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3 décembre 2015 4 03 /12 /décembre /2015 10:44

 

Publié le 03/12/2015 à 08h36, modifié le 03/12/2015 à 08h36 par Pierre Penin

 

Le gouvernement a décidé la poursuite du projet de transport, malgré une enquête publique aux conclusions largement défavorables.

Le dossier LGV au sud de Bordeaux passera certainement par une procédure devant le Conseil d’État. © Illustration David Le Deodic

Le dossier LGV au sud de Bordeaux passera certainement par une procédure devant le Conseil d’État. © Illustration David Le Deodic

L'épais et brumeux dossier de la Ligne à grande vitesse (LGV) entre Bordeaux et l'Espagne va son chemin chaotique, comme une vieille micheline, de péripéties en revirements. La Région conduit la politique ferroviaire sur son territoire et pousse son « Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest », GPSO pour les intimes. Elle espère toujours créer de nouvelles lignes jusqu'à la frontière. Perspective qui, au Pays basque, rencontre une forte opposition. État des lieux du sujet épineux, à quelques jours des élections pour la « Grande région ».

 

1 Le gouvernement désavoue l'enquête

Beaucoup pensaient l'affaire entendue, lorsque la commission d'enquête publique a émis un avis négatif concernant la création de voies nouvelles au sud de Bordeaux (1). C'était en mars dernier. La vingtaine de commissaires enquêteurs signait 40 pages d'étude pour juger inopportune toute déclaration d'utilité publique (DUP) du dessein porté par SNCF Réseau. La fameuse DUP permet à l'aménageur de réaliser les expropriations sur le tracé de la LGV.

 

Les opposants au projet pouvaient légitimement savourer une victoire importante. Au premier rang de ceux-ci, le Cade (2). L'enquête va dans leur sens, qui considère l'aménagement des voies existantes trop vite relégué au profit de nouvelles.

 

C'était sans compter le gouvernement et son secrétaire d'État aux transports, le Landais Alain Vidalies. Le 26 septembre, il confirme « la décision prise par le gouvernement de continuer la procédure GPSO sur les deux lignes vers Toulouse et vers Dax ».

 

Les présidents PS des Régions Aquitaine et Midi-Pyrénées, Alain Rousset et Martin Malvy, thuriféraires du projet, peuvent y croire. Et garder confiance en leur entregent. En dernier recours, c'est le gouvernement qui signera la DUP. Un recours est possible devant le Conseil d'État, auquel se préparent les opposants. Le Cade a lancé une souscription. Il escompte 10 000 euros pour les frais de justice et en a déjà réuni 9 000.

 

2 Eau, faune et flore : c'est le grand flou

L'enquête d'utilité publique fonde notamment son avis négatif par l'impact environnemental du projet. En la matière, elle juge largement insuffisant le dossier présenté par GPSO. Le flou domine.

 

Les incidences sur les eaux de surfaces et la nappe phréatique ne peuvent être clairement établies. Le porteur du projet « renvoie à des études ultérieures », souligne le rapport. Il rappelle que « le projet traverse des zones particulièrement fragiles et franchit de nombreux cours d'eau ». « Les fortes inquiétudes sur la préservation du milieu ne sont pas dissipées », concluent les signataires.

 

Même circonspection quant aux dégâts liés aux déboisements et terrassements. Dans les études de GPSO, « il n'est jamais fait mention des pertes et destructions directes de la faune et de la flore » à cause de ces opérations. De même, la commission d'enquête se dit « très réservée » lorsque GPSO parle d'incidences « faibles à négligeables » pour les zones Natura 2000 traversées. Les enquêteurs, eux, pensent qu'elles peuvent se révéler « fortes à très fortes ».

 

3 Travaux aux dépens de l'environnement

La planification du chantier pose un sérieux problème. La période des travaux « fait planer un risque de pollution non négligeable ». Pour respecter au mieux les espèces protégées qui s'épanouissent sur le chemin de la LGV, il ne faudrait construire qu'aux mois de « septembre et octobre ».

 

Deux mois par an pour mener à bien un ouvrage qui demande sept ans ? À ce rythme, 42 ans seraient nécessaires. Autant miser sur les progrès de la téléportation. La commission ne rêve pas : elle « exprime une forte crainte » que l'avancement des travaux, la raison économique, l'emportent sur l'épanouissement de la cistude, du rhinolophe ou du triton marbré. Bref, que le chantier « se fasse aux dépens de l'intérêt environnemental ».

 

La construction des voies nouvelles va nécessiter des tonnes de matériaux. Donc l'ouverture de nouvelles carrières et gravières. Cela interroge en soi. D'autant que « le transport de ces millions de mètres cubes en provenance de lieux » encore inconnus, n'entre pas dans le bilan carbone du projet.

 

À propos de bilan carbone, GPSO souligne une diminution grâce à la LGV de la production de CO2 de l'ordre de 250.000 tonnes par an. Sur cette base, « la durée d'amortissement des émissions du chantier oscille autour de 190 ans ».

 

4 Impact économique pour le moins relatif

La LGV, vecteur de développement : un argument très largement remis en cause par les études disponibles. Le rapport sur l'utilité publique parle de « retombées économiques mitigées ». Pour le moins, d'un bénéfice très inégalement réparti. Les « quartiers des gares des grandes agglomérations » peuvent tirer profit de la grande vitesse. Mais « l'arrivée de la LGV ne déclenche pas à elle seule un essor économique ». Elle peut être « au mieux un catalyseur ».

 

Les exemples positifs s'expliquent souvent par des circonstances locales, comme pour la LGV Méditerranée, à Marseille : la ville a bénéficié en parallèle de la nouvelle infrastructure d'une des plus grandes opérations de rénovations urbaines d'Europe. Au Mans, la collectivité a investi massivement dans la zone d'activité de la gare. Près de 4 000 salariés y travaillent. Un développement qui coïncide avec l'avènement d'un Manceau à la tête du gouvernement : François Fillon.

 

Lorsque les collectivités parviennent à la faire fructifier, « le risque de métropolisation est patent ». Autrement dit, la LGV renforcera peut-être l'attractivité des pôles urbains mais au détriment des villes moyennes et périphéries rurales.

 

Seule vraie certitude : le secteur du BTP bénéficiera du chantier. Le maître d'œuvre table sur « 4 000 emplois directs, dont 2 000 embauches locales ». Ce ne seront pas que des créations d'emplois. L'emploi indirect (sous-traitance et services) représenterait aussi 4 000 postes. Là encore, il ne s'agit pas d'un bénéfice net.

 

(1) Enquête sur les tronçons Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax. (2) Collectif des associations de défense de l'environnement.

 

 

Source : http://www.sudouest.fr/2015/12/03/contestee-mais-toujours-sur-les-rails-2205131-2780.php#xtatc=INT-7-[bloc_article_payant_A1]

 

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