Le deuxième passage au Sénat du projet de loi sur le devoir de vigilance des multinationales a éradiqué son aspect contraignant. Des associations enjoignent le gouvernement à faire passer la version initiale avant la fin de la mandature législative.
Gouvernance | 19 octobre 2016 | Guillaume Krempp
Le deuxième passage du texte sur le devoir de vigilance des multinationales au Sénat était redouté par les associations. Une crainte qui s'est avérée légitime. La deuxième lecture, le 13 octobre, de cette proposition de loi ne s'est certes pas conclue par un rejet, comme lors du premier passage chez les sénateurs. Elle a néanmoins donné lieu à l'insertion d'amendements qui "vident totalement [le projet législatif] de sa substance" selon les associations favorables à une réglementation stricte sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises françaises.
Une deuxième lecture qui dénature le projet initial
D'une loi contraignant les entreprises donneuses d'ordres françaises (de plus de 5.000 salariés en France ou 10.000 avec leurs filiales à l'étranger), le texte s'est vu transformé en une recommandation sans engagement de responsabilité, ni amende civile. L'article 2, voté par l'Assemblée Nationale, faisait planer la menace d'une amende plafonnée à 10 millions d'euros sur les entreprises concernées. Il a tout simplement été supprimé par la chambre des sénateurs. N'est demandé aux entreprises qu'une publication d'informations sur les "principaux risques d'atteintes aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, risques de dommages corporels ou environnementaux graves, risques sanitaires et risques de corruption résultant de son activité", ainsi que le formule l'alinéa 1 du premier article.
D'autres modifications sénatoriales pourraient néanmoins avoir le soutien des associations pour la version finale du projet. Les changements actés le 13 octobre élargissent en effet le périmètre des entreprises concernées. Le projet de loi vise maintenant les sociétés qui réalisent annuellement "un total de bilan de plus de 20 millions d'euros ou un montant net de chiffre d'affaire de plus de 40 millions d'euros et emploient au moins cinq cents salariés permanents". Enfin, le texte adopté le 13 octobre se différencie du projet de loi initial par l'intégration de nouvelles mesures "destinées à prévenir et détecter la commission de faits de corruption".
Quel avenir pour la loi ?
Le texte devrait être prochainement étudié en commission mixte paritaire. Les profondes divergences entre les deux chambres laissent néanmoins peu de doute quant à l'issue de ce « véritable parcours du combattant [législatif, ndlr] depuis trois ans », dénoncé par une déclaration publique d'Amnesty internationale, Les amis de la terre, CCFD-terre solidaire, le collectif Ethique sur l'étiquette, l'association Sherpa et Action pour des peuples solidaires.
Ces acteurs de la société civile espèrent donc le soutien du gouvernement pour accélérer la procédure et provoquer rapidement le dernier passage, décisif, à l'Assemblée Nationale. Celui-ci doit en effet avoir lieu avant la fin de l'exercice parlementaire de la mandature à la fin février. Cette procédure pourrait alors permettre le retour à la version contraignante du projet de loi, tout en reprenant le périmètre élargi et l'intégration des risques de trafic d'influence ajoutés par le Sénat.