En métropole, la forêt couvre actuellement 16,9 millions d’hectares soit 31 % du territoire. C’est l’occupation du sol la plus importante après l’agriculture qui couvre plus de la moitié de la France métropolitaine. En France métropolitaine, le taux de boisement s’élève à 31 %.
Cette moyenne masque de fortes différences départementales. Huit départements ont un taux de boisement inférieur à 10 % : la Manche, la Vendée, le Pas-de-Calais, la Mayenne, le Calvados, la Loire-Atlantique, les Deux-Sèvres et le Nord. Cinq départements ont un taux de boisement supérieur à 60 % : la Corse-du-Sud, le Var, les Landes, les Alpes-Maritimes et les Alpes-de-Haute-Provence.
Plus les arbres deviennent l’objet de best-sellers émerveillés, plus les forêts se portent mal. Quoi ? Elles gagnent du terrain. La France n’a jamais été aussi boisée ? Les forêts couvrent pas moins de 31 % du territoire français métropolitain ? Certes, mais il s’agit de forêts industrialisées : 51 % sont constituées d’une seule essence, 16 % de deux essences. Prononcé voilà un demi-siècle, le mot d’ordre d’un directeur de l’Office national des forêts (ONF) a été suivi à la lettre : « Il faut à tous les niveaux créer une obsession de la productivité. »
Et ça marche. La forêt est devenue un capital très prisé des banques comme la Caisse d’épargne et des assureurs comme Axa. Après la Bourse et l’immobilier, c’est leur troisième portefeuille. Cette richesse est concentrée en quelques mains : 3 des propriétaires en possèdent la moitié. « La forêt est une entreprise », clame Henri de Cerval, patron de la mégastructure Alliance Forêt Bois. Elle se doit donc d’être moderne à l’image de l’agro-industrie.
Glyphosate, pesticides, néonicotinoïdes, désormais tout est bon pour nettoyer les allées de pins, dégager des parcelles, chasser l’hylobe (un charançon dévoreur de résineux qui se multiplie dans les monocultures), etc. Ajoutez-y les engrais phosphatés pour accélérer la croissance du pin Douglas, cet arbre qui gâche la forêt et que l’on plante partout car il réussit à pousser trois fois plus vite qu’un chêne, et faites passer les machines ! Le bois, coupé à 35 ans, donc trop jeune, est de qualité médiocre ? Pas grave : il faut produire toujours plu et plus vite.
Dans un petit livre alerte et combatif (1) Gaspard d’Allens raconte tout cela, et plus encore. Les suicides à répétition à l’ONF (une cinquantaine en quinze ans : plus qu’à France Telecom), dus aux suppressions de postes, à la taylorisation des tâches, à la privatisation en douce qui se prépare au « management par la terreur » (en janvier, le très honni patron de l’ONF a dû plier bagage…). Les entreprise comme Vinci, Quick ou Air France qui tentent de reverdir leur image en plantant des arbres : j’émets du carbone à tire-larigot, mais, attention, je com-pen-se ! L’arrivée des arbres génétiquement modifiés. La désastreuse centrale au bois de Gardanne…
Heureusement, comme en ont témoigné des manifs cet automne, les forestiers résistent, et aussi des bûcherons libres, des scieurs nomades et nombre d’amoureux des arbres comme l’ethnobotaniste Pierre Lieutaghi ou le jardinier Gilles Clément. Tous défendent une sylviculture respectueuse des écosystèmes. De quoi inquiéter le ministère de l’Agriculture : et si, après la mobilisation contre la mort industrielle dans les abattoirs, l’opinion publique se tournait vers la forêt réellement existante ? Et si lire des ouvrages sur la vie secrète des arbres ne leur suffisait plus ?
(1) « Main basse sur nos forêts », Seuil / Reporterre – 170 p. – 12 €
Résumé : Les forêts deviennent une industrie ! Parée du discours trompeur de l’énergie verte et des vertus de la biomasse, une entreprise massive et silencieuse de transformation de la sylve en matière se déploie en France. Nous pensons la forêt comme le refuge de la liberté, nous la parcourons pour respirer le parfum de la nature, nous nous y réfugions des trépidations urbaines. Mais les abatteuses, les voies forestières démesurées, les centrales à biomasse sont en train de l’avaler, de la quadriller, de la standardiser.
Cette dramatique industrialisation de la forêt, on ne l’avait pas encore racontée. Pendant des mois, des Landes au Morvan, de l’Auvergne aux Vosges, Gaspard d’Allens a couru les bois pour décrire et raconter le désastre en cours. Car la forêt subit maintenant la logique productiviste qui a ravagé l’agriculture, détruisant les emplois, dispersant les produits chimiques, gaspillant l’énergie, réduisant la biodiversité.
Mais il est encore possible d’inverser le cours de la destruction. Des bûcherons réinventent leur métier, des forestiers promeuvent un usage doux de la forêt, des Zad luttent contre les machines. L’espoir est là, l’alternative est vivante, les humains et les arbres peuvent se réconcilier.
Né en 1990, Gaspard d’Allens est journaliste engagé, auteur de plusieurs enquêtes au long cours sur le monde agricole et l’écologie. Ses deux précédents livres, Les Néo-Paysans (coécrit avec Lucile Leclair, 2016) et Bure, la bataille du nucléaire (avec Andrea Fuori, 2017) ont tous deux été publiés dans la collection » Reporterre « .
Source : https://resistanceinventerre.wordpress.com/2019/04/25/larbre-qui-gache-la-foret/