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16 novembre 2018 5 16 /11 /novembre /2018 09:55

 

 

 

Publié le 16 novembre 2018 par werdna01

L’âge de faire – novembre 2018 – Fabien Ginisty –

Total s’enlise dans l’huile de palme

Total a reçu l’autorisation d’importer une quantité d’huile palme qui nécessite une déforestation équivalente à la superficie de la Martinique.

On connaît bien les ravages provoqués par la culture des palmiers à huile, notamment en Indonésie te en Malaisie, qui représentent plus de 85 % de la production mondiale (1). L’extension massive de cette monoculture se fait au détriment de la forêt primaire, menaçant d’extinction de nombreuses espèces végétales et animales. En haut d ela chaîne, on trouve les orangs-outans, les gibbons et autres tigres de Sumatra. Le sort des populations locales est moins connu mais tout aussi dramatique, population qui voit leurs terres accaparées puis incendiées pour laisser place aux monocultures. A Sumatre, dans la province de Jambi, les Orang Rimba, un peuple autochtone forestier, sont ainsi réduits à vivre dans les parcs nationaux existants pour les plus chanceux, et à survivre au milieu des palmiers à huile, sans aucun droit, pour la majorité d’entre eux.

 

Vers un doublement des importations

La culture des palmiers à huile n’est pas nouvelle, mais elle augmente de façon exponentielle (2) a cause du boom des biocarburants. En France, par exemple, 75 % de l’huile de palme importée finit dans les moteurs. C’est donc au nom d’un argument environnemental,  celui du moindre impact climatique des biocarburants sur les fossiles, qu’est justifié le saccage d’une partie de la planète jusqu’alors préservée. Comble de l’absurde : on sait aujourd’hui que cet argument ne tient pas. De nombreuses études montrent en effet que les forêts primaires stockent tellement de CO2 (végétation, sols tourbeux…) que leur destruction est un non-sens climatique. Chris Malins, un scientifique spécialiste du climat, va plus loin et n’hésite plus à affirmer que le biodiesel à partir d’huile de palme est pire pour le climat que le carburant fossile qu’il remplace. « Rien à foutre« , semble répondre le pétrolier Total. C’est en tout cas le sentiment qu’on a quand on se penche sur l’approvisionnement de la bioraffinerie de la Mède (13), conçue pour traiter 650 000 tonnes d’huiles par an, raffinerie que le pétrolier devrait mettre en service d’ici la fin de l’année. La multinationale communique à l’envi sur cette « première bioraffinerie française de taille mondiale », sans jamais oublier le « bio » devant « raffinerie ». Elle a par exemple largement communiqué sur son partenariat avec Suez, qui s’est engagé à lui fournir 20 000 tonnes d’huiles alimentaires usagées – comme les huiles de friture – par an. 20 000 tonnes, cela représente 3 % de 650 000 tonnes… Pour le reste l’activité de la Mède pourrait conduire à multiplier pratiquement par deux les importations françaises d’huile de palme. 

En mai, les services de l’État ont en effet donné le feu vert à Total pour l’exploitation du site. Cette autorisation avait donné lieu à un feuilleton médiatique en conclusion duquel « sous la pression de Nicolas Hulot, Total s’est engagé à limiter son approvisionnement en huile de palme à 300 000 tonnes par an« . 300  000 tonnes, c’est déjà trop. Surtout, cette déclaration d’intention n’est pas une contrainte : à la lecture du document délivrant l’autorisation d’exploiter, la seule limite imposée au pétrolier est celle d’un maximum de « 450 000 tonnes d’huiles végétales brutes de toutes natures« . « De toutes natures« , cela signifie que Total peut, en toute légalité, importer 450 000 tonnes d’huile de palme. 450 000 tonnes auxquelles pourront s’ajouter au minimum 100 000 tonnes de PFAD, distillats d’huile de palme, dont les impacts environnementaux sont équivalents à l’huile de palme brute… L’association Les Amis de la terre a fait les comptes ! L’État a donné l’autorisation à Total d’importer l’équivalent de 1315 km2 de cultures de palmiers à huile. L’équivalent d’un département comme la Martinique ou le Val d’Oise rasé, puis dédié à la monoculture du palmier à huile. 

La culture de l’huile de palme : cause majeure de déforestation dans le monde.

La culture de l’huile de palme : cause majeure de déforestation dans le monde.

Projet alternatif à la Mède

L’État est-il schizophrène ? (3) Un mois après avoir délivré l’autorisation d’exploiter, les autorités ont fait savoir en juin par communiqué de presse que « La France se réjouit » de l’adoption de la directive européenne sur les énergies renouvelables. Celle-ci acte l’interdiction de l’utilisation de l’huile de palme dans les carburants au plus tard en 2030. Et dès 2020, les quantités importées ne devront pas dépasser celles de 2019.  Pour le coup, cette directive apparaît comme une contrainte claire pour Total qui devra trouver d’autres approvisionnements sil veut faire tourner sa bio-raffinerie à plein régime. Or, les gisements véritablement durables, donc non sujets à interdiction (4), ne sont pas si élevés. Par exemple, l’Ademe évalue le gisement d’huile de palme alimentaire usagée sur l’ensemble du territoire à 100 000 tonnes. On est loin du compte. 

L’huile de palme est aujourd’hui 30 % moins chère que sa première rivale en termes de prix, l’huile de colza. Mais, dès 2015, les salariés du site, via la CGT, avaient déjà exprimé leur incompréhension face à ce projet économique reposant sur une huile de palme à bas coût, qui, on s’en doutait déjà, serait interdite d’ici peu. Plus que jamais, le plan de reconversion alternatif que la CGT élabore avec Les Amis de la Terre apparaît d’actualité. La piste de la production d’hydrogène décarbonée, à destination de l’industrie et des transports en commun, fait son chemin.

Suite à l’adoption de la directive, la direction de Total n’a pas réagi. On voit mal ses dirigeants déclarer qu’ils ont fait une erreur monumentale en basant la rentabilité de la Mède sur une matière première bientôt interdite. On les imagine plutôt dans les couloirs d la Commission européenne à faire pression pour que la directive soit assouplie (5). Dans ces mêmes couloirs, ils croiseront peut-être Céline Marchand, des Amis de la terre, qui explique : « Pour le moment, la directive n’inclut pas les carburants destinés au secteur de l’aviation. Total a donc encore une fenêtre pour importer de l’huile de palme à volonté. On a bien l’intention de faire fermer cette fenêtre. »

 

(1) Informations tirées  d’un rapport des Amis de la Terre – amisdelaterre.org

 (2) Elle était d’environ 20 millions de tonnes en 2000, de 45 millions en 2010, et atteint70 millions en 2017. Source USDA

(3) La France essaie de vendre 18 avions Rafale à la Malaisie. Ceci explique peut-être cela. Libération  relève qu’en 2002, la vente de sous-marins à la Malaisie avait été en partie conclue en échange de 234 millions d’euros d’achat d’huile de palme par la France

(4) Sont concernées par la directive toutes « les matières premières particulièrement émettrices de CO2 et générant de la déforstation »

(5) La Commission doit définir d’ici février 2019 les critères qui permettront de distinguer précisément les matières premières soumises à l’interdiction de celles encore autorisées.

 

Rejet de l’amendement huile de palme PLF 2019 : le gouvernement fait passer les intérêts de Total avant le climat.

Montreuil, le 19 octobre 2018 – Dans la nuit, l’Assemblée Nationale a rejeté un amendement visant à mettre un terme à une niche fiscale favorable à l’utilisation d’huile de palme dans les carburants. Cet amendement était pourtant porté par la Commission des Finances, la Commission Développement Durable et des députés de l’ensemble des partis politiques, dont LREM.

Total s’enlise dans l’huile de palme

Sylvain Angerand, coordinateur des campagnes pour les Amis de la Terre France, à l’origine de l’interpellation des députés, réagit : “En faisant pression sur les députés LREM pour leur forcer la main, le gouvernement montre son visage et affirme publiquement que les intérêts de Total passent avant les enjeux climatiques. Le gouvernement est en train de s’isoler alors qu’une coalition très large et transpartisane d’acteurs demande avec raison de mettre un terme à ce scandale”.

Mobilisés depuis 2015 pour bloquer le projet de raffinerie de Total à La Mède, les Amis de la Terre n’ont pas l’intention de renoncer à cette bataille cruciale pour l’avenir des forêts. L’examen du projet de loi Finances 2019 va se poursuivre au Sénat, et les discussions s’intensifient au niveau européen puisque la Commission doit remettre sa décision sur l’avenir de l’huile de palme dans les carburants en février 2019.

 

 

 

Source : https://resistanceinventerre.wordpress.com/2018/11/16/total-senlise-dans-lhuile-de-palme/

 

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