Internet semble relever d’un processus magique. Pourtant, souvent invisibles aux yeux des utilisateurs, les pollutions engendrées par le numérique sont bien réelles.
Durant son cycle de vie, un ordinateur de 2 kg produit 160 kg de CO2. Le numérique représente aujourd’hui 2 % des émissions européennes de gaz à effet de serre. Or, les 3/4 des émissions de GES sont générées lors de la fabrication des appareils… hors de l’Europe.
Extactivisme – Plus on dématérialise, plus on utilise de matière (1). On s’apprête à extraire de la croûte terrestre plus de métaux en une génération que pendant toute l’histoire de l’humanité (2) il faut par exemple mobilier 800 kg de matières premières pour fabriquer un ordinateur de 2 kg.L’activité minière implique une forte consommation d’énergie, la destruction d’écosystèmes, la pollution de l’eau, de l’air et des sols.
Les terres rares – Des terres rares sont nécessaires pour les écrans tactiles, les batteries et les composés électroniques. Ces minerais nécessitent des procédés d’extraction encore plus polluants que l’activité minière classique. En Chine, par exemple, l’exploitation du néodyme (aimant des smartphones) génère des rejets d’eau acide et des déchets chargés en radioactivité ainsi qu’en métaux lourds (3).
Loin des yeux, Germinal – De l’extraction minière à l’évasion fiscale, l’économie numérique profite de la mondialisation pour contourner toutes les règles, à commencer par les règles sociales. Des dizaines de milliers d’enfants congolais travailleraient dans les mines de cobalt et de coltan destiné aux batteries et condensateurs de smartphones (4). A Shenzen, en Chine, où sont assemblés les smartphones de la marque Apple, l’entreprise a installé des filets anti-suicide à mi-hauteur des des immeubles où les salariés sont logés (5).
Démesure du réseau – Box Internet, récepteurs de quartiers, centres de raccordement urbains, millions de kilomètres de câbles de cuivre et de fibre optique dans le sous-sol et les océans, routeurs qui balisent, serveurs, data centers (centres de stockage et de traitement des données…) l’infrastructure numérique est bien réelle et énergivore. une box Internet consomme autant qu’un grand réfrigérateur.
Un e-mail parcourt en moyenne 15 000 kilomètres. L’envoi-d’un e-mail sans pièce jointe nécessite 5 watt-heures. Chaque heure, 10 milliards d’e-mail sont envoyés, soit 50 gigawatts-heures. Soit la production de 15 centrales nucléaires. soit 4 000 tonnes de pétrole. Soit 4 000 allers-retours Paris-New-York en avion. Toutes les heures ! pour une heure d’échange de mails… hors visionnage de vidéos en ligne, etc. (6)
Les data centers – 45 milliards de serveurs fonctionnent actuellement, 24h/24 dans les data centers. Ces ordinateurs stockent (le cloud), traitent la donnée (data) et renvoient de l’information. Les data centers utilisent des climatisations très puissantes pour refroidir les ordinateurs. Un data center de 10 000 m2 a besoin d’une puissance de raccordement au réseau électrique de 20 MW et consomme autant d’électricité qu’une ville moyenne de 50 000 habitants.
Pour le Grand Paris, à l’horizon 2030, il a été estimé un appel à une puissance électrique supplémentaire de 400 MW pour les 72 gares du Grand Paris Express, et de 1 000 MW pour les data centers (7).
Brouillard électro-magnétique – Internet mobile, multiplication des objets connectés, wifi, bluetooth, compteurs communicants, puces RFID… Le brouillard d’ondes dans lequel nous évoluons s’épaissit de jour en jour. Son impact sanitaire, lui, est ignorés des autorités. Les cas de personnes diagnostiquées électro-hypersensibles se multiplient, mais les grands projets de développement reposent quasiment tous sur un recours massif aux ondes électromagnétiques.
Non-gestion des déchets – 88 % des français changent les téléphones portables alors qu’il fonctionne encore. 60 % des déchets électroniques échappent à toute procédure et partent dans des décharges à ciel ouvert en Afrique (8).
Et dans 10 ans ? – Depuis 2013, plus d’un milliard de smartphones sont vendus chaque année. pour 2050, on parle de 50 à 125 milliards d’objets connectés : smartphones, montres, voitures… Le volume des données sur Internet double tous les deux ans. Une voiture autonome produira 4 téraoctets de données par jour à traiter et à stocker (7).
En 2030, l’ensemble de l’économie aura besoin de 51 % de l’électricité mondiale, soit l’équivalent de 4 400 réacteurs nucléaires (6).
Résister à l’oppression numérique – Des syndicalistes d’Enedis réouvrent une boutique pour continuer à recevoir du public. Des enseignants refusent d’utiliser le cahier de texte numérique. Des éleveurs risquent des sanctions pour ne pas «pucer» leurs brebis. Les collectifs anti-Linky conduisent une révolte populaire inattendue contre le compteur électrique «intelligent». La Cimade prend à leur propre jeu les préfectures, qui utilisent l’informatique pour rendre invisibles les files d’attentes des étrangers… Autant de résistances au «technototalitarisme » décrit par Pièces et main d’œuvre.
(1) Sauf précision contraire, les informations sont tirées des synthèses réalisées par l’Ademe : La face cachée du numérique et Les impacts du smartphone, 2018
(2) Philippe Bihouix, l’âge des low tech, seuil, Paris, 2014
(3) Lire : Extractivisme. Exploitation industrielle de la nature : logiques, conséquences, résistances,
d’Anna Bednik aux Éditions Le passager clandestin, 2016 (4) Unicef
(5) La machine est ton seigneur et maître, recueil des témoignages de Yang, Jenny Chang et Xu Lizhi, salariés de Foxconn, Agone, 2015
(6) Internet, la pollution cachée, film de Coline Tison et Laurent Licntenstein, Camcas productions, 2014
L’impact spatial et énergétique des data centers sur les territoires, Rapport Ademe, 2019
(8) Déchets électroniques: le grand détournement, documentaire de Coraline Salvoch et Alain Pirot, Maximal productions, 2019
Lire aussi : IA, 5G, Linky : innover pour aggraver la crise sociale et écologique (Pièces et main d’œuvre 06 avril 2019 )
Source : https://resistanceinventerre.wordpress.com/2019/05/11/la-face-cachee-du-numerique/