Bientôt sur vos écrans
Non, Tati n’était pas mort, il tournait depuis plus d’un an, un nouveau film comique intitulé « Les carences de monsieur Hulot ». Roi de l’humour doux amer, notre homme avait en effet trouvé un sujet d’exception dans les arcanes du pouvoir. De renoncements en couleuvres avalées, il y avait là de quoi proposer un joyeux reportage sur les dérives d’un personnage qui s’emberlificote dans l’univers pervers de la politique.
Pour la distribution, il avait pensé à une vedette de la télévision, un homme qui avait toujours la défense de l’environnement dans la bouche, un beau parleur à la notoriété certaine. Le réalisateur s’était laissé prendre par un discours enjôleur, une posture qui était en réalité fort éloignée des pensées intimes tout autant que du comportement réel de l’acteur pressenti. Les apparences sont souvent trompeuses.
Des reportages pleins de fougue dans tous les coins d’un monde désespérément rond, le bateleur avait constitué une gamme de produits bien moins naturels que le laisse supposer un nom exotique tout en s’étant façonné une image de défense de l’environnement. Il avait également accumulé une belle cagnotte tandis que pour se filmer dans les endroits les plus éloignés de la civilisation, il lui avait fallu une débauche de moyens et de dépenses énergétiques qui n’apparaissaient pas à l’écran.
Tati s’était leurré comme tant d’autres. Mais en bon scénariste, il sut rebondir et son projet changea de nature. Initialement, il devait raconter la marche vers une gestion écologique d’une nation qui tournait enfin le dos à tous les travers dans lesquels elle était tombée. Adieu l’énergie nucléaire, les traitements phytosanitaires, les gaz de schiste, l’huile de palme, le transport routier pour les marchandises, la production centralisée de l’énergie, l’abandon progressif de la couverture ferroviaire des campagnes ! Cette longue liste n’était pas exhaustive même si en fait elle n’était qu’un simple attrape-nigaud. La belle espérance tournait au fiasco, nous n’avions qu’un homme de paille, un pantin n’ayant aucune prise sur les décisions réelles.
Qu’importe, Tati changea son fusil d’épaule. Il se borna à filmer le récit du renoncement, les atermoiements d’un bonhomme qui mangeait chaque jour un nouveau chapeau. De carences en carences, la vacance de l’écologie était prononcée. Il ne manquait plus que la démission du pantin pour clore l’illusion, fermer le ban et ouvrir une nouvelle étape dans la course folle à l’anthropocène. Cette fois le réalisateur tenait son scénario, un drame, une tragédie pour la planète mais un film comique du point de vue des pirouettes et des pitreries d’un parjure d’exception.
Les Carences de monsieur Hulot, c’est du grand Guignol. Le seul suspense qui tient encore en haleine les naïfs et les crédules c’est la date exacte de la fin de partie. Le réalisateur craint tout particulièrement que ce soit durant les grandes vacances. Il se murmure que Monsieur Hulot a réservé une suite à l’hôtel de la plage à Saint-Marc-sur Mer, découvrant enfin et bien trop tard, les charmes de la France. Ce serait une sortie honteuse en catimini, loin des projecteurs qui donnerait un écho considérable au film en question.
Je vous invite donc à surveiller attentivement les prochaines sorties cinématographiques. Il conviendra de prendre un mouchoir pour assister à la rétrospective des renoncements d’un renégat, les reculades d’une pensée trompeuse, les lézardes d’une façade sans fondation, les grimaces d’une vedette de pacotille. Monsieur Tati avait en somme, bien des titres possibles, la nostalgie l’a emporté, ce sera donc « Les carences de Monsieur Hulot », un film sur lequel nous n’avons qu’une certitude : l’affiche ne sera pas sur fond vert.
Pour le reste, on affirme de sources autorisées que l’acteur réclame un cachet considérable, une somme difficile à avaler pour le modeste budget du réalisateur. Il avait négligé le train de vie important d’un personnage incapable de modestie et de simplicité. Il se murmure d’ailleurs, qu’une grande partie de cette somme devra être versée dans quelques paradis fiscaux, des îles lointaines où le bonhomme aimait à se rendre pour ses émissions poudre aux yeux.
Environnement sien.