Marina Fabre @fabre_marina
Publié le 16 novembre 2018
Les gilets jaunes défileront le 17 novembre pour dénoncer la hausse du prix des carburants. En attendant, de plus en plus de Français se tournent vers les agrocarburants, souvent moins chers et présentés comme des alternatives vertes au diesel et à l'essence. Or, selon plusieurs études, ils seraient en fait plus polluants que les carburants fossiles à cause de la déforestation qu'ils génèrent, de l'accaparement des terres agricoles, du stockage carbone...
La France est le premier consommateur de biocarburant en Europe avec une consommation de 3 335 000 tonnes équivalents pétrole. Pixabay
Huile de palme, betterave, tournesol, soja… Les agrocarburants, appelés aussi biocarburants, sont présentés comme une alternative plus écologique à l’essence et au diesel. Dernier en date, Oleo100, du groupe Avril. Le géant de l’agroalimentaire a annoncé le 8 novembre le lancement d'un nouveau carburant issu du colza. Il compte alimenter 15 000 camions ou bus d’ici 2022.
"Oleo100 permet de réduire d’au moins 60 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport au gazole fossile auquel elle se substitue", avance Avril. D’autant, souligne le groupe, que le colza utilisé est français.
4 % d'émissions de CO2 en plus
Le problème, dénonce Greenpeace, c’est que les fabricants d’agrocarburants ne prennent en compte que les émissions directes lors de l’utilisation des véhicules. "Oleo100 va émettre plus de carbone que les carburants fossiles car il faut prendre en compte les émissions indirectes liées au changement d’affectation des sols. Les prairies stockent du carbone mais quand elles sont plantées avec du colza, elles en stockent moins", explique à France Inter Clément Sénéchal, chargé de campagne chez Greenpeace.
Selon une étude réalisée en 2016 par l’ONG Transport et Environnement et s’appuyant sur les données de la Commission européenne, les biodiesels émettraient 4 % de plus d’émissions de CO2 que le diesel ou l’essence. "Ces émissions supplémentaires équivalent à environ 12 millions de voitures supplémentaires sur les routes européennes en 2020", écrit l’ONG. "Le remède est manifestement pire que la maladie", dénonce Jos Dings, le directeur exécutif de Transport et Environnement.
Biocarburant à l'huile de palme trois fois plus polluant
Le biodiesel à base d’huile de palme serait même trois fois plus polluant que le diesel fossile. En cause, bien sûr, la déforestation. Aujourd’hui, 80 % de l’huile de palme importée dans l’Hexagone est destinée aux carburants. Le gouvernement a même autorisé Total, en mai, à importer 300 000 tonnes d’huile de palme pour alimenter sa bioraffinerie de la Mède. Le pétrolier s'étant engageant à n'utiliser qu'une production certifiée durable.
"Même si le biocarburant est produit en France, on se retrouve avec des parcelles agricoles en moins dédiées à l’alimentation. La demande alimentaire étant croissance, il faudra trouver ces terres ailleurs", explique à 20 Minutes Laura Buffet de l’ONG Transport & Environnement. "Ceci peut être facteur de déforestation et d’augmentation des prix des denrées alimentaires. Pas forcément en France mais dans les pays en développement", ajoute-t-il.
Interdiction en 2030
Les Français sont de plus en plus friands de ces biocarburants. Surtout depuis la hausse du prix du diesel et de l’essence. Avec le bioéthanol, fabriqué à partir de betteraves et dont la France est le premier producteur européen, un automobiliste peut ainsi économiser 600 euros pour 10 000 kilomètres. Et contrairement au biodiesel, il permettrait de réduire de 0,5 % les émissions de GES par rapport à l'essence.
Le gouvernement, qui vient de publier sa stratégie déforestation, a annoncé l’interdiction totale des biocarburants issus de matières premières à risque d’ici 2030. D’ici là, il compte appliquer le plafonnement de l’incorporation de biocarburants issus de matières première à risque que la Commission européenne doit définir en 2019. Il faudra par la suite qu’il se positionne sur les agrocarburants de deuxième génération, qui utilisent les déchets organiques de bois ou de culture, et même de troisième génération, à base d’algues.