Par Pierre Recarte, vice-président du CADE
Le 27 mars dernier dans un article intitulé « 2017, tournant pour le ferroviaire en Nouvelle-Aquitaine ? » paru dans la Tribune de Bordeaux, Renaud Lagrave, vice-président de la Région Nouvelle-Aquitaine en charge des infrastructures et des transports, déclarait : « Quant à la question de la LGV au sud de Bordeaux, elle reste d'actualité. Je précise que ce n'est pas une demande de la Région mais de la Commission européenne. »
Le mensonge organisé
Le débat public de 2006 s’est articulé autour d'options très différentes : un premier scénario envisageait la mise à quatre voies de la ligne existante entre Bordeaux et Irun, les deux autres prévoyaient la construction d’une LGV par l'ouest ou l’est des Landes. Cette dernière option a été retenue sous le prétexte fallacieux d’une saturation future de la ligne actuelle. Pourtant en 2004, le président de région Alain Rousset jugeait que cette ligne ne serait pas saturée et rassurait le président de Pays, paysage en lui écrivant : « Je partage totalement votre désaccord avec I'option qui consisterait à créer une ligne nouvelle sur cette section du TGV Sud Europe Atlantique » [il évoquait la section Dax-Espagne].
La LGV au sud de Bordeaux ne serait-elle pas une demande de la Région lorsque Jean-Louis Carrère, premier vice-président de la Région Aquitaine déclare en 2007 : « la mise à deux fois deux voies n'est pas compatible avec l'idée qu'on se fait de la grande vitesse, on ne ferait que 22O km/h entre Bordeaux et Dax. » ? (Aqui 10/04/2007). La LGV ne serait-elle pas une demande de la Région lorsqu’Alain Rousset confie lors d’une interview : « Je reste confiant pour obtenir la LGV jusqu’à Irun. Je maintiens cette demande auprès du président de la République, du Premier ministre, et du ministre des Transports. » ?(Sud-Ouest 16/09/2013). Le Président réitère des propos analogues lorsqu’Alain Vidalies lui donne l’assurance que la déclaration d’utilité publique (DUP) sera signée : « le gouvernement donne un signe fort aux élus du grand Sud-Ouest qui n’ont pas cessé d’expliquer que leur territoire ne devait pas demeurer abandonné par la grande vitesse ferroviaire » (Le Moniteur 28/09/2015).
Pour que cette demande ne soit pas considérée comme un caprice onéreux, les élus se réfugient derrière l’Europe, laissant entendre que celle-ci imposerait la construction d’une ligne à grande vitesse pour rejoindre l’Espagne : « L’Europe a labelliséce projet comme un projet important » (Alain Rousset Sud-Ouest du 26/09/2015).
Les élus favorables ne cessent de répéter que le projet Sud Europe Atlantique (SEA) composé de trois branches: Tours-Bordeaux, Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Espagne figure dans le Réseau Trans Européen de Transport fixé par l’Union européenne (RTE-T, décembre 2013) et que l’axe Bordeaux-Espagne est une composante du corridor prioritaire Atlantique. Ceci pour accréditer l’idée que ce projet est imposé par l’Union Européenne.
Que demande l’Europe ?
Elle n’exige aucunement la création de lignes nouvelles à grande vitesse de la part de ses états membres mais recommande : « une utilisation optimale des capacités existantes » en « assurant l'interopérabilité entre les réseaux de transport nationaux »,« en éliminant les goulets d'étranglement et en comblant les chaînons manquants ». « Le réseau transeuropéen de transport devrait être développé à travers la création de nouvelles infrastructures de transport et à travers la réhabilitation et la modernisation des infrastructures existantes ». Ces recommandations sont extraites du règlement n° 1315/2013 du Parlement européen et du Conseil de l’Union Européenne du 11 décembre 2013 sur les orientations de l'Union pour le développement du réseau transeuropéen de transport et qui abrogent la décision N°661/2010/UE.
La même année une grande réforme a été instaurée dans le Réseau Trans Européen de Transport (RTE-T) avec la création du Mécanisme pour l'interconnexion en Europe qui précise : « La création de ce réseau passe par l'élaboration et la mise en œuvre de milliers de projets visant à supprimer les goulets d'étranglement, à établir les liaisons manquantes et à améliorer l'interopérabilité entre les différents modes de transport et entre les infrastructures de transport régionales et nationales. »
Nos élus sont censés connaître ces dispositions européennes. Manifestement ils préfèrent se réfugier dans le mensonge. Dès lors, il ne faut plus s’étonner qu’une majorité de citoyens ne croient plus au discours politique et ne font plus confiance à leurs élus.
« Une démocratie, parce que sa force est dans l’adhésion populaire, ne peut fonctionner que dans la confiance du peuple ce qui exige la loyauté de ses dirigeants » disait Pierre Mendès France avant de renchérir : « La conséquence de la politique de la continuelle dissimulation est tragique »
Un avertissement que certains de nos dirigeants feraient bien de méditer en ces périodes incertaines …