Au moins 2 000 tonnes de bauxaline ont été acheminées depuis la région Paca sur le site du futur laminoir. Le trafic est arrêté, mais en attendant, les riverains inhalent une substance quatre à huit fois supérieure au taux de radioactivité naturelle.
Xan Idiart|13/12/2018 10:55|0 commentaires | Mis à jour à: 10:58
En mathématiques, le produit de deux éléments négatifs donne un résultat positif. En matière de pollution en revanche, ce n'est pas forcément le cas. Sur le chantier des futurs laminoirs du port de Bayonne, 2 000 tonnes de bauxaline, une substance hautement radioactive, ont été déversées depuis octobre dernier. L'aciérie de Celsa souhaite entreprendre des travaux de terres d'excavation et utilise cette bauxaline pour traiter ces terres elles-mêmes radioactives, et qui contiennent beaucoup de plomb. Ou comment traiter de la pollution avec de la pollution.
La bauxaline est une boue rouge générée par l'activité d'Alteo à Gardanne (région Paca), une entreprise qui se targue sur son site internet d'être le "leader mondial dans la production d'alumines de spécialité". Longtemps rejetées en mer, Alteo utilise maintenant une technique de séchage pour faire de ces boues rouges la bauxaline actuellement présente sur le port de Bayonne.
La substance devait servir à la construction des voiries et du parking des laminoirs. Mais depuis que des association environnementales ont alerté de la dangerosité du trafic, l'acheminement de cette substance a pris fin. "En plus, les ouvriers manipulaient la bauxaline sans protection" fustige Pascal Burgues, responsable de la commission eau et industrie au Collectif des associations de défense de l'environnement du Pays Basque et du Sud des Landes (CADE).
Un deuxième Fertiladour
Les portiques de radioactivité de Celsa aurait sonné plusieurs fois avant l'acheminement des 2 000 tonnes. "Le problème, c'est qu'il y a un risque de contamination" s'exclame Pascal Burgues. Avec la pluie, la bauxaline entassée sur le port de Bayonne s’infiltrera dans les sols, et avec le vent; les riverains en inhaleront. Une école, celle de Notre Dame des Forges, se trouve à proximité des lieux. Autre précision : le taux de radioactivité est quatre à huit fois supérieur au taux de radioactivité naturelle.
Que faire de cet amas radioactif en plein air ? Mediabask a tenté de joindre le secrétariat permanent pour la prévention des pollutions industrielles estuaire de l'Adour qui devait se réunir ce 11 décembre. Aucune réponse ne nous a été donné pour l'instant. De son côté, la préfecture des Landes assure avoir donné l'autorisation de ces travaux car les services de l'Etat ont considéré la bauxaline comme un produit et non comme boue rouge.
"Le comble dans cette histoire, c’est qu’elle tombe au moment où le journaliste Ramuntxo Garbisu sort son livre "Au-delà des morts" qui retrace la tragédie de Fertiladour" s'insurge le membre du Cade. Cette usine d’engrais basée à Boucau avait eu pour conséquence une radioactivité 100 fois supérieure à la radioactivité naturelle. Des études complémentaires confiées à la société ANTEA ont également déterminé des terres 300 fois plus radioactives que le sol local. "Visiblement, l’histoire n’aura pas servi de leçon. Et on continue les mêmes pratiques inacceptables".
Tarnos : trois clés pour comprendre la polémique sur les boues rouges
Publié le 21/12/2018 à 9h03 par SudOuest.fr Landes.
L’aciérie Celsa est visée par le courrier de l’association Ideal aux maires de Boucau, Tarnos et au Seignanx.ph. m.-c. i.
La préfecture des Landes interdit l’entreprise Celsa de les utiliser en technique routière, sur les voiries de son site
1. Que sont les boues rouges ?
Ce terme a commencé à résonner aux oreilles du grand public en 2016, quand éclata une polémique entre Ségolène Royal, alors ministre de l’Environnement, et Manuel Valls, Premier ministre. La première souhaitait en finir avec les boues rouges déversées au large des calanques de Cassis, le second l’invitait à rentrer dans le rang…
On parle de boues rouges (ou bauxaline) pour désigner les résidus issus de l’extraction d’alumine (qui permet notamment d’obtenir de l’aluminium) à partir de la bauxite, une roche sédimentaire présente dans le Sud-Est de la France. Le problème est que cette substance, qui se transforme en une poussière rouge après évaporation des fluides, contient de nombreux métaux lourds (arsenic, fer, mercure, silice, titane…).
2. Pourquoi ont-elles été utilisées au port de Bayonne ?
La société Alteo, dans l’œil du cyclone en 2016 pour avoir déversé ses boues rouges dans la Méditerranée, a cherché des solutions pour valoriser la bauxaline qui lui reste sur les bras après production d’alumine. Des boues ont donc voyagé des Bouches-du-Rhône vers le port de Bayonne pour traiter les terres d’excavation de l’aciérie Celsa, dans les communes de Boucau et Tarnos. En clair, il s’agit de retourner ces terres chargées de plomb, pour préparer le chantier d’un futur laminoir, en utilisant le matériau en sous-couche routière. Ou comment dépolluer avec une matière potentiellement polluante…
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Une « hérésie » d’après Pascal Bugues, le responsable de la commission eau et industrie du Collectif des associations de défense de l’environnement (CADE) du Pays basque et du Sud des Landes.
3. Pourquoi la préfecture a retiré son autorisation ?
En juin, la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), autorisait le traitement des terres contaminées à grand renfort de bauxaline. Problème : lors de l’arrivage de la substance par camion, le portique de détection radioactivité de l’entreprise Celsa a bipé à plusieurs reprises. Le 25 octobre, le préfet des Landes a donc adressé un courrier à l’entreprise, lui signifiant que l’autorisation d’utilisation des boues rouges était suspendue, le temps de procéder à des analyses de radioactivité. Les résultats ont été communiqués jeudi. Selon la préfecture, « ils démontrent que la bauxaline n’a pas à être considérée comme une substance radioactive au vu des seuils réglementaires », ne représentant aucun « caractère de dangerosité pour le personnel et les populations. »
En revanche, la préfecture souligne qu’elle avait délivré son « autorisation d’utilisation de la bauxaline en tant que produit, et non à partir d’utilisation des boues rouges de la Gardanne (siège de l’usine Altéo) ».
Résultat, elle interdit son utilisation en technique routière sur les voiries du site de Celsa. L’entreprise devra également procéder à l’évacuation de la bauxaline et des tas de mélange en contenant.