’est pas claire, et mérite un examen approfondi. Notamment en raison de cette longue histoire de puissants intérêts gouvernementaux ou industriels apportant leur soutien à des mouvements sociaux dans l’unique but de réorienter ou d’orienter leur action afin qu’elle rejoigne leurs propres objectifs. Extinction Rebellion ne fait pas exception.
Avec la vie sur Terre en jeu, chaque décision déterminant le fonctionnement de nos sociétés doit être scrupuleusement étudiée. Les actions ont des conséquences, et au point où nous en sommes, le moindre faux pas peut être catastrophique. Le sentiment selon lequel ces problèmes ont été suffisamment discutés et qu’il est maintenant temps de passer à l’action directe est compréhensible. Cependant, sans objectifs clairs et sans un plan pour les atteindre, nos actions risquent plutôt de faire empirer la situation.
L’extinction des espèces et le changement climatique font partie des nombreuses conséquences désastreuses que génère la société industrielle. Vouloir agir pour mettre fin à la destruction du monde naturel est admirable. Cependant, se rebeller contre les effets sans confronter directement les systèmes économiques et politiques qui les produisent revient à traiter les symptômes plutôt que la maladie. Cela ne fonctionnera pas. S’attaquer à un seul aspect du système, sans prendre en compte les interconnexions industrielles et les structures de gouvernance ne peut qu’aboutir à un empirement de la situation.
Demande n° 2 : zéro émission nette (ou « neutralité carbone en 2025 »)
Agir maintenant : Le gouvernement doit agir maintenant pour mettre un terme à la perte de biodiversité et ramener les émissions de gaz à effet de serre à zéro d’ici 2025. [Traduction des objectifs de la branche britannique d’Extinction Rebellion, le concept de zéro émission nette, de neutralité carbone, est cependant repris par la branche française. En outre, les médias du monde entier sont bien plus susceptibles de s’intéresser aux objectifs de la branche originelle du mouvement, la plus célèbre. NdT]
Les objectifs d’Extinction Rebellion sont exprimés en 3 demandes, respectivement intitulées « Dire la Vérité » (Tell the Truth), « Agir Maintenant » (Act Now), et « Au-delà de la Politique » (Beyond Politics). Je commencerai par m’intéresser à leur second objectif parce que la neutralité carbone est la principale demande du mouvement, parce que ce concept aura et a déjà un énorme impact politique, économique et social.
Que signifie « zéro émission nette » ? Selon les mots de Catherie Abreu, directrice générale du Réseau Action Climat : « En bref, cela signifie que la quantité de carbone que l’on émet dans l’atmosphère est égale à la quantité absorbée ». L’expression « neutre en carbone » (ou carboneutre) est synonyme de « zéro émission nette ».
La neutralité carbone, ça n’existe pas. Il n’existe aucun moyen de « dé-brûler » des énergies fossiles. Cette demande, ce concept, ne vise pas à mettre un terme à l’extraction et à la combustion de carburants fossiles, mais à permettre à l’industrie du pétrole et du gaz de continuer, au motif que quelque technologie non existante rendrait tout cela acceptable. XR (Extinction Rebellion) ne spécifie pas comment ils prévoient d’atteindre cet objectif.
Les promoteurs de la neutralité carbone défendent l’échange de compensations carbone, afin que les entreprises puissent payer pour que le carbone qu’elles émettent soit [supposément] capturé ailleurs, ce qui leur évite d’avoir à véritablement réduire leurs émissions. Cette approche crée une nouvelle industrie, un nouveau marché où l’on vend des crédits carbone. Les éoliennes, les barrages hydro-électriques, les biocarburants, les panneaux solaires, les projets d’efficacité énergétique et la capture de carbone sont des crédits carbone couramment échangés. Rien de tout cela ne réduit réellement les émissions de carbone en pratique, au contraire, tout cela contribue à faire augmenter les émissions de GES (Gaz à Effet de Serre). Sous couvert d’un tel concept, une économie supposément neutre en carbone continue d’extraire et d’utiliser des combustibles fossiles, tout en générant des profits massifs pour des entreprises liées à ce marché du carbone. Louis Redshaw, en charge des marchés environnementaux à Barclays Capital, a prédit en 2007 que « le carbone va devenir le plus important marché mondial d’échange de marchandises, et pourrait devenir le plus grand marché du monde tout court ».
Cet objectif de neutralité carbone est soutenu par plus de 100 entreprises et lobbies dans une lettre au gouvernement du Royaume-Uni, stipulant : « Nous voyons la menace que le changement climatique constitue pour nos affaires et nos investissements, ainsi que les opportunités économiques significatives que présente un investissement précoce dans le développement de nouveaux services et marchandises faibles en carbone ». Parmi ces entreprises, on retrouve Shell, Nestlé et Unilever. Shell qui a causé des milliers de fuites de pétrole et de déversements toxiques au Nigéria et à travers le monde, a exécuté des manifestants, détient 60 % du projet de pétrole de sable d’Athabasca en Alberta, et a l’intention de continuer à extraire du pétrole pendant très longtemps. Nestlé qui profite de la contamination de l’eau en vendant des bouteilles d’eau, tout en épuisant les aquifères mondiaux. Unilever qui est responsable d’avoir rasé des forêts tropicales pour de l’huile de palme et du papier, déversé des tonnes de mercure en Inde, et engrangé des milliards en promouvant de la malbouffe emballée dans du plastique ainsi que des produits de consommation inutiles aux populations les plus pauvres du monde. Toutes ces entreprises défendent le libre marché et la privatisation des biens publics, exploitent les travailleurs et ignorent les lois environnementales dans les pays pauvres [et parfois aussi dans les pays riches, NdT]. Leur lettre est claire, ces industriels cherchent simplement à profiter de cette crise, non pas à mettre un terme aux destructions et aux dégradations dont ils sont responsables.
Voici quelques-uns des alliés d’Extinction Rebellion dans cet objectif de neutralité carbone.
Quelques milliardaires et capitalistes promouvant (et profitant de) cette noble cause.
Association mondiale du charbon – Zéro émission nette : nouvel objectif climatique et nouvelle chance pour le charbon”. L’industrie du charbon voit la neutralité carbone comme une bonne opportunité d’étendre ses affaires.
L’industrie du nucléaire considère également la campagne pour la neutralité carbone comme une source de réjouissance. Même la fracturation est considérée comme compatible avec cet objectif.
La neutralité carbone en pratique
Examinons quelques moyens censés permettre de parvenir à la neutralité carbone.
Les énergies dites renouvelables ne réduisent pas, ou si peu, la quantité d’énergie générée par les combustibles les énergies fossiles, elles s’y ajoutent, et ne font rien du tout pour réduire la quantité de carbone dans l’atmosphère. Les éoliennes et les panneaux solaires sont faits de métaux, qui sont extraits au moyen d’énergies fossiles [et aussi, par exemple, de silicium, en ce qui concerne certains panneaux solaires, silicium dont la production, très énergivore, repose sur l’utilisation de combustibles fossiles ; pour plus de détails, voir cet article : NdT]. Parvenir à 100 % d’énergies renouvelables exigerait une quantité si importante de certains métaux qu’il n’en existe simplement pas suffisamment, et l’extraction des métaux rares est principalement réalisée illégalement dans des zones écologiques sensibles, en Chine. Il existe des projets d’extraction minière en eaux profondes pour obtenir les minerais nécessaires aux panneaux solaires, éoliennes et batteries de voitures électriques. L’extraction minière génère des destructions massives, pollue forêts et rivières, participant à l’extermination des espèces (extinction de masse) et aux dérèglements climatiques. Mais elle rapporte gros à bon nombre d’entreprises [et permet l’existence de la société industrielle tout entière, NdT], qui peuvent désormais prétendre à des subventions gouvernementales pour alimenter la nouvelle économie du climat. La quantité d’énergies fossiles requise pour alimenter les mines, la fabrication, l’infrastructure et la maintenance des technologies dites renouvelables finit d’exposer le mensonge que constituent les caractéristiques (« propres », « vertes » ou « renouvelables ») associées à ces énergies. Les « parcs » éoliens et les « fermes » solaires (splendide novlangue) sont parfois installés sur les terres de véritables fermes, ainsi que dans des déserts et forêts. Et l’énergie générée ne sert pas à protéger des espèces en danger, mais alimente les entreprises responsables de l’extermination massive des espèces. Ce n’est pas une solution. Pas le moins du monde. Dans la logique de neutralité carbone de l’échange de crédits carbone, les énergies renouvelables sont présentées comme une alternative à l’extraction d’énergies fossiles. Elles sont en réalité un moyen d’acheter un « permis » de brûler encore plus de pétrole. Double arnaque et mensonges renouvelables.
La composition d’une seule éolienne de 3MW. On compte actuellement environ 350 000 éoliennes dans le monde, et atteindre la consommation d’énergie actuelle avec 100 % d’énergie éolienne nécessiterait près de 4 millions d’éoliennes. Image : The World Bank — Climate-Smart Mining: Minerals for Climate Action.
L’amélioration de l’efficacité des procédés industriels mène à une augmentation de la quantité d’énergie consommée, non pas à une baisse, car une plus grande quantité peut être produite avec l’énergie disponible, et plus d’énergie est rendue disponible pour d’autres utilisations. Les industries qui convertissent le monde vivant en merdes jetables doivent être arrêtées, pas davantage subventionnées pour détruire la planète plus efficacement.
La reforestation serait un moyen formidable de commencer à réparer les dommages infligés au monde, au lieu de quoi elle est utilisée pour étendre l’industrie du bois, qui emploie des expressions comme « marché du carbone forestier » et « déforestation neutre en carbone » afin de rationaliser la destruction des forêts primaires, d’expulser leurs habitants, et de les remplacer par des plantations. Ceux qui cherchent à tirer profit de la reforestation promeuvent des plantations d’arbres génétiquement modifiés, dépendantes des pesticides, des monocultures plantées par drones. Ils anticipent une demande croissante pour des produits issus du bois dans la nouvelle « bio-économie ». Douze millions d’hectares de forêt tropicale ont été rasés en 2018, l’équivalent de trente terrains de football par minute. La déforestation se poursuit ainsi depuis des décennies, sans aucune baisse en vue. Aucun crédit carbone ou échange d’émissions ne peut avoir d’effets tant que la destruction de la forêt continue. En outre, la réparation des dommages passés ne rend pas acceptable le fait de continuer à nuire. Pour que la Terre commence à recouvrer la santé, il faut que cessent toutes les activités qui la dégradent.
La capture et le stockage de carbone (CSC) sont promus comme un moyen d’extraire le carbone émis par les activités industrielles, et de l’enterrer en profondeur. De grandes quantités d’énergie et d’eau fraîche sont requises, et des polluants relâchés dans l’atmosphère. L’objectif des installations de capture de carbone actuellement opérationnelles n’est pas de stocker le dioxyde de carbone, mais de l’utiliser dans un processus appelé « Enhanced Oil Recovery » (Extraction améliorée de pétrole, ou « récupération assistée du pétrole »), qui implique d’injecter du CO2 dans des champs de pétrole presque épuisés, afin d’en extraire encore plus. Avec l’échange de crédits carbone, le marché d’extraction du pétrole devient plus profitable, puisqu’on peut vendre les compensations carbone. Encore une fois, la solution proposée mène à une plus grande utilisation d’énergies fossiles, pas à une diminution. Le dioxyde de carbone stocké a de grandes chances de fuiter dans l’atmosphère, de provoquer des tremblements de terre et d’asphyxier tous les êtres vivants alentour. Ce titre d’article vous dira tout ce que vous avez besoin de savoir : « La meilleure installation de capture du carbone dans le monde émet 25 fois plus de CO2 qu’elle n’en séquestre ». La capture de carbone pour le stockage sous-terrain n’est ni techniquement, ni commercialement viable. En effet, elle est très risquée, et il n’existe pas de motivation financière pour entreposer le dioxyde de carbone. Cela requiert donc des investissements gouvernementaux et des subventions. Ces subventions permettent à l’extraction de charbon et de gaz de devenir plus viables financièrement, étendant ainsi l’industrie.
Le carbone capturé est utilisé pour extraire le pétrole, dans le programme Enhanced Oil Recovery (EOR) ou Récupération Assistée du Pétrole (RAP). Si le site des émissions n’est pas à proximité d’un puits de pétrole, le dioxyde de carbone doit être transporté en bateau, ou acheminé par de très longs pipelines. Recourir à la capture de carbone à l’échelle des seuls États-Unis requerrait 37 000 km de pipelines dédiés au dioxyde de carbone.
Les biocarburants avec capture et stockage du carbone (BECSC), désignent un plan psychopathique pour raser les forêts, s’emparer des terres arables pour y faire pousser des plants génétiquement modifiés, brûler les arbres et les cultures pour en faire une source d’énergie, et enfin enterrer le dioxyde de carbone sous terre (c’est-à-dire l’utiliser pour étendre la production de pétrole et de gaz). Cela requerrait une quantité de terres presque égale à la taille de l’Australie, ou jusqu’à 80 % des terres arables mondiales actuelles, des tonnes d’engrais chimiques (produits à partir d’énergies fossiles). Cela mènerait à une dégradation des sols (causant encore plus d’émissions), des pénuries de nourriture, d’eau, des spoliations de terres, une croissance massive du taux d’extinction des espèces. Bref, à l’empirement tous azimuts du désastre en cours. Les promoteurs de ce concept (les compagnies pétrolières) reconnaissent qu’atteindre leur objectif nécessitera « trois fois la production de céréales mondiale actuelle, deux fois l’utilisation mondiale d’eau pour l’agriculture, et vingt fois l’utilisation annuelle de nutriments ». Évidemment, cela se fera en majeure partie sur des terres volées aux populations les plus pauvres, en Afrique, en Amérique du Sud ou en Asie. L’énergie générée sera utilisée pour produire plus d’avions de chasse, de films hollywoodiens, de gadgets inutiles et d’expansion urbaine. Aux États-Unis, au Royaume-Uni [et en France], on brûle d’ores et déjà des arbres pour produire de l’énergie « propre ». Lier la capture de carbone à l’énergie issue de la biomasse signifie que 30 % de plus d’arbres ou de cultures doivent être brûlés pour alimenter les installations de capture de carbone et de stockage, afin d’isoler les émissions causées par la combustion. En outre, cela constitue un crédit carbone, c’est-à-dire (d’un moyen de perpétuer les industries des énergies fossiles. Le GIEC (dans ses 3 scénarios les plus probables) recommande d’utiliser les BECCS à grande échelle afin de maintenir le réchauffement sous les 2° C. Ceux qui soutiennent une imbécilité aussi criminelle ont leur place en enfer, où dans l’incinérateur d’une centrale à biomasse.
L’image date de 2015. Depuis, des millions de tonnes de granulés de bois issus de forêts états-uniennes coupées à blanc ont été importés au Royaume-Uni, et brûlés à la centrale électrique de Drax, dans le Yorkshire, pour alimenter les maisons des citoyens. Les compagnies énergétiques reçoivent environ 1 milliard de livres par année en subventions britanniques pour générer de l’électricité à partir de biomasse. Il existe des plans pour construire d’autres centrales électriques fonctionnant avec de la « biomasse ». Image : www.biofuelwatch.org.uk.
Voilà à quoi ressemble, en pratique, une économie « décarbonée ». Augmentation des extractions d’énergies fossiles, du défrichage des sols, des extractions minières (jusqu’à neuf fois plus qu’actuellement), de la pollution, des guerres pour l’accès aux ressources, de l’exploitation et de l’extermination des espèces. Tout l’argent que XR demande aux gouvernements d’investir dans la « décarbonisation » est investi directement dans le pétrole, le gaz, le charbon et les entreprises minières, afin d’étendre leurs industries et d’augmenter leurs profits. Le Center for International Environmental Law (Centre pour les Lois Environnementales Internationales), dans un rapport intitulé « Fuel to the fire » (Du combustible pour le feu), explique : « Le gouvernement des États-Unis subventionne les recherches sur la capture et le stockage du carbone depuis 1997, et y a investi plus de 5 milliards de dollars depuis 2010 ». Les entreprises des énergies fossiles défendent la neutralité carbone depuis quelques années maintenant. Elles considèrent cela comme un moyen de sauver une industrie du charbon en mauvaise posture, et d’augmenter la demande en pétrole et gaz, puisque les énergies dites « renouvelables » (éolien, solaire, biocarburants, etc.) et les technologies de capture du carbone sont toutes dépendantes des énergies fossiles pour leur fonctionnement.
Ceux qui affirment qu’une économie neutre en carbone est possible sont des menteurs. Toutes ces stratégies émettent plus de gaz à effet de serre qu’elles n’en capturent. La deuxième demande d’Extinction Rebellion contredit directement la première.
Ces approches sont utilisées pour masquer le problème, et pour se débarrasser de ses conséquences en les imposant à d’autres : les populations pauvres, les non-humains, les pays du Sud économique et les générations futures, tout cela au nom du profit [et de la volonté de puissance qui fonde l’idéologie du Progrès de la société techno-industrielle, NdT]. L’objectif ici n’est pas de maintenir un climat stable, ou de protéger des espèces en danger, mais de faire de l’argent en faisant semblant d’en avoir quelque chose à faire.
La croissance verte, la neutralité carbone et le Green New Deal (qui vise explicitement à stimuler l’économie, y compris en soutenant « l’extraction des combustibles fossiles restants au moyen de la capture de carbone ») sont des contes de fées qui nous sont vendus par les compagnies énergétiques, de la poudre aux yeux, des mensonges rassurants qui nous promettent un avenir radieux. En réalité, tout cela ne change rien. Pire, cela perpétue et fait empirer le problème, qui s’élève déjà à 200 espèces détruites chaque jour qui passe. Avec la croissance économique exponentielle (et donc une action climatique exponentielle) ce taux d’extinction va aussi croître exponentiellement. Grâce à l’argent des travailleurs, sous la forme de fonds de pensions, de taxes carbones et d’impôts pour l’urgence climatique.
La branche états-unienne de XR liste la croissance (« growth ») comme l’un de ses premiers objectifs. Image : extinctionrebellion.us
La transition vers la neutralité carbone
On dénombre les projets de construction d’installations de capture du carbone par milliers, toutes impliquant des routes, des pipelines, des lignes électriques, du transport maritime, des défrichements, de l’eau, de la pollution, du bruit, et la destruction des cultures locales, vivrières, pour les profits d’entreprises, tout cela dans l’objectif d’extraire plus de pétrole. Et avec le soutien de la Rébellion.
Les projets de Shell d’atteindre la neutralité carbone consistent à construire plus d’un milliard de voitures, recouvrir des millions d’hectares de panneaux solaires, construire une nouvelle installation de capture du carbone chaque jour au cours des prochaines années (plus de 14 000), et à faire en sorte qu’un tiers de leur consommation actuelle de pétrole soit couverte par des biocarburants. Cela laisserait une large proportion de la population humaine mondiale sans nourriture, et la majorité de la vie sauvage sans foyer. Ce projet équivaut à la fois à un génocide et à un écocide. Et Extinction Rebellion veut que tout cela se produise d’ici 2025.
Essayons de former une idée de l’ampleur de cette transformation économique. Un milliard de secondes équivaut à peu près à 32 ans. Si vous aligniez un milliard de voitures et que vous couriez dessus à la vitesse d’une voiture par seconde, vous courriez pendant 32 ans sans vous arrêtez. Il s’agit de suffisamment de voitures pour faire 100 fois le tour de l’équateur. Vous auriez probablement besoin de transformer des continents entiers en sites miniers pour extraire tous les minerais requis pour les fabriquer. Et même cela ne serait pas assez, car certains des métaux terrestres rares nécessaires aux batteries n’existent pas en quantité suffisante. Si toutes ces voitures étaient alimentées par des énergies renouvelables, imaginez les extractions minières qui seraient nécessaires pour continuer à fabriquer des éoliennes et des panneaux solaires. Peut-être plusieurs continents de plus. Et d’autres devraient être recouverts de panneaux, d’éoliennes, de câbles électriques, et de postes électriques. Et d’autres encore devraient être consacrés à l’extraction du pétrole requis pour alimenter l’extraction minière et la construction de routes. Ce qui ne laisse aucune place pour la vie. Et tout cela pour quoi ? Pour que nous puissions passer nos vies bloqués dans les embouteillages ? Ridicule et apocalyptique. C’est pourtant c’est ce que les lobbyistes de la neutralité carbone, avec l’aide des gouvernements des États-Unis et du Royaume-Uni, ainsi que de l’Union Européenne, ont déjà commencé à mettre en place.
Shell est à la pointe de la transition énergétique, avec le gaz, les biocarburants, la capture de carbone, les énergies renouvelables, les technologies brevetées, la vente de crédits carbones. Scenarios thought leadership (Scénario de direction), cela désigne une volonté de déterminer le programme mondial, et de conseiller les gouvernements sur la meilleure manière dont ils pourraient servir leur intérêt. Tout cela en continuant leur activité principale d’extraction du pétrole.
Le scénario de Shell et les programmes de conseils gouvernementaux semblent se porter formidablement, le sénat des États-Unis venant de passer de nombreuses lois, au cours des derniers mois, visant à accroitre les subventions des industriels du pétrole recourant à la capture du carbone, ainsi que des lois visant à subventionner la recherche et le développement, l’éolien, l’énergie solaire, le nucléaire, le charbon et le gaz. Et toujours plus de capture de carbone, à en juger par le programme des prochains mois.
Ceci, datant du 17 Juillet, liste quelques-unes des multiples lois proposant d’augmenter la subvention des industries énergétiques. Aucune objection de la part des rebelles.
Le gouvernement du Royaume-Uni, selon les conseils de l’ONG Energy and Climate Intelligence Unit (Unité de renseignement sur l’énergie et le climat), est en train d’organiser une transition vers la « neutralité carbone », impliquant la capture de carbone, le nucléaire, les biocarburants, l’hydrogène, l’ammoniac-énergie, l’éolien, l’énergie solaire, le pétrole, le gaz, les voitures électriques, les Smart Grids (« réseaux intelligents »), le marché du carbone, et l’inévitable croissance économique. Ils sont en train d’offrir de la « finance climatique » aux pays du Sud économique afin d’imposer ce désastre industriel à la planète entière. Mais aussi selon les conseils avisés de conseillers issus de l’industrie du pétrole ou de la finance, et avec l’appui des industries de la capture et du stockage du carbone, du pétrole, du gaz, des biocarburants, des énergies renouvelables, manufacturières, des produits chimiques, de l’hydrogène, du nucléaire, de l’aviation, de l’automobile, des extractions minières et de l’agriculture.
Tiré du rapport Net Zero : The UK’s contribution to stopping global warming (Neutralité carbone : La contribution du Royaume-Uni pour mettre un terme au réchauffement climatique), p. 140. Cela rend explicite le fait qu’en plus des options « avec des regrets faibles », il y a une intention de mettre en place des « options spéculatives », soit des technologies qui sont certaines de causer des dommages sociaux et environnementaux. Et de hauts niveaux de regrets. Dont le « Direct Air Capture », l’augmentation de la demande en bois, la réduction de la consommation de viande et de lait de 50 % et leur remplacement par de la viande synthétique, la conversion de terres agricoles en champs de biocarburants, une gestion forestière à « courte rotation » (ce qui signifie abattre plus d’arbres), des altérations climatiques augmentées, du charbon à usage agricole, des carburants synthétiques, de plus haut taux de CSC, ainsi qu’un déploiement de l’énergie hydrogène plus étendu. À cette échelle, la capture de carbone et les BECCS sont seulement considérés comme « faibles à moyennement regrettables ». Le rapport indique clairement que « les CSC sont une nécessité et non une option ».
Plus de détails sur le plan du Royaume-Uni pour atteindre la neutralité carbone : des avions alimentés en biocarburants, du transport maritime alimenté à l’ammoniac, des véhicules électriques ou alimentés à l’hydrogène, et « des opportunités de croissance industrielle propre ». Tout cela dépendant des énergies fossiles.
3 Septembre : L’industrie du gaz et du pétrole a déjà commencé à étendre ses opérations en réponse à l’ambition britannique d’atteindre la neutralité carbone. « Le nouveau Centre travaillera avec le gouvernement et les industries pour s’occuper de l’empreinte écologique des infrastructures offshores de gaz et de pétrole tout en développant aussi des technologies qui contribueront à la demande croissante pour une production d’hydrogène et le stockage de carbone […]. Le ministre d’État britannique « pour l’énergie et une croissance propre » Kwasi Kwarteng a déclaré : “Le secteur du pétrole et du gaz britannique a un rôle crucial à jouer dans le chemin du Royaume-Uni vers une économie neutre en carbone d’ici 2050. Le soutien des entreprises de l’industrie est vital afin que nous puissions accomplir cette transition énergétique vers un futur plus vert”.
L’Union Européenne, conseillée par la European Climate Foundation (Fondation Européenne pour le Climat), financée par d’importantes entreprises, est en train d’organiser un plan similaire, visant à rester compétitif avec le reste du monde industrialisé. L’Union Européenne a l’intention de dédier 25 % de son budget à des « financements verts », visant à gérer les problèmes climatiques. D’autres pays industrialisés ont aussi pour projet de parvenir à une économie décarbonée (neutre en carbone).
Les émissions propres sont aussi l’objectif des groupes qui ont déclaré l’urgence climatique, qui sont près d’un millier, représentant plus de 200 millions de citoyens.
Voilà pour ce que la Rébellion promeut et exige de la part des gouvernements du monde.
Le plan de décarbonisation de l’Australie, avec les nuisances soi-disant vertes habituelles : efficacité, énergies renouvelables, nucléaire, CSC (capture et stockage du carbone), gaz, carbone forestier, biocarburants et croissance économique. ClimateWorks est financée par des investisseurs dans les énergies fossiles.
Kim Hill
La deuxième partie de cette enquête traite des autres demandes de la Rébellion : exiger la vérité de la part des gouvernants et des médias, et une assemblée citoyenne.
Traduction : William Blake, Olivier Lennaerts
Édition : Nicolas Casaux
Correction : Lola Bearzatto